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Les quatre choix de Gemma Galgani

Gemma Galgani

Sainte Gemma Galgani.

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Anne Bernet - publié le 10/04/23
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C’était la plus jolie fille de Toscane. Atteinte par la plus atroce des maladies, elle choisit de souffrir davantage dans son âme que dans son corps. Sainte Gemma est fêtée le 11 avril.

Morte à 23 ans en 1905, Gemma Galgani aura été, durant sa courte vie, confrontée par quatre fois à des choix crucifiants ; elle les acceptera afin de mieux s’unir au Christ, l’Époux qu’elle s’est choisi, pour le meilleur et pour le pire. La beauté n’est pas, s’agissant des saints, un cadeau du Ciel mais une infortune. Or, à huit ans, Gemma est déjà si belle que les gens se retournent sur elle dans les rues de Lucques, s’extasiant sur ses yeux immenses, la finesse de ses traits à rendre jalouse une madone de Raphaël. Son père en est excessivement fier et manifeste à la fillette, au détriment de ses sept autres enfants, une tendresse passionnée, injuste, ce dont la petite est gênée. Sa mère aussi… Aurelia Galgani juge anormal cet amour paternel trop exclusif contre lequel elle lutte.

La plus jolie fille de Toscane

Seulement, en cette année 1886, cette femme de trente-huit ans, rongée par la tuberculose, sait qu’elle n’en a plus pour longtemps. D’ici quelques mois, elle sera morte, Gemma livrée à ce père bizarre. L’enfant le sait, s’accroche désespérément à la mourante, se précipitant à son chevet sitôt rentrée de l’école et refusant de la quitter, inconsciente du risque de contagion. Un jour, Mme Galgani, rongée d’angoisse, pose à sa fille cette question étrange qui traduit ses profondes inquiétudes : "Si c’était possible, voudrais-tu venir avec moi bientôt au paradis ?" Gemma assure que oui en sanglotant. Peu après, son père décide de l’éloigner de ce foyer à l’atmosphère morbide et l’envoie chez une tante. Gemma sanglote : "Qui me parlera de Jésus si je quitte Maman ?" La réponse ne tardera pas : Jésus viendra s’en charger. 

Début novembre 1886, en prière à l’église, Gemma entend le Christ lui demander : "Veux-tu me donner ta Maman ?" Il ne peut y avoir pour elle acception plus douloureuse mais elle répond oui. Le 11, Aurelia Galgani rend l’âme. Et la vie mystique de sa fille commence. Neuf ans passent. En 1895, à 17 ans, la signorina Galgani est la plus jolie fille de Toscane. Belle à se passer de dot, et cela tombe bien car son père, au bord de la ruine, ne pourrait lui en donner. En revanche, il espère trouver à Gemma un mari assez riche pour redresser ses affaires. Dans ce but, on pare la jeune fille d’élégants atours et de bijoux, dont une montre en or et une croix ornée de pierres semi-précieuses qui enchantent l’adolescente. Plantée devant son miroir, parée de ses bijoux, Gemma se trouve ravissante, et elle l’est ; elle a envie d’aller se promener pour que tout le monde la voit si bien apprêtée. Et voilà que, dans le miroir, apparaît derrière elle un jeune homme rayonnant qu’elle n’a pas vu entrer et qui la dévisage tristement : son ange gardien. D’une voix sévère, il dit : "Les seuls bijoux qui embellissent l’épouse d’un Roi crucifié sont les épines et la croix."

La visite du Tentateur

Gemma retire ses bijoux, sa robe élégante, ses affiquets inutiles. Elle ne les remettra jamais, ne portera plus que d’informes vêtements noirs et fuira le regard des hommes. Le Christ l’a demandée en mariage. Elle a dit oui, elle est prête à en payer le prix, si lourd soit-il, et il va l’être… En 1897, M. Galgani meurt, laissant ses enfants dans une situation financière délicate. Une fois de plus, trouver un riche mari à Gemma semble la seule chance de tirer sa famille du pétrin. On s’emploie à le trouver, au grand dam de la jeune fille qui a choisi à jamais un autre Époux. Désespérée, Gemma supplie son Bien-Aimé de la débarrasser de sa beauté. Il l’exauce. La phtisie familiale l’atteint à son tour, sous sa pire forme, le mal de Pott, la tuberculose osseuse. En quelques semaines, rongée de tumeurs à la colonne vertébrale, cachectique, grabataire, Gemma n’est plus que l’ombre d’elle-même et les prétendants s’envolent. Elle souffre atrocement, se révolte contre cette croix, qu’elle a voulue mais qui lui semble maintenant insupportable. Elle voudrait redevenir comme les autres, en bonne santé, avec la vie devant elle ! 

Le veut-elle vraiment ? Et à quel prix ? Ce soir-là, un homme apparaît à son chevet, d’une sombre et inquiétante séduction, élégant, souriant, avec des manières de grand seigneur ; il engage la conversation, la plaint de tant souffrir, "d’endurer pareilles tortures"… Avec un sourire d’apitoiement, il dit :

Mais comment peut-Il dire qu’Il t’aime ? Vois donc comment Il te traite ! Crois-moi : en fait, Il est méchant et ne déteste personne autant que ceux qui L’aiment… Il n’y a qu’à voir ce qu’Il fait à Ses amis… Moi, en revanche, je suis bon avec les miens.

Et le Tentateur continue, du même ton de fausse compassion : pour le lui prouver, il va lui rendre la santé, et cette beauté qu’elle a dédaignée. Elle sera guérie, plus belle encore qu’avant. En échange, presque rien : elle renoncera à ces jeûnes, macérations, pénitences absurdes, heures perdues en prière et vivra enfin sa vie ! Elle aura tout ce que les autres désirent : amour, succès mondains, argent. Gemma a reconnu l’indésirable visiteur ; se redressant, elle lui jette : "Dehors, Satan ! Mon âme passe avant mon corps !"

La croix de son Époux

Le visage défiguré de haine et de rage, le démon disparaît, non sans lui promettre qu’il lui fera payer ce choix insensé ; s’il sait être bon ami, elle doit savoir qu’il est un ennemi redoutable. En quelques heures, l’état de la malade empire. À la tuberculose osseuse qui s’aggrave et la prive de l’usage de ses jambes, s’ajoutent une mastoïdite puis une méningite. Les médecins tentent de cureter, à vif car, par esprit d’expiation, Gemma refuse les anesthésiques et les antalgiques, les os atteints. En vain. Ils estiment qu’il ne lui reste pas douze heures à vivre. Elle s’en réjouit : elle ne pourrait en endurer davantage. En cette nuit d’agonie et d’insupportables douleurs, la jeune fille ne dort pas. Et voilà que, pour la troisième fois, quelqu’un entre dans sa chambre sans passer par la porte. Nimbé de lumière, c’est un très jeune homme revêtu de l’austère habit, qui rayonne, des passionnistes. Avec un doux sourire, il s’approche :

Gemma, ma chère petite sœur… Je suis Gabriele de l’Addolorata, et je viens de la part de Dieu te demander quelque chose. Veux-tu partir au Ciel avec moi maintenant ou acceptes-tu de rester sur cette terre et d’y souffrir pour le salut des pécheurs ?

Si elle accepte de demeurer ici-bas, Gemma sera guérie de toutes ses misères physiques mais connaîtra de très grandes souffrances spirituelles. Sa gloire éternelle grandira en proportion des croix acceptées. Gemma choisit les épines et la croix offertes par son Époux. À l’aube, le médecin venu constater le décès trouve sa patiente debout, guérie. Et crie au miracle. Il reste cinq ans à vivre à Gemma, parce qu’elle ne cessera d’offrir le temps dont elle dispose pour la guérison de malades incurables, qu’elle sauvera, ou de pécheurs endurcis, qu’elle convertira. Cinq ans d’épreuves, de signes incroyables, de visites angéliques, de vexations diaboliques, de stigmates. Et elle en bénira Dieu car elle a compris ce que le Christ lui a enseigné :

Si tu veux vraiment M’aimer, apprends d’abord à souffrir car la souffrance apprend à aimer. La croix est le trône des vrais amants.

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