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Quel bilan pour la diplomatie vaticane depuis que François est pape ?

POPE FRANCIS

Le pape François salue le grand imam égyptien Azhar Ahmed Al-Tayeb, à Abou Dabi, février 2019.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 09/03/23
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Entre "guerre mondiale par morceaux", attention aux migrants et aux périphéries ou dialogue avec l’islam, le pape François a beaucoup tenté en matière de diplomatie. Pour des résultats mitigés, observe Jean-Baptiste Noé, auteur de “François le diplomate” (Salvator), qui témoignent des limites et de la complexité d’une diplomatie si particulière.

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Du bilan des dix années écoulées du pape François, on retient d’abord des expressions et des images. Les "périphéries", le choix des "ponts" contre les "murs", la "guerre mondiale par morceaux". Des expressions associées à des images : la visite de l’île de Lampedusa, dès 2013, celle de Lesbos avec des migrants à bord de l’avion du retour, la rencontre avec le patriarche Kirill à Cuba et celle de l’imam de la mosquée d’Al-Azhar au Caire. Une activité diplomatique qui témoigne de la place du Saint-Siège dans le monde, dont l’influence et l’intérêt vont bien au-delà du monde catholique. Une diplomatie qui fut conduite, jusqu’à sa mort en 2018, par la vision et le regard prophétique du cardinal Tauran, qui aura servi directement trois papes. 

D’abord des prêtres

Si les images et les symboles sont importants, la diplomatie vaut aussi par ses succès. L’intervention directe du Pape, à l’automne 2013, pour éviter une intervention militaire en Syrie, qui était programmée, en fait partie, même si le Saint-Siège n’en porte pas seul le succès. La diplomatie patiente et invisible, qui se joue dans les couloirs de l’ONU et des autres instances internationales, fait partie des leviers dont dispose le Vatican pour faire avancer ses idées. Et puis il y a cette idée fondamentale et unique que le monde est dans les mains de Dieu, seul maître de l’histoire, et que les événements doivent aussi être lus avec cette grille de lecture spirituelle. Omettre la dimension eschatologique de la diplomatie vaticane, l’importance de la prière, pour le Pape et pour ses diplomates, l’idée que le combat suivi se fait dans le temps long, c’est omettre l’essentiel. Avant d’être des ambassadeurs, les nonces sont d’abord des prêtres. Et avant d’être un chef d’État, le Pape est d’abord, lui-aussi, un prêtre et le Vicaire du Christ. Une lecture trop humaine de sa diplomatie conduit à oublier l’essentiel. 

Pékin, Moscou : des échecs ?

La question chinoise est l’un des dossiers les plus complexes du pontificat de François. On pourra, à juste titre, constater que le Saint-Siège n’avance pas. Les chrétiens sont toujours persécutés en Chine et parfois plus qu’avant dans certaines régions. Les évêques sont nommés par le gouvernement chinois, et validés ensuite par Rome, ce qui est inacceptable au regard du droit canonique et de la liberté de l’Église. Dans certains diocèses, des évêques pieux, ayant supporté les persécutions du Parti, ont dû s’effacer et laisser la place à des évêques vivant en concubinage, fonctionnaires du PCC.

Une situation qui a choqué de nombreux catholiques restés fidèles à l’Église authentique, dont le cardinal Zen, qui n’a jamais caché son opposition à la politique de François. Le Saint-Siège estime qu’un accord vaut mieux que rien. Qu’une entente avec la Chine, même très imparfaite, est préférable à la continuation d’une Église souterraine et parallèle. Le temps dira si cette politique était la bonne. Pour l’instant, Xi Jinping n’a nullement changé sa politique, il a même étendu sa mainmise du Parti et du pays. Mais, vaille que vaille, l’Église en Chine continue son chemin.  

L’autre dossier épineux est celui de la Russie. En dépit de la bonne volonté catholique et de la belle formule de "l’œcuménisme du sang", le dialogue avec les orthodoxes n’avance pas. La guerre en Ukraine a changé la donne. Si le Pape s’est essayé au début du conflit à une position médiane, ni OTAN ni Russie, accusant même Washington d’une part de responsabilité en ayant trop "aboyé" aux portes de la Russie, le discours s’est depuis infléchi en faveur de Kiev. Le Saint-Siège aurait pu jouer un rôle dans les négociations de paix, il aurait pu tenter d’être le lieu du dialogue, un terrain neutre où discuter. Cela n’a jamais été le cas ; comme Benoît XV durant la Première Guerre mondiale, François n’a pas réussi à imposer ses vues. Le Vatican parle mais ne joue plus de véritable rôle de médiateur. Il s’est essayé en Afrique, notamment au Soudan du Sud et au Congo, avec des gestes spectaculaires et des résultats nuls.

Que faire ?

On touche là aux limites de la diplomatie. La bonne volonté et le dialogue ne suffisent pas. Vouloir la paix ne permet pas de l’imposer. Demander l’ouverture des négociations ne garantit pas de les voir aboutir. On ne peut obliger la paix à ceux qui préfèrent la guerre. Le drame des migrants en est l’exemple terrible : le Pape a beau dénoncer les passeurs qui s’enrichissent en vendant du rêve et des traversées, au détriment de la sécurité des personnes, le trafic de migrants rapporte tant que personne ne va cesser cette exploitation pour répondre aux injonctions du Pape. La parole est un témoignage, elle permet une prise de conscience, elle nomme le réel, lui permettant d’être compris. Elle n’est pas suffisante pour gagner le rapport de force. Être conscient des limites intrinsèques de la diplomatie du Saint-Siège permet aussi de mieux en comprendre la spécificité et d’en savourer les succès.    

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