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Lieu des seules apparitions mariales reconnues en Afrique, le sanctuaire de Notre-Dame de Kibeho devrait voir s'ériger dans les prochaines années une église pouvant accueillir jusqu'à 10.000 fidèles. C'est un projet immense, annoncé depuis plusieurs années. Le sanctuaire de Kibeho, ville du sud du Rwanda souvent considérée comme la "Lourdes d'Afrique", devrait s'agrandir. Accueillant chaque année entre 500.000 et 600.000 pèlerins venus de tout le Rwanda et de l'étranger, le site actuel ne suffit plus et les infrastructures manquent. La raison d'une telle ferveur ? Les fidèles viennent se recueillir là où la Vierge Marie, apparue du 28 novembre 1981 au 28 novembre 1989 à trois jeunes filles d'une école locale, Alphonsine Mumureke, Nathalie Mukamazimpaka et Marie-Claire Mukangango, a appelé à la conversion universelle, à la prière et au jeûne.
L’enfant de Marie ne se sépare pas de la souffrance. La foi et l’incroyance viendront ensemble sans que l’on s’en aperçoive. (...) Telle est le message de la Vierge.
Les villageois et leurs professeurs, d’abord, ne les croient pas. Peu à peu, l’état extatique des jeunes filles, le voyage mystique d’Alphonsine à travers des lieux évoquant l’enfer, le purgatoire et le paradis, ainsi que les manifestations physiques impressionnantes qui les accompagnent — attentivement surveillées par des médecins, elles sont prises de tremblements, victimes de coma ; l’une fixe le soleil pendant des heures sans en souffrir. Voici le message de la Vierge :
Personne n’arrive au ciel sans souffrir. L’enfant de Marie ne se sépare pas de la souffrance. La foi et l’incroyance viendront ensemble sans que l’on s’en aperçoive. Le monde est en rébellion contre Dieu, trop de péchés s’y commettent ; il n’y a pas d’amour ni de paix.
Certaines de ces visions sont aussi annonciatrices du génocide à venir : le 15 août 1982, les écolières affirment avoir vu la "Mère du Verbe" en pleurs ainsi que "des rivières de sang, des gens s'entretuer, des cadavres abandonnés sans que personne ne veuille les enterrer". Douze ans plus tard, le site même de Kibeho sera le théâtre de terribles massacres : l'église paroissiale où s'étaient réfugiés 10.000 Tutsis sera incendiée par des miliciens et les survivants achevés.
Un nouveau lieu d'accueil
Conformément à la volonté de la Vierge, l'édification d'une première chapelle est autorisée en 1992. La reconnaissance des apparitions en 2001 par Mgr Misago, évêque de Gikongoro, ne fait que renforcer la popularité déjà très grande de Kibeho auprès des pèlerins du monde entier, au point qu'est décidée la construction de cette nouvelle église dont la première pierre devait être posée en juillet 2022. L'édifice, avec ses jardins, pourra accueillir jusqu'à 100.000 pèlerins, pour une somme estimée à 70 millions de dollars. Une occasion aussi, pour les autorités rwandaises, de développer le tourisme dans la région grâce à ce que l'on appelle déjà abusivement une "basilique", titre ne pouvant pourtant être conféré que par le seul Vatican.
Face à l'enthousiasme que suscite cette annonce, le père François Harelimana, prêtre pallotin et actuel recteur du sanctuaire, se montre plus réservé et précise que la construction n'a pas encore commencé : "Un accord de coopération a été signé mais rien n'a encore débuté. Le projet rencontre des oppositions, surtout concernant l'emplacement." Une église aussi grande que la basilique de Notre-Dame de Guadalupe s'élèvera-t-elle un jour dans la petite ville de Kibeho ? C'est ce qu'espère Immaculée Ilibagiza, présidente de la fondation américaine chargée de son édification et elle-même rescapée du génocide.