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François entrouvre la porte d’un dossier de béatification de Blaise Pascal

BLAISE PASCAL

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Blaise Pascal

Xavier Patier - publié le 19/06/23

À l’occasion du quatrième centenaire de la naissance de Blaise Pascal à Clermont, le pape François nous offre une stimulante lettre apostolique consacrée au grand mathématicien et philosophe français : « Grandeur et misère de l’homme ». Pour l’écrivain Xavier Patier, le Pape entrouvre la porte d’un dossier de béatification du grand penseur qui peut nous aider à lutter contre la tentation pélagienne de vouloir nous sauver sans Dieu.

Voici un pape paradoxal. Jorge Bergoglio, jésuite argentin des périphéries, boudant volontiers la fille aînée de l’Église, prenant soin de préciser que sa visite au Parlement de Strasbourg en 2014 n’était pas une visite en France, ajoutant que son déplacement prévu à Marseille ne le sera pas davantage, traitant sans beaucoup d’empathie l’Europe de “vieille dame fatiguée”, créant cardinal l’archevêque de Bangkok plutôt que celui de Paris, priant Anne Hidalgo de lui envoyer “une onde positive” mais commentant à peine l’incendie de Notre-Dame, n’insistant guère sur l’importance de la raison qui fut le thème de prédilection de son prédécesseur européen Benoît XVI, se livre à un hommage vibrant et très personnel du plus illustre pourfendeurs de jésuites de l’Histoire et du “plus grand des Français” selon la formule de Julien Green. 

Un pape disciple de Pascal

Cette apparente provocation n’est pas une totale surprise. François fut le premier pape à évoquer, en 2017, la canonisation de Pascal dont les Provinciales avaient été mises à l’index par son prédécesseur Alexandre VII sur demande de la compagnie de Jésus. Il l’a fait à sa manière : deux pas en avant, un pas en arrière. Le pape avouait sa passion pour le Mémorial, pense bête théologique et amoureux retrouvé dans la doublure de l’habit de Blaise après sa mort, et affirmait souhaiter que le dossier de béatification de son auteur fût ouvert, mais pour aussitôt préciser que cela ne dépendait pas de lui. De qui d’autre ? 

Bien que peu francophone, le pape cite des Français quand il est interrogé sur ceux qui sont ses maîtres : Thérèse de Lisieux , Charles de Foucault, le romancier Joseph Malègue. Et surtout Blaise Pascal, souvent mentionné dans ses homélies. Cette affinité du premier pape jésuite avec l’avocat de Port-Royal nous vaut une lettre apostolique d’un ton vif et personnel, une belle synthèse de ce que fut le chrétien Pascal et de ce qu’il nous dit aujourd’hui. 

L’amour et la raison

Le pape rappelle pour commencer que Blaise Pascal, autodidacte surdoué né en 1623 à Clermont et vite devenu parisien, mathématicien génial, entrepreneur, physicien, écrivain, polémiste, mort à trente-neuf ans sans avoir eu le temps de devenir vieux, grognon ou académicien, fut un grand amoureux de l’Évangile et des pauvres. Il a laissé le souvenir d’un feu dévorant, qui des mathématiques est passé au service des plus démunis à travers la découverte du Christ. La lettre apostolique s’enthousiasme pour ce “chercheur de vérité” capable d’inventer le premier réseau de transports urbains de l’histoire — les carrosses à cinq sols — tout en mettant sa prodigieuse intelligence au service de la foi. 

François aime chez Pascal l’homme ouvert à la réalité et impliqué dans son époque. Il voit en lui “un compagnon de route qui accompagne notre recherche du vrai bonheur”. Le Pascal raconté par Bergoglio, un Pascal libre et insoumis, finit par ressembler au jésuite de Buenos Aires : il “résiste à la tentation de brandir la foi comme une certitude incontestable”, il mise sur l’amour des autres sans renier la raison. Il sait que notre vie spirituelle et amoureuse, tout comme la physique, obéit à des lois, quand mêmes ces lois sont d’un ordre infiniment plus grand que les lois de la physique. Sur ce point le pape rapproche Pascal du théologien allemand Hans Urs von Balthazar, qui affirmait à son sujet : “Grâce à la précision de la géométrie et des sciences de la nature, il est capable d’atteindre à celle, toute différente, qui existe par exemple dans le domaine de l’existence de la vie chrétienne.”

L’homme qui lutte contre le « néo-pélagique »

François, à l’école de Blaise, plaide pour une évangélisation “respectueuse et intelligente”. Il rappelle que le savant ne sombra jamais dans le fidéisme, car il était profondément attaché au caractère raisonnable de la foi en Dieu, ce qui lui donne l’occasion de saluer au passage Benoît XVI. L’homme, ce roi dépossédé, ne cesse de chercher un paradis perdu, qu’il ne trouve qu’en Dieu. Car Dieu seul est notre joie. Et Dieu ne se trouve qu’en Jésus. Déjà, en 1995 à Salvador, le cardinal Bergoglio avait cité de Joseph Malègue la sentence la plus pascalienne, qu’il faisait sienne : “Loin que le Christ me soit inintelligible s’il est Dieu, c’est Dieu qui m’est étrange s’il n’est le Christ.” Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, non des philosophes et des savants, Dieu de Jésus Christ, disait le Mémorial que Blaise avait cousu dans sa doublure et que le pape semble avoir gravé dans son cœur.

Loin que le Christ me soit inintelligible s’il est Dieu, c’est Dieu qui m’est étrange s’il n’est le Christ.

On attendait dans cette lettre quelque chose sur le jansénisme. On le trouve. Le pape affronte la question à la fin de sa lettre. Il rappelle d’abord que Pascal, homme libre, n’était “point de Port-Royal”, même s’il y avait ses amis. Il note aussi que les thèses de Pascal ne sont guère différentes de celles d’Augustin au Ve siècle quand il avait voulu combattre les pélagiens qui prétendaient que l’homme peut se sauver seul, par ses mérites, sans la grâce de Dieu. Il fait crédit à Pascal de la sincérité de ses intentions dans ses lettres polémiques contre les jésuites. Le propos pontifical est ici historique. Il entrouvre la porte d’un dossier de béatification du grand Français. François présente Pascal comme l’homme qui peut aujourd’hui nous aider à lutter contre le “néo-pélagique”, cette tentation de tout faire dépendre de nos propres efforts. Blaise Pascal aurait donc raison contre la théologie de la libération. Pour finir, François, de son lit d’hôpital, mentionne la magnifique “Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies” écrite par Pascal alité en 1657 : poignant hommage rendu par un malade à un souffrant. 

Pratique

Pape François, Grandeur et misère de l’homme. Lettre apostolique Sublimitas et Miseria hominis, Éditions du Cerf, 19 juin 2023, 54 pages

Douze citations de Blaise Pascal sur Dieu :

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