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Le pape François sur l’homosexualité : “D’entrée de jeu, il prend de la hauteur”

POPE FRANCIS GENERAL AUDIENCE
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Agnès Pinard Legry - publié le 26/01/23
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François a affirmé lors d'un entretien à l'agence de presse Associated Press diffusé le 25 janvier que l'homosexualité n'était pas "un crime" mais "un péché". On retiendra surtout cette phrase très forte : "Être homosexuel n’est pas un délit. C’est une condition humaine " et "Dieu nous aime dans l’état où nous sommes"", rappelle auprès d'Aleteia le frère Jean-Miguel Garrigues, dominicain et expert du catéchisme de l’Église catholique. Entretien.

Les propos sur l'homosexualité tenus par le pape François lors d'un entretien accordé à l'agence de presse américaine Associated Press diffusé mercredi 25 janvier 2023 font réagir. Dominicain et expert du catéchisme de l’Église catholique, frère Jean-Miguel Garrigues revient pour Aleteia sur le sujet.

Aleteia : Que comprendre des récentes déclarations du pape François sur l’homosexualité ?
Frère Jean-Miguel Garrigues :
La récente interview à Associated Press donne au Pape l’occasion de développer son propos, en faisant remarquer que "la condamnation de l’homosexualité vient de loin" et qu’elle s’est imposée socialement par le biais d’un conditionnement culturel. Le Pape ne nomme pas l’origine de celui-ci, mais la suite de son propos, quand il invite les évêques à se libérer de lui pour accueillir et défendre les personnes accusées du délit d’homosexualité, montre qu’à ses yeux il n’est pas étranger à une certaine compréhension de la tradition biblique, que ce soit dans le christianisme, dans le judaïsme orthodoxe et, bien sûr, dans l’islam. En effet, si la plupart des cultures non-bibliques ne sont pas neutres vis-à-vis de l’homosexualité, elles cherchent à l’encadrer plutôt qu’à la condamner.

Le Pape ajoute que Dieu nous aime aussi "avec la force avec laquelle chacun de nous lutte pour sa propre dignité.

Est-ce selon vous une "gaffe" ou au contraire une nécessaire "clarification" ?
Le Pape n’ignore pas que ceux qui condamnent l’homosexualité comme telle, invoquent les "actes contre-nature" auxquels elle peut incliner. Mais il croit que cette condamnation globale et sociale "est injuste". Il invite donc les évêques des pays qui condamnent pénalement l’homosexualité, de bons évêques qui partagent néanmoins ce conditionnement culturel, à s’en libérer par "un processus de conversion", pour venir en aide aux personnes persécutées en raison de leur homosexualité et parfois même menacées de la peine de mort. On retiendra cette phrase très forte : "Être homosexuel n’est pas un délit. C’est une condition humaine" et "Dieu nous aime dans l’état où nous sommes". Mais le Pape ajoute que Dieu nous aime aussi "avec la force avec laquelle chacun de nous lutte pour sa propre dignité". Cette lutte vise le conditionnement culturel qui condamne a priori l’homosexualité comme telle, mais elle implique sans doute aussi le combat de tout chrétien contre sa propre concupiscence, laquelle tend à nous faire instrumentaliser autrui pour obtenir notre plaisir, nous éloignant de ce fait de notre dignité humaine.

Le pape François a parlé à diverses reprises sur les personnes homosexuelles et son discours n’est pas nouveau.

Son discours sur le sujet est-il nouveau ?
Le pape François a parlé à diverses reprises sur les personnes homosexuelles et son discours n’est pas nouveau. Tout le monde se souvient de sa fameuse phrase "Qui suis-je pour le juger", alors qu’il était interrogé par une journaliste en 2013, sur le passé homosexuel que d’aucuns soupçonnaient chez un prélat du Vatican. Après avoir dit qu’une enquête n’avait rien donné, il avait ajouté :

"Je voudrais ajouter autre chose là-dessus : je vois que souvent dans l’Église, au-delà de ce cas et aussi dans ce cas, on va chercher les “péchés de jeunesse”, par exemple, et on les publie. Pas les délits, eh ? les délits c’est autre chose : l’abus sur mineurs est un délit. Non, les péchés. Mais si une personne, laïque ou prêtre ou sœur, a fait un péché, et ensuite s’est convertie, le Seigneur pardonne, et quand le Seigneur pardonne, le Seigneur oublie et cela est important pour notre vie. Quand nous allons nous confesser et que nous disons vraiment : “J’ai péché en ceci”, le Seigneur oublie ; et nous, nous n’avons pas le droit de ne pas oublier, parce que nous courrons alors le risque que le Seigneur n’oublie pas nos péchés. C’est un danger. C’est important : une théologie du péché. Souvent je pense à saint Pierre : il a fait l’un des pires péchés, celui de renier le Christ ; et avec ce péché il a été fait Pape. Nous devons y penser beaucoup."

À cette occasion, tout en mettant en garde contre les "débiteurs impitoyables" (cf. Mt 18, 23-35) que nous sommes quand nous retenons les "péchés de jeunesse" des autres, le Pape distinguait déjà le péché – que peuvent comporter les actes homosexuels pour les croyants rattachés à la tradition biblique – et le délit, que constitue encore dans certains pays l’homosexualité comme telle. Cette distinction montre que le pape François prend en compte, sans la condamner, la sortie de chrétienté des anciennes nations chrétiennes et la sécularisation de la loi pénale qu’elle comporte. Dans une précédente interview en 2020, il avait même été plus positif en se disant favorable, comme il l’avait déclaré lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires, aux unions civiles (en France le Pacs) entre personnes du même sexe. Comme je l’expliquais sur Aleteia à ce moment-là, le Pape n’a certes pas proposé les unions civiles comme un espace moralement privilégié où les personnes homosexuelles peuvent poursuivre leur sanctification. En revanche, je crois qu’il a voulu contredire la marginalisation et plus encore la criminalisation de l’homosexualité, en vigueur — ne l’oublions pas — dans un nombre significatif de pays. Celles-ci semblent très clairement restreindre l’espace de liberté nécessaire pour le discernement et le choix moral, quand la personne homosexuelle souffre le rejet familial ou social, et plus encore si elle risque la prison ou la mort.

Ce qu'a dit exactement le Pape l'homosexualité dans son interview à Associated Press diffusée le 25 janvier 2023

François : La condamnation de l’homosexualité vient de loin. Aujourd’hui, par exemple, je crois que les pays qui la condamnent légalement sont plus de 50. Parmi eux, je crois que plus ou moins 10 condamnent à la peine de mort. Ils ne nomment pas directement l’homosexualité, mais ils parlent de ceux qui ont des relations contre-nature. Ils essayent de le dire de manière cachée. Mais il y a des pays qui ont cette forte tendance, quand ce n’est pas la culture qui l’a. Je crois que c’est injuste. Je reçois ici en audience des groupes de personnes comme cela. Nous sommes tous des enfants de Dieu. Et Dieu nous aime dans l’état où nous sommes et avec la force avec laquelle chacun de nous lutte pour sa propre dignité. Être homosexuel n’est pas un délit. Ce n’est pas un délit. – "Oui, mais c’est un péché". – Distinguons d’abord le péché du délit. Mais c’est aussi un péché que le manque de charité envers le prochain. Alors, chaque homme et chaque femme doit avoir une fenêtre dans sa vie où ils puissent mettre leur espérance et où ils puissent voir la dignité de Dieu. Être homosexuel n’est pas un délit, c’est une condition humaine.  
 
Et dans les états qui ont ces lois, l’Église peut-elle contribuer à les abroger ? Elle doit ? Doit-elle le faire ? 
Oui, oui, oui, elle doit le faire. Elle doit le faire. Ce qui arrive, c’est qu’il s’agit de cultures dans un état et les évêques du lieu, même si ce sont de bons évêques font partie de cette culture et certains ont encore la mentalité de cette culture. N’est-ce pas ? L’évêque, lui aussi, a un processus de conversion. De tous les évêques de ces lieux, je n’ai pas de mauvaises informations d’aucun d’eux. Ils sont ouverts à aider, non seulement sur ce point mais sur d’autres problèmes. Mais… de la tendresse, s’il vous plait, de la tendresse, comme Dieu l’a avec chacun d’entre nous". 
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