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Pourquoi l’écologie humaine précédera la révolution écologique

Sainte-Soline-AFP

Manifestation "anti-bassines" à Sainte-Soline, le 29 octobre 2022.

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Pierre Vivarès - publié le 02/11/22
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La violence, l’invective, la punition, la destruction sont-elles utiles pour mener à bien la révolution écologique ? Écoutons les papes, propose le père Pierre Vivarès, curé de la paroisse Saint-Paul de Paris, qui appellent à une révolution culturelle par la conversion des cœurs et des consciences plutôt que par une stratégie de la peur.

Rue des Rosiers, il y a quinze jours. Un ami s’achète un falafel dans cette charmante rue piétonne du Pletzl, le quartier juif médiéval de Paris. Attendant devant la devanture, il fume une cigarette qu’il jette par terre avant de récupérer sa commande. D’accord, ce n’est pas bien, et les mégots doivent finir dans la poubelle et pas ailleurs. Cependant, un homme avec sa compagne passe par là et ne l’entend pas de cette oreille. Il ramasse le mégot et le lui met sous le nez en hurlant "Tu vois ce que tu as fait à la Terre ?" Mon ami David, un peu éberlué par la disproportion entre la violence de la remarque et l’acte qu’il a posé, l’envoie gentiment promener, mais l’autre dépose son blouson pour en venir aux mains avec le dangereux fumeur écocide à falafel jusqu’à ce qu’un employé s’interpose et que la police intervienne pour le protéger.

Violence contreproductive

Ce fait divers n’en serait même pas un s’il n’y avait pas au même moment les militants avec leur gourde de soupe dans les musées européens, les dégonfleurs de pneus dont nous parlait Jeanne Larghero ici même récemment et les anti-bassines de ce week-end avec des gendarmes blessés à coup de cocktails molotov. Le désespoir et l’injustice créent la violence : toutes les révolutions nous le rappellent. L’urgence écologique est là et ce ne sont pas quelques mesurettes gouvernementales qui pourront véritablement enrayer les choses. C’est une véritable révolution écologique, du même ordre que la révolution industrielle, qui est désormais nécessaire. Nous avons vécu avec insouciance et gaspillage jusqu'à aujourd'hui et il nous faut vivre d’une façon radicalement différente désormais si nous voulons juste continuer à vivre. 

La violence, l’invective, la punition, la destruction seront-elles utiles pour mener à bien cette révolution écologique ? Nous faudra-t-il passer par la Terreur avant qu’un triptyque "respect - sobriété - responsabilité" face à la Création soit vécu par tous ? La violence n’est jamais légitimement proportionnelle à la noblesse de la cause. Elle est même contreproductive, car elle engendre la peur, le mensonge et la défiance. Le concile Vatican II nous dit ces phrases d’une cruelle actualité (Gaudium et Spes, n. 82, 3) :

On n’éveille pas les consciences en faisant peur

Les problèmes économiques conduisent souvent à des problèmes démocratiques : la première moitié du XXe siècle ne nous l’enseigne que trop. Entre le néolibéralisme cynique et vain de nos économies et la crise en approvisionnement énergétique, nos sociétés occidentales sont confrontées à une paupérisation grandissante. Les facteurs de division se multiplient et tous les cinq ans, un élément se rajoute à l’autre pour l’aggraver encore : terrorisme islamique, crise du Covid, guerre en Ukraine, choc pétrolier, crise énergétique, crise climatique, inflation. La hausse des taux produira une récession, niée mais réelle, qui conduira ensuite au chômage, déjà largement sous-évalué dans nos sociétés. Face à cela, les populismes préconisent un tribalisme pour se protéger, mélangeant causes et conséquences, tandis que certains, de plus en plus nombreux et faute d’aller voter, veulent renverser la table. 

On ne construit pas en détruisant, on n’éveille pas les consciences en faisant peur, on ne change pas les habitudes par la menace.

L’écologie militante peut être le lieu d’un activisme violent, aveugle, qui permettrait à certains de se sentir enfin acteurs de leur avenir alors qu’ils ont l’impression que rien ne bouge. Le fait que certains élus préconisent une "écologie de combat" ne peut qu’encourager des actions militantes aussi violentes qu’inutiles. On ne construit pas en détruisant, on n’éveille pas les consciences en faisant peur, on ne change pas les habitudes par la menace. Les pères conciliaires continuent en écrivant : "L'Église du Christ, plongée dans les angoisses de notre temps, n'abandonne pas une très ferme espérance. Elle veut présenter à notre époque, sans arrêt, à temps et à contretemps, le message de l'Apôtre : Voici maintenant le moment favorable pour la conversion des cœurs, voici maintenant le jour du salut"(Gaudium et Spes, 83).

Une conversion culturelle

Plus encore, Jean Paul II, Benoît XVI et François notent tous trois dans leurs encycliques Centesimus annus (1991), Caritatis in veritate (2009) et Laudato Si (2015) que "la dégradation de l’environnement est en effet étroitement liée à la culture qui façonne la communauté humaine : quand “l’écologie humaine” est respectée dans la société, l’écologie proprement dite en tire aussi avantage" (Caritatis in veritate, 51). Il est improbable qu’une conversion écologique puisse passer par des violences sociétales telles que nous les voyons en ce moment. 

Il nous faut donc plus de démocratie, plus de formation, plus d’information et surtout plus de respect de chaque personne humaine. Ce n’est pas contre l’homme que nous sauverons la planète, c’est avec lui et pour lui. Nous devons laisser une terre habitable aux générations futures, mais aussi une communauté humaine saine, fondée sur la paix et la fraternité. C’est aussi cela l’écologie.

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