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Vladimir Poutine intervient au SPIEF depuis 2005 pour un discours sur l’état économique du monde, pendant du discours sur l’état politique qu’il prononce lors du forum de Sotchi. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, des sanctions économiques imposées à la Russie, des tensions sur les marchés mondiaux de l’énergie et des céréales, l’intervention du président russe était particulièrement scrutée cette année. Pendant plus de trois-quarts d'heure, il a exprimé sa vision du monde, de la guerre, des tensions économiques.
Loin de se limiter aux sujets de politiques internationales, il a également donné une longue présentation de la politique intérieure menée en Russie, notamment en ce qui concerne l’aménagement du territoire. Le Président a introduit son propos de façon directe : "Je vous présenterai la vision de la Russie et de nos dirigeants sur la situation actuelle, économique et sur nos perspectives. Je vous présenterai également comment la Russie prévoit d’agir dans des conditions économiques qui changent rapidement."
La faute unique de l’Occident
Rejetant sur l’Occident la responsabilité du déclenchement de la guerre en Ukraine ainsi que l’inflation des prix des matières premières et énergétiques, le président russe s’est montré offensif dans ses accusations :
À ses yeux, la Russie est donc un bouc émissaire, accusée d’être responsable de la hausse des prix afin de masquer les erreurs de l’Occident. :
S’il est vrai que l’inflation a débuté avant la guerre en Ukraine, notamment en ce qui concerne les céréales, l’intervention militaire l’a accrue et renforcée. Désireux de rejeter la responsabilité de la Russie dans un éventuel drame humanitaire causé par le manque de céréales, Vladimir Poutine a indiqué vouloir travailler avec les pays d’Afrique et du Moyen-Orient afin de leur fournir les grains nécessaires à leur population :
C’est une façon à la fois de déjouer les attaques accusant la Russie d’être responsable des tensions sur les grains et de se présenter sous de bons auspices vis-à-vis de ses alliés africains et arabes.
« L’opération au Donbass »
La question militaire ukrainienne, pourtant essentielle, n’arrive qu’au milieu de son discours, comme si cela n’était pas pour lui l’élément le plus important. Le terme "Ukraine" est par ailleurs moins prononcé que celui de "Donbass". Au début de son intervention, Poutine évoque l’opération au Donbass, et non pas en Ukraine, comme si celle-ci avait été revue depuis le 24 février dernier pour ne concerner que la région Est de l’Ukraine et non pas l’intégralité du pays. Un changement sémantique qui n’est pas anodin et qui témoigne d’une inflexion dans la perception de la guerre. Néanmoins, le président russe accuse toujours l’Occident d’être responsable du déclenchement des opérations militaires, présentant "l’opération spéciale" comme une action de légitime défense :
Tirer parti de la situation économique
On retrouve ici la mention des "néo-nazis", constante depuis le déclenchement des opérations, ainsi que l’évocation d’un "génocide", grief récurrent là-aussi, qui est une façon de retourner les accusations que Kiev porte à l’égard de Moscou. Dans ce contexte, les sanctions économiques imposées à la Russie sont, pour le président russe, d’importance minimes :
Toute une partie du discours russe est ainsi consacrée à l’indépendance technologique que le pays cherche à développer. Vladimir Poutine présente les sanctions comme une opportunité permettant au pays d’accroître sa puissance et son autonomie industrielle en se développant dans les nouvelles technologies. Politique volontariste assumée ou esbrouffe destinée à camoufler la réalité des sanctions ? L’avenir dira si son pari a été réussi.
La Sibérie plutôt que le Donbass ?
Chose plus surprenante pour un discours que l’on attendait centré uniquement sur les relations extérieures, Poutine consacre la fin de son intervention à ses projets pour le développement intérieur de la Russie. Une manière de faire taire les critiques de ceux qui l’accusent de se préoccuper davantage du Donbass que de la Russie. Il a ainsi annoncé un plan d’investissement pour la rénovation urbaine en Extrême-Orient, une politique nataliste offensive ("L’avenir de la Russie est une famille avec deux, trois enfants ou plus"), le développement d’une politique touristique respectueuse de l’environnement et des sites naturels, ainsi que d’un programme pour la préservation du lac Baïkal. Dans son discours, il n’est quasiment pas fait mention de la Chine et de l’Asie, seulement de façon annexe, marquant par-là que ces régions ne semblent pas essentielles à ses yeux.
En invitant plusieurs intervenants étrangers, le SPIEF a été l’occasion de démontrer que la Russie n’est pas isolée sur la scène mondiale. En faisant un discours offensif, accusant les seuls Occidentaux d’être responsables de la crise et en rejetant toute voie à la diplomatie et à la négociation, Poutine n’a pas encore ouvert de porte de sortie. Difficile donc de voir une évolution favorable à la guerre et une solution de paix à court terme. Les projets russes de développement et d’investissements, pour ambitieux qu’ils sont dans la bouche du président russe, devront peut-être être revue à l’aune des réalités économiques subies par le pays. Plus inquiétant pour l’Ukraine et pour l’Europe, en s’enfermant dans sa sémantique et sa vision du monde, Vladimir Poutine ne laisse pour l’instant aucune ouverture à une paix future.