À ce titre, le mal est fait. Il suffit de voir énoncé et illustré ce prétendu "homme enceint" — aussi ridicule soit-il — pour qu’immédiatement le grand ahurissement fasse place à l’accoutumance partielle. L’expérience le montre : devant les pires dérives, la surprise est par essence éphémère, tandis que l’habitude est notre pente naturelle. La formule "l’homme enceint" assortie d’une image impose l’idée, et même si la réalité — qui lui est supérieure — la contredit, l’idée s’impose. Il fallait que cela fasse du bruit. Bref, cette idée folle d’un "homme enceint" ne vous choquera jamais autant qu’elle ne vient de vous choquer. Bravo le Planning !
Il faut toujours un utérus
Après avoir rendu hommage au vice, il faut réfléchir. Chacun devrait admettre que la réalité dissimulée par le dessin controversé est celle d’une femme qui est resté à mi-chemin de sa transition, afin de présenter l’apparence — plus ou moins crédible, mais toujours trompeuse — d’un homme, tout en préservant l’attribut — aussi intègre que possible, mais caché — d’une femme. Indice, soit-dit en passant, que cette personne n’a pas voulu s’affranchir du privilège féminin de l’enfantement. Il faut donc rappeler l’évidence, non pas biblique, mais biologique : il faut toujours un utérus pour offrir à l’être humain son enceinte maternelle ; jamais aucun nouveau-né n’est sorti d’un homme ; et jamais aucun homme n’a été enceint. Et s’il advenait un jour, qu’un homme accouche, il aura fallu lui faire subir, ainsi qu’aux cobayes qui l’auront précédé sur cette voie expérimentale, de multiples et pénibles interventions chirurgicales et biochimiques qui sont aux antipodes de l’éthique de la médecine. Bon courage !
"Au Planning — assène l’affiche — on sait que des hommes aussi peuvent être enceints." Que révèle une telle profession de foi déconstructrice ? Le déni de notre nature sexuée assorti du rejet du corps humain, tel qu’il est, et de son "sens". La prétention du "on sait" se situe aux antipodes de l’écologie, qui s’ancre dans le respect de la nature. Par ailleurs, derrière ce "on" indifférencié, comment ne pas voir l’emprise sectaire d’une idéologie qui prétend imposer pareil mensonge à toute personne appartenant à — ou noyée dans — l’organisation signataire ? Une religion antihumaniste, dont la technique est le dieu, table sur le transhumanisme pour "sauver" l’humanité de la complémentarité des sexes, de leur singularité et des limites que notre genre nous impose, quitte à valider une forme d’autodestruction. Car "on" prétend affranchir l’humanité… de son humanité.
Certains cultivent ouvertement le fantasme, de rendre aussi vite que possible pareil débat obsolète grâce à l’utérus artificiel. Quant au Planning, il entend "libérer" les femmes des contraintes inhérentes à la grossesse. Faut-il donc s’apprêter à défendre, non pas seulement le droit de l’enfant de naître d’une femme, pour lui éviter la supercherie de l’accouchement paternel, mais aussi la menace de l’enfantement extracorporel, plus menaçant ? Certains s’étonnent de la dérive d’une organisation qu’ils voient originellement dédiée à "libérer les femmes", et qui les déçoit. Pour notre part, nous l’avons toujours vu nier le réel, en contestant la réalité, la valeur et la dignité du début de la vie humaine. Le déni anthropologique de la reproduction sexuée n’est que la suite logique de cette doctrine selon laquelle la réalité de la vie ne doit pas être reconnue, accueillie et respectée mais plutôt maîtrisée, contrôlée et dominée.
Que répondre ?
Toute dialectique manipulatrice appelle trois réactions : repérer, dénoncer, revenir au réel. Le courage l’exige. À moins que le trompe-l’œil soit si efficace que nous n’en n’ayons même pas conscience. Comme devant tous les systèmes de tromperie — parfois éhontés, parfois innocents — l’on peut préférer se laisser abuser. Nous pouvons aussi décider de leur résister en rétorquant, en l’occurrence : "N’oublions pas que cet homme est une femme." Tombe-t-on alors dans le piège tendu par l’idéologie transgenre ? Une femme a le droit de "devenir un homme", ou plus exactement d’être tenue — juridiquement — pour un homme, quel que soit le degré d’artifice auquel elle aura recours, avec ou sans appel aux hormones ou à la chirurgie. Même chose en sens inverse, avec des conséquences qui frisent l’absurdité, ceci posé sans nier l’intensité de la souffrance identitaire que peuvent éprouver des personnes qui ne se sentent pas en cohérence avec leur sexe biologique. Ainsi par exemple, au contraire de la Fédération mondiale de rugby, la fédération française de ce sport a autorisé des "femmes transgenres" non opérées — entendez, ayant conservé leur pénis — à jouer dans les équipes féminines, sous réserve d’avoir fait baisser "médicalement" leur taux de testostérone. Au plan mondial, on objecte qu’il y a nettement plus de blessures lorsqu’une sportive née femme est plaquée par une personne transgenre née homme (qui demeure en général plus corpulente et musclée). Cette campagne du Planning nous appelle finalement à nous déterminer : cette personne enceinte qu’on nous présente est-elle un homme ou une femme ? Nous sommes au milieu du gué. La confusion se généralise. Mais c’est bien souvent la peur d’être "incorrect" — voire puni — plus que l’attrait pour la vérité qui dictera notre réponse publique.
Police de la pensée
Comme souvent dans de ce genre (sic) d’offensive idéologique, l’image délibérément provocatrice d’un prétendu "homme enceint" assorti de sa profession de foi mensongère, s’est propagée en deux temps. Publication locale d’abord, à la Réunion, en mai, passée inaperçue par son absurde vacuité. Elle fit un flop. Relance nationale, trois mois plus tard, par son auteur, déclenchant ce qu’il voulait : la polémique, permettant à son tour au Mouvement français pour le planning familial de se dire victime, en s’attirant les foudres des uns et le soutien des autres. Et d’affirmer qu’il portera devant la justice toute contestation de sa démarche, assimilée à de la haine transphobe, politiquement extrémiste. George Orwell, dans son 1984, avait décrit la Police de la Pensée (thinkpol dans sa "novlangue"). Pour forcer la population à épouser sa lubie, le Planning entend intimider ses opposants et les réduire au silence. Dépositaire de la "sacralité" d’un prétendu "droit à l’avortement", devenu socle indéboulonnable des valeurs de la République, il sait pouvoir compter sur l’appui de nombreux politiques, certains nourris au même bain idéologique, d’autre tétanisés par son invulnérabilité supposée.
L’Église catholique, tout en accueillant les personnes sans discrimination [...] prend position pour le respect du corps, car elle "sait" que le corps ne ment pas.
Sur qui faut-il compter pour enrayer la marche vers l’Absurdie ? Sur des penseurs libres. Des voix se sont déjà levées, et pas seulement "à droite". Ainsi, la co-fondatrice des "Gouines rouges", l’historienne Marie-Jo Bonnet dénonce "un détournement [par le Planning familial] de la puissance maternelle des femmes au profit d’une idéologie de l’autodétermination de l’identité de genre". Des féministes trouvent étrange et dangereux que certains hommes prétendent conquérir leur continent, en se disant femmes, tandis que certaines femmes le désertent, en se disant hommes. Les militantes de l’avortement habituées à censurer, sur ce sujet, toute parole masculine, réaliseront peut-être avec consternation que leur serpent se mord la queue : si des hommes peuvent être enceints, osera-t-on contester aux hommes de se dire concernés par l’avortement ?
Accepter son corps
De son côté, l’Église catholique, tout en accueillant les personnes sans discrimination, est claire sur ce sujet. Elle prend position pour le respect du corps, car elle "sait" que le corps ne ment pas. Le christianisme est la religion de l’incarnation. Le pape François, qui répète souvent que la réalité est supérieure à l’idée, l’exprime au point 155 de son encyclique Laudato si’ :