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La difficile communication dans l’Église

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Louis Daufresne - publié le 20/06/22
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La communication dans l’Église est toujours liée à l’exercice de son pouvoir, avec ses limites. Si cette communication donne lieu souvent à des interprétations contradictoires, l’autorité de l’Église, explique le rédacteur en chef de Radio Notre-Dame, repose toujours sur un principe d’unité.

L’Église catholique vient de « communiquer » deux fois et à quelques jours d’intervalle. La première, le 2 juin, en obligeant Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, à faire part lui-même, ce qui est humiliant, que Rome lui interdit d’ordonner des séminaristes à la fin du mois. Son communiqué sibyllin stupéfie encore par sa brutalité. Le Vatican ne justifie pas la gravité de son geste. Nul complément d’information, nulle conférence de presse ne vient étayer cette sanction rarissime. Le père Pierre Vivarès, prêtre du diocèse de Paris, s’en émeut, "motiver une décision [étant] la première charité d’un décideur". Ainsi laissés à eux-mêmes, opinion et media en sont réduits à spéculer sur l’intention romaine. 

Des mouvements opposés

Deux semaines plus tard, le 15 juin, les évêques réunis à Lyon en assemblée plénière publient un texte sur l’avenir de l’Église dans le cadre du "synode sur la synodalité" voulue par le pape François. Leur propos accompagne une "collecte nationale" issue des consultations diocésaines. Parmi celles-ci, des voix demandent que "le célibat des prêtres soit laissé au libre choix de ceux-ci" ou que "les femmes puissent être ordonnées prêtres" ou que leur place "dans la hiérarchie catholique soit à repenser complètement, d’urgence et en profondeur". Ces requêtes émanent-elles des forces vives du catholicisme français ? Apparemment pas. À cette phase du synode, "il a manqué les 20-45 ans, assurément", reconnaissent les évêques.

Ces deux "communications" suivent des mouvements opposés. Pour Fréjus, il s’agit d’une décision souveraine, expéditive, sans nuance ni compromis. Le message est vertical. L’autorité tombe comme la foudre ; le sommet vitrifie la base. À Lyon, on passe en mode "consensus". La base espère convertir le sommet à ses aspirations démocratiques. Le message est horizontal. Les clercs gardent malgré tout le contrôle et leurs distances. Le texte est signé par "les évêques de France, à l’écoute de l’Assemblée réunie à Lyon". Tout est dans le "à l’écoute", manière de rappeler qui décide.

La question du pouvoir

De Fréjus à Lyon, une question émerge, celle du pouvoir. Toute une langue de buis, gonflée à la rhétorique du dialogue et du partage, laisse croire que la vieille Église catholique serait prompte à s’en débarrasser, qu’en se dépouillant des attributs monarchiques et de ses privilèges masculins, elle deviendrait enfin cool et "sympa". Les scandales de mœurs, agressions ou emprises, ne montrent-ils pas également qu’il est urgent d’en finir avec le pouvoir ? Or ce n’est ni possible ni souhaitable. On peut déplorer ce qui arrive à Mgr Rey, à ses ordinands et à leurs familles. Mais qu’après une mission d’inspection, Rome agisse de manière impériale et impérieuse est conforme à ce que l’on attend d’une institution. Pour peu que l’intention soit ordonnée à la vérité, ce dont on ne peut douter a priori. On peut contester le caractère prioritaire du cahier de doléances lyonnais, de telles préconisations baroques ou subversives, mais que les évêques fassent remonter tout cela au Vatican est aussi dans l’ordre normal des choses. Après, il faudra juger en vérité.

Le pouvoir, c’est un flux, un feu, une foi — une énergie comme l’argent — s’incarnant dans une organisation hiérarchisée. Il agit en circulant mais ne se partage pas sans risquer de se diluer. Le fait qu’on le conjugue au pluriel et qu’on s’efforce d’en distinguer les usages et les formes — la fameuse "séparation des pouvoirs" — prouve justement qu’il repose sur un principe d’unité, qu’il est insécable. Se disant gardienne de la Révélation, l’Église catholique ne peut échapper au pouvoir, et à ses affres, et ce moins que tout autre institution terrestre.

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