Quand la philo mène aux ressources humaines

"Sommes-nous responsables de l’avenir ?", "Le travail divise-t-il les hommes ?", "La morale est-elle la meilleure des politiques ?"... Qui n’a pas été interpellé, surpris, décontenancé ou stimulé en découvrant son sujet de philosophie proposé lors du baccalauréat qui vient clôturer la période du lycée ? Qu’elle soit aimée ou redoutée, cette matière ouvre chaque année la réflexion de millions de jeunes.

Si certains la poursuivent un temps lors des études supérieures jusqu’à en faire leur métier, d’autres l’abandonnent très rapidement car jugée trop abstraite, pas assez pratique. Et si, pourtant, c’était tout le contraire ? Et si la philosophie était en réalité un atout pour évoluer dans le monde de l’entreprise, tout particulièrement dans le domaine des ressources humaines ? C’est l’intuition de l’IPC Facultés Libres de Philosophie et de Psychologie, à Paris, qui ouvre à la rentrée 2023 un Master 2 de ressources humaines. En partenariat avec l’IAE de Metz, ce nouveau Master en alternance vise à donner à des étudiants de M1 de solides outils pour travailler dans les différents métiers des ressources humaines.

"La forte dominante opérationnelle de ce Master en alternance se couple avec des cours qui permettent une prise de recul grâce aux sciences sociales et à la philosophie", explique à Aleteia Bernard Guéry, son responsable pédagogique. Concrètement, la formation s’étale sur neuf mois de cours de juin à septembre et compte 405 heures d’enseignement avec trois jours en entreprise (du lundi au mercredi) et deux jours et demi à l’IPC (du jeudi au samedi matin). "La démarche de l’IPC et de ce master tout particulièrement n’est pas de former des gens à la philosophie pour en faire des adeptes mais de former des gens qui vont pouvoir s’intégrer dans la cité avec un regard différent, avec une capacité de prise de recul propre à la philosophie."

Misant sur des promotions d’une quinzaine d’étudiants, le Master 2 ressources humaines de l’IPC va permettre aux étudiants de se former tout particulièrement à la philosophie du management, à l’ergologie (une démarche permettant d’analyser les situations de travail et d’y intervenir pour les transformer, ndlr), à l’accompagnement du changement, ou bien encore à des approches critiques du management et des ressources humaines… "Les profils des étudiants qui vont entrer dans ce master auront déjà des bases en management, en science humaines et sociales, en philosophie ou encore en histoire", souligne Bernard Guéry. "L’objectif va être de compléter leur formation en les professionnalisant, c’est-à-dire en leur donnant des soft skills, des compétences transverses hautement recherchées en entreprise.".

Ancien de l’IPC et actuellement DRH dans un groupe du CAC 40, Maximilien Ruget se réjouit de la création de ce Master dans lequel il va intervenir sur la partie pratique. "J’ai pu lier philosophie et management en cumulant différentes formations ainsi que des stages. Mais voir tout cela réuni dans un seul Master est une excellente intuition de la part de l’IPC", assure-t-il. "Mon objectif en tant qu’intervenant extérieur sera de montrer aux futurs élèves comment la philosophie va les aider au quotidien à être un meilleur manager, un meilleur recruteur…" Et des exemples, il en a des dizaines !

Il se souvient particulièrement de ce jour où la directrice administratrice et financière de l’entité pour laquelle il travaillait le sollicite afin de lui présenter le document qu’elle souhaitait soumettre aux élus du comité social et économique (CSE). "J’ai lu le document en question et lui ai tout de suite dit qu’il y avait bien les outils et les moyens mais aucun élément de contexte", se rappelle-t-il. "En vue de quoi ce document était-il créé ? En vue de quoi agit-on ? Parce que la philosophie permet de structurer sa pensée, sa prise de paroles, elle est un socle utile dans l’ensemble des métiers du management et des ressources humaines."

Plus globalement, "la philosophie berce mon quotidien professionnel sur le plan éthique avec les vertus cardinales", reprend-t-il. "La prudence, la justice, la force et la tempérance font partie de mon quotidien, en tout cas j’essaye de les questionner et de les incarner chaque jour !" Il se souvient par exemple de ce salarié qui avait manqué de respect à son employeur qui n’était plus qu’à trois ans de la retraite. "Prudence, justice, force d’âme… Oui le questionnement des vertus permet d'éclairer et le choix et de prendre la bonne décision", assure-t-il. "La philosophie en entreprise c’est de la philosophie pratique", reprend Maximilen Ruget. "En entreprise on se situe dans l’action, l’agir, le faire. Et la philosophie vient simplement aider l’intelligence à transformer cette action dans le réel. Elle vient aider à passer de la pensée à l’agir."

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