Voilà une interjection difficile à traduire en français. Et même en latin. D’ailleurs, la liturgie a fait le choix de ne pas s’y risquer. C’est donc en hébreu que l’on dit plusieurs fois pendant la messe "amen", c’est-à-dire "qu’il en soit ainsi" ou "en vérité" ou "assurément". L’adjectif verbal originel renvoie à la solidité. Par extension, le mot évoque la fidélité et la confiance, dans un double mouvement : un assentiment à une parole dite, et le vœu qu’elle soit réelle.
Si le mot n’est pas traduit, c’est aussi parce qu’il charrie avec lui une tradition biblique très ancrée. Des Nombres à l’Apocalypse, en passant par le Deutéronome, Tobie ou Néhémie. Le plus souvent, c’est d’ailleurs la réponse de l’assemblée présente à une parole liturgique (Ne 8, 6) :
Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : ‘Amen ! Amen !’ Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre.
Cet héritage explique différents usages de l’interjection à la messe. "Amen" est d’abord la réponse du peuple fidèle au prêtre qui prie Dieu en son nom. Quand le célébrant prononce le signe de croix ou les oraisons (collecte, prière sur les offrandes, prière après la communion), tous répondent d’une seule voix pour marquer l’adhésion. Oui, dans la voix du ministre à l’autel, nous reconnaissons notre propre prière.
Affirmation ultime de notre foi
L’usage est aussi de dire "amen" à la fin du Credo, comme affirmation ultime que la foi proclamée est bien nôtre, qu’elle est ferme, solide. Cette assurance est encore celle exprimée quand le prêtre nous montre le corps du Christ avant que nous communions : "amen", oui je crois que Jésus est réellement présent dans cette hostie. Mais l’interjection a ici également pour objet de consentir à l’action de Dieu.
Reconnaître l’œuvre de Dieu, son salut. Voici le sens de la conclusion du Gloria, hymne d’action de grâce pour les dons du Créateur et Sauveur. Plus encore, le suffrage au salut en acte se trouve dans l’interjection prononcée à la fin de la doxologie (Par lui, avec lui…) et qui vient conclure toute la prière eucharistique. "Amen", oui Seigneur tu es notre Dieu et tu nous as sauvés par ta mort et ta résurrection, oui tu agis en nos vies et nous voulons te laisser vivre en nous. L’assemblée, comme le peuple Hébreu au pied du mont Sinaï jadis, approuve l’Alliance venue d’En-haut : "Il prit le livre de l’Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : ‘Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons.’" (Ex 24, 7).