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Théâtre : les dernières heures de Jacques Fesch, condamné à mort et converti

Dans 5 heures (Fitzgerald Berthon).

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Victor Nexon - publié le 14/10/22
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Seul en scène, le comédien Fitzgerald Berthon joue jusqu’au 10 décembre la pièce "Dans 5 heures, conversion d’un condamné" au théâtre La Flèche (Paris 11e). Une représentation émouvante sur l'incarcération de Jacques Fesch, condamné à mort, exécuté à l’âge de 27 ans et converti en détention.

C’est un fait divers qui a eu un grand retentissement dans les années 1950 : Jacques Fesch, fils de banquier, braque en 1954 un bureau de change. Ayant perdu ses lunettes dans la fuite, il tire en direction d’un agent de police lancé à sa poursuite et l’abat. C'est derrière les barreaux, au bout d'un an d'incarcération, et avant même d'être condamné à mort qu'il se convertira. "Jacques Fesch a […] donné l’exemple d’une vie radicalement transformée par la conversion alors qu’il subissait l’épreuve de la prison", a déclaré le cardinal Lustiger qui a ouvert en 1993 un procès en béatification le concernant. "Aucune personne ne peut se dire exclue de l’amour que Dieu lui porte. Nul n’est un “bon à rien”."

Dans 5 heures, conversion d’un condamné, jouée jusqu’au 10 décembre au théâtre La Flèche dans le 11e arrondissement, est une pièce entièrement composée d’après les lettres de Jacques Fesch en prison, choisies afin de rendre l’ensemble de son incarcération jusqu’à la mort, empreinte d’une ferveur religieuse de plus en en plus grande à mesure que son exécution approche. En une heure et dans une mise en scène d’une heureuse simplicité, Fitzgerald Berthon parvient à rendre avec intelligence la complexité du cas de ce jeune homme qui entra en prison athée pour se présenter converti à l’échafaud. 

D'abord jouée en prison

Unique personnage de la pièce, la solitude de Jacques Fesch n’est cependant pas complète. Il y a aussi, dans le récit que l’acteur tire de ces lettres, le souvenir de ceux qui le connurent pour, à la fin, le renier— ainsi que le fit son père — ou chercher à comprendre, pour ce qu’ils en saisirent, la dévotion qui fut la sienne : sa femme, l’un de ses camarades de prison et même un gardien, qui confiera qu’il eût mieux valu, peut-être, ne pas exécuter cet homme-là. 

Le comédien a choisi d’accompagner ces écrits d’une chorégraphie inspirée du krump, une danse contemporaine apparue aux États-Unis au début des années 2000, à l’exécution très rapide et manière, pour ceux qui la pratiquent, d’exalter la vitalité par des mouvements saccadés et des expressions faciales marquées, sur une bande-son du compositeur Nils Frahm. 

Cette pièce a d’abord été jouée en prison, avec la volonté, selon Fitzgerald Berthon, de "rapporter ce témoignage là où il a été vécu". "Mon jeu a alors changé, m’a-t-on dit, je n’ai plus joué comme avant à partir de là", précise l’acteur, qui parle au sujet de cette expérience d’un "défi de crédibilité". L’acteur fut frappé par "la qualité du silence" des détenus pendant le spectacle : "Apparemment, ils étaient captivés par la parole de l’un des leurs. Mais plus important encore: un homme m’a écrit pour me remercier car il disait que le spectacle leur a permis un vrai moment de silence, m’expliquant que c’était quelque chose de rare en détention et que cela était très précieux." "On n’est jamais totalement condamné", lui dira à la fin l’un des détenus. 

"On me sauve malgré moi"

C’est en effet là l’un des enseignements de l’histoire de Jacques Fesch ; la peine édictée par les hommes n’est pas celle de Dieu, la seconde n’étant pas inéluctable. "Je suis comblé, on me sauve malgré moi, on me retire du monde parce que je m’y perdais", écrit Jacques Fesch en détention. Et ailleurs : "J’ai entendu une voix qui n’est pas de la terre me dire : “Jacques, tu reçois les grâces de ta mort.”" 

Fitzgerald Berthon, qui a notamment joué sous la direction de Dieudonné Niangouna, Luca Giacomoni et Laurent Bazin, a également incarné Charles de Foucauld, seul en scène, dans la pièce Charles de Foucauld, frère universel de Francesco Agnello. Charles de Foucauld qui a, selon le comédien, cela de commun avec Jacques Fesch de s’être retrouvé, après une vie dissolue, dans une situation radicale ; choisie pour l’un, dans le désert du plateau de l'Assekrem et subie pour l’autre, dans une cellule de la prison de la Santé, réduite, dans la pièce de Fitzgerald Berthon, à un marquage au sol de 2 mètres sur 5 et à une table et une chaise afin de mieux servir le texte.

Dans 5 heures — titre tiré des derniers écrits de Jacques Fesch, "Dans cinq heures, je verrai Jésus !" — ne participe nullement de la polémique concernant la possible réhabilitation de Jacques Fesch. Elle se contente — mais n’est-ce pas là l’essentiel ? — d’exposer ce que fut l’expérience intérieure d’un condamné qui, comme le bon Larron, demanda simplement au Christ qu’Il se souvienne de lui. 

Pratique :


Dans 5 heures, conversion d’un condamné de Fitzgerald Berthon, d’après les écrits de Jacques Fesch, tous les samedis à 19 heures jusqu’au 10 décembre, au théâtre La Flèche (Paris 11e).
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