Il y a quelques années, un 8 décembre, alors que l’encyclique Laudato si’ ouvrait la conscience chrétienne aux enjeux d’une écologie intégrale, nous avions pris l’initiative de proposer aux paroissiens d’inviter les habitants du quartier à venir sur le parvis pour, ensemble, bénir cette création confiée à nous, hommes, par son auteur. La proposition était simple : que tous ceux qui avaient chez eux un animal le prenne avec eux. Ensemble nous pourrions rendre grâce pour la beauté de la nature dans toutes ses composantes, végétale, minérale, animale, tout en demandant au Seigneur de faire de nous des instruments de sa bénédiction.
La trace de Dieu
L’idée peut paraître incongrue, dévotement superstitieuse ou un rien démagogique. Ce n’est en tout cas pas ainsi qu’elle apparut à tous ceux, nombreux, qui, pour la première fois depuis longtemps se, retrouvaient rassemblés en Église et invités tranquillement à en franchir le seuil. Traversant le parvis quelques heures avant le rendez-vous fixé, je fus interpellé par une dame, inquiète : "C’est bien ici qu’il faut venir pour la bénédiction ?" Elle avait pris une marge suffisante pour que son petit chien habillé pour la fête soit aux premières loges. Elle me le présenta, émue : "Voici John Lennon." Quelques chants, la prière de saint François d’Assise et l’Évangile valaient mieux qu’une longue prédication. Chacun fut aspergé de cette eau qui nous convoque à vivre en nous tenant devant le regard de notre Créateur.
La Vie n’est pas l’apanage de l’homme. Elle est la trace de Dieu dans toute sa création. Mais l’homme est le seul à en avoir une conscience qui, à défaut d’être claire, le pousse à chercher et réfléchir aux causes.
L’Évangile est un message, il est même le Message par excellence, qui nous dévoile ce qui était caché en affirmant que la lumière du Christ est d’ores et déjà vainqueur de toutes ténèbres. C’est aux plus petits que ce Message est confié. À ceux qui croient sans ambages que cet animal qu’ils tiennent dans leurs bras et qui constitue souvent la seule compagnie fidèle de leur existence est bien une créature et non un objet qu’on peut traiter sans état d’âme.
L’efficacité de l’Évangile
Je me souviens de ce couple de messieurs qui était venu avec son lévrier afghan et qui pleuraient de joie de se retrouver dans une assemblée chrétienne en y ayant été, par ce chien, invités. Je me souviens aussi d’un confrère qui, dans l’église, se voulait disponible pour ceux qui souhaitaient parler ou demander plus : "Rien qu’une seule des confessions entendues, me dit-il, valait le coup que l’on organise tout cela." "Toute la création sera récapitulée dans le Christ" proclame la quatrième prière eucharistique.
Mystère immense d’un à-venir si difficile à expliquer et à décrire. Mais Espérance profonde que la foi ne déçoit pas et que, donc, rien de vivant ne saurait être perdu dans le cœur de Dieu. Qu’est-ce que cela veut dire, concrètement ? Peut-être, à l’heure de l’effondrement de structures dont nous pensions qu’elles avaient pour certaines une vocation à long terme, et ce un peu partout autour de nous, est-ce d’abord un appel à croire "sur le terrain" qu’il n’est jamais trop tard pour croire en l’efficacité de l’Évangile. Et ainsi d’œuvrer dans le quotidien à ce qu’il puisse de nouveau paraître accessible à chacun en commençant par ceux qui estiment être mis à distance ou qui s’en vont tout tristes d’avoir cru comprendre qu’ils n’en étaient pas dignes.