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Petit état des lieux de rentrée

Fooule anonyme dans la rue
Xavier Patier - publié le 14/09/22
Sous l’écume du quotidien, l’écrivain Xavier Patier diagnostique une profonde lassitude : l’activisme politique se noie dans les détails, il a perdu la main. Il manque à la France une vision de l’homme et une ambition.

Ce siècle avait vingt-deux ans. Pékin remplaçait Washington. Déjà un peu partout, des petits Napoléons perçaient sous Bonaparte. Le siècle adolescent régressait vers un stade politique anal. Où va le monde à la mi-septembre 2022 ? Il y a l’apparence : la richesse file à toute vitesse de l’Occident vers l’Asie ; les glaces des Pôles fondent ; l’Afrique vit une crise de croissance qui contient plus de crise que de croissance ; les Amériques se morcellent ; l’Eurasie s’essaie à la guerre ; l’Europe attend. Il fait trop chaud, les virus complotent dans le dos des savants que le peuple ne croit plus. Aux antipodes aussi, les repères s’effacent : l’Australie meurt de soif et les All Blacks ne sont plus très sûrs de leur rugby, et c’est comme si les académiciens se mettaient à l’écriture inclusive.

Et il y a la réalité : l’espèce humaine attend la Rédemption. Elle cherche Dieu par tous les moyens, même religieux. Elle n’arrive pas à renoncer à l’espérance. L’orage gronde. Mais le quotidien est gris. En France, la grandeur a pris congé. La mode est au petit. Small is beautiful. Et pourtant le pays joue gros. Jamais les enjeux n’ont été aussi colossaux et les mises aussi dérisoires. Les Français jouent petit. Les Français jouent gros. Les Français jouent petit-gros.

Il n’y a plus grand monde pour lire jusqu’à bout les communiqués de victoire du chef. Tout le monde a fini par comprendre que la vraie vie se décidait ailleurs.

Le président de la République lui-même, assez bref de taille, montre sur les photos un début d’embonpoint malgré son encore jeune âge. Il publie des bulletins de victoire dignes d’un élu communal : un jour il a obtenu le secours des pompiers venus d’une collectivité voisine ; un jour son autorité de tutelle lui a permis de faire voter un budget supplémentaire ; un jour il a réussi à joindre au téléphone un autre élu local, et même le secrétaire général de la Préfecture en personne, octogénaire en résidence à Washington qui l’a assuré de son identité de vue — mais il n’y a plus grand monde pour lire jusqu’à bout les communiqués de victoire du chef. Tout le monde a fini par comprendre que la vraie vie se décidait ailleurs. 

Au début, nous étions nombreux à croire que le malentendu était plutôt léger. Un désaccord de forme. Une nuance de sensibilité. Une différence de génération. Rien d’essentiel. Puis, au fil du temps, nous avons compris que le fossé qui nous séparait n’avait rien d'un détail, mais qu'il tenait à une vision de l’Homme, à une idée de la France : à mesure que je découvrais le macronisme, il me devenait indigeste. Comme quarante millions de mes compatriotes, je suis ainsi devenu un citoyen posément, intégralement, absolument antimacroniste. Cela ne fait pas de moi un extrémiste : les Français de septembre 2022 ne sont pas des extrémistes. Mais ils sont fatigués d’être conduits médiocrement vers la médiocrité. 

Plus de frontière entre les vacances et l’école ?

Et donc le monde brûlait, et donc nous regardions nos nombrils respectifs, en septembre 2022. Jouer petit-gros, cela était possible à la pétanque, mais plus personne ne jouait à la pétanque. Les compétiteurs ne jouaient pas pour rire. Les boules contenaient une charge nucléaire. Et le cochonnet, c’était nous. Bref, chacun courbé sur l’écran de son smartphone, nous marchions en silence vers un monde non maîtrisé, ou du moins vers un monde non maîtrisé par nous autres, Européens. Pour les Français qui n’avaient pas eu l’habitude depuis une quinzaine de siècles d’assister aux grands matchs de l’Histoire depuis les tribunes, cela produisait une mélancolie à la fois coupable et voluptueuse.

Subir : il y a une forme de plaisir à songer que cette fois plus rien ne dépendra de nous. Aucune voix, encore, ne s’élevait pour briser cette fatalité. Au bord de l’abîme, les Français avaient élu un liquidateur. Il liquidait. Il déconstruisait. Il faisait le boulot. Et ensuite ? Il y a du Louis XV chez Emmanuel Macron. Là-dessus est tombée la rentrée des classes. Comme les vendanges, cette fatalité frappe de plus en plus tôt dans la saison. La rentrée nous a atteint en pleine canicule. La rentrée reste un repère. Il y a les vacances et il y a le temps scolaire, comme il y avait autrefois les hommes et les femmes, la droite et la gauche, le jour et la nuit, et comme il y a de toute éternité ce qui appartient au royaume du monde et ce qui appartient au Royaume des cieux. Mais cela aussi, on sent qu’en haut lieu, on aimerait bien y mettre fin. Bientôt, on nous expliquera qu’il faut supprimer la frontière discriminante entre les vacances et l’école, comme à la cité utopique d’Auroville du temps où "Mère" régnait. Le jour vient où il n’y aura plus de rentrée des classes. Tout sera dilué : ce jour-là, les grandes vacances seront bel et bien finies. Le monde aura cessé de rire, mais certains continueront de ricaner dans la pénombre d’un crépuscule qui ne sera ni le jour ni la nuit.

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