Depuis le début de l’offensive russe contre l’Ukraine, père Alexis Milyutin, prêtre orthodoxe à l’église Saint-Nicolas-le-Thaumaturge à Boulogne-Billancourt, poursuit son ministère et observe avec stupeur la guerre qui se déroulent dans son pays natal. "Le 24 février, à 6h du matin, j’ai reçu un message de la part de ma famille qui m’indiquait que l’Ukraine était bombardée. Ce que j’ai ressenti à ce moment est inexprimable", se souvient le jeune prêtre de 35 ans. Dans un état de choc, il se dirige à l’église où il célèbre la liturgie tous les matins. "Ce jour-là, c’était une liturgie très difficile à célébrer car mon cœur était brisé, mais l’espoir était là. De nombreux paroissiens, y compris d’autres paroisses, sont venus prier avec moi. Nous avons reçu une certaine consolation par le biais de l’eucharistie", raconte à Aleteia père Alexis.
Même si son père de 67 ans subit actuellement des bombardement dans la ville de Soumy, le jeune prêtre n’entend pas "jouer la victime". "La guerre ne doit pas nous casser. Malgré tout ce qui se passe en Ukraine, on se trouve en sécurité en France. Ceux qui sont brisés, ce sont les gens qui se trouvent en Ukraine sous les bombardements. Il faut penser à eux !", confie-t-il.
Vague de solidarité
Aider ceux qui souffrent par la prière mais aussi par des actes concrets, telle est la devise de ce jeune prêtre. "Notre paroisse est en contact avec le Secours Catholique de Boulogne-Billancourt et avec la cathédrale greco-catholique ukrainienne Saint-Vladimir-le-Grand à Paris. Notre Vicariat Sainte-Marie-de-Paris-et-Saint-Alexis-d’Ugine, auquel je suis rattaché, a organisé un groupe, Solidarité Ukraine, qui s’occupe d’envois d’aide humanitaire et de la collecte financière. Il s’active aussi pour trouver le logement pour les familles ukrainiennes qui arrivent en France", raconte-t-il. Et de noter : "Cette guerre a ressuscité l’unité du peuple ukrainien. Il y a une énorme solidarité".
Au sein de sa paroisse, fondée en 1927 par des réfugiés russes et qui rassemble aujourd'hui aussi bien des Ukrainiens que des Russes, des Bulgares, des Français et des Bélarusses, père Alexis entend préserver un esprit d’unité. Un exercice auquel il s’était déjà livré en 2014. À l’époque, alors que son pays vivait une vraie révolution, accentuée par un conflit avec la Russie, il est ordonné prêtre au Patriarcat œcuménique de Constantinople et envoyé dans une paroisse à Toulouse, divisée par la crise russo-ukrainienne. Il réussit à y instaurer un esprit fraternel jusqu’à ce que le Patriarcat de Moscou rompe sa communion avec celui de Constantinople en 2018. Sa paroisse décide alors de rejoindre le Patriarcat de Moscou, tandis que lui, tient toujours à rester au Patriarcat œcuménique de Constantinople. Il est donc contraint de quitter sa communauté, le cœur lourd. "C’était très difficile car j’avais tissé des liens avec mes paroissiens. Nous avons eu une vie assez dense pendant cinq ans. Après mon départ, j’avais besoin de réfléchir, de prier… J’ai fait une retraite au monastère orthodoxe de la Transfiguration en Dordogne, puis au monastère de Simonopetra au Mont Athos", raconte ce prêtre qui a aussi fait des études à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem.
Solidarité et fraternité au sein de la paroisse
Aujourd’hui, dans son nouveau lieu de ministère à Boulogne Billancourt, le temps n’est pas à la division, bien au contraire. Les paroissiens, y compris d’origine russe, s’activent pour apporter leur aide au peuple Ukrainien. Père Alexis entends également "détruire tout amalgame entre les Russes et Poutine". "Je connais des familles russes qui vivent en France et qui ne soutiennent pas le gouvernement russe. Aujourd’hui, ces gens sont méprisés d’un côté par des Ukrainiens, qui souffrent de la guerre, et de l’autre côté par leurs compatriotes qui, eux, soutiennent Poutine. Ils se trouvent seuls et découragés. D’autres disent que leurs enfants sont stigmatisés à l’école par leurs camarades", raconte à Aleteia le jeune moine. Et d’ajouter : "On se trouve en France, un territoire démocratique qui prône l’idée de la dignité de l’homme. Aujourd’hui, la vocation de l’Église est aussi d’instaurer cette dignité entre les deux peuples qui se sont retrouvés dans un pays neutre".
S’il s’inquiète pour son pays et ses proches, tout en restant persuadé que "le mal ne pourra pas gagner", il se soucie aussi pour l’avenir de l’Église orthodoxe et des ses fidèles. "En 2016, un grand Concile panorthodoxe a eu lieu en Crète. Après la guerre, il faut que l’Église orthodoxe se réunisse à nouveau pour analyser toute la situation. Sans cela, les fidèles seront "dégoutés" de l’Église".