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Vidéo obscène dans une église : des manipulations de toutes parts

Pierre Vivarès - publié le 26/02/22
Curé de la paroisse Saint-Paul à Paris, notre chroniqueur le père Pierre Vivarès reprend l’enchaînement des faits depuis la diffusion d’une vidéo obscène dans son église. Il dénonce les manipulations qui entourent l’événement là où le simple respect des lois n’apporte que des solutions.

Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir vous écrire cette semaine, ayant été un peu occupé par ce jeune qui avait twerké en crop-top dans mon église et les conséquences médiatiques qui s’en sont suivi. Et puis je me suis dit que c’est ici finalement le seul espace qui m’est accordé pour dire publiquement la vérité et montrer l’enchaînement des faits, les manipulations des uns et des autres et tous les écueils qui se présentent quand on essaye d’être juste et loyal. 

À l’origine il y a un acte illégal d’un jeune qui se filme et diffuse ses séquences vidéo dans une église avec le retentissement médiatique qui s’en suit (30 millions de vues à ce jour). Lorsque le premier matin je suis informé de cela, je me dis qu’il ne sert à rien de sortir l’arsenal juridique immédiatement et que l’on va privilégier le dialogue. J’envoie donc un mail à ce jeune homme le priant de retirer sa vidéo. Son compère, Queen-Paul, la retire de son compte dans la journée et s’excuse auprès de ceux qu’il a pu blesser, ce dont je tiens à le remercier. J’aurai plaisir à lui faire visiter cette belle église quand il veut. Certains pourraient me dire qu’il aurait fallu réagir immédiatement et saisir la justice tout de suite. Mais la parole de l’Évangile est claire : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère » (Mt 18,15).

Nous marchons donc sur cette ligne de crête entre blasphème et homophobie, deux réalités totalement étrangères à l’histoire mais qui vont devenir en fait le fond du débat parce que tout le monde veut se servir de cette histoire pour des intérêts personnels.  

L’affaire prenant de l’ampleur et la seule réaction de l’intéressé étant de dire qu’il ne s’excuse pas, nous publions un communiqué de presse. Plusieurs écueils sont alors à éviter : il ne faut pas apparaître comme dénonçant un blasphème puisque le blasphème n’existe pas en droit français. Un blasphème ne peut avoir lieu que dans un système de valeurs, or la France ne reconnaissant aucune religion, il ne peut y avoir aucun blasphème en droit. Ce faux débat sur le droit ou non au blasphème est un non-sens : il n’y a que des atteintes aux droits des personnes ou des groupes, et là il s’agit d’une atteinte à l’usage d’une église prévu par la loi de 1905. L’autre écueil serait de laisser croire que nous réagissons parce que ce garçon est homosexuel. La question n’est pas la sexualité de ce garçon dans l’affaire qui nous occupe. Ce qu’il a fait est illégal et c’est le seul point de droit qui compte. Nous marchons donc sur cette ligne de crête entre blasphème et homophobie, deux réalités totalement étrangères à l’histoire mais qui vont devenir en fait le fond du débat parce que tout le monde veut se servir de cette histoire pour des intérêts personnels.  

La dictature de l’image et du buzz

Étant menacé physiquement et verbalement — ce que j’ai toujours fermement condamné et condamne encore — le garçon va se plaindre sur le plateau de « Touche pas à mon poste », animé par Cyril Hanouna, avec force avocats. Il devient donc une victime de la liberté d’expression et de l’homophobie. Mais sa liberté d’expression ne peut s’exercer dans une église, ce dont absolument personne ne parle sur le plateau et qui est pourtant le fond du sujet. L’animateur de télévision surfe pendant plusieurs jours sur ce « pour ou contre », « violences et liberté d’expression », « victimes et coupables », « homophobie et intégrisme religieux » etc. Parallèlement, le débat étant à ce point mal entamé dans les médias, une position de recul s’impose et je contacte Tik-Tok pour faire valoir mon droit d’usage sur l’église sans intervenir ailleurs qu’ici même, sur Aleteia, pour expliquer les faits.

Au bout de trois jours je reçois finalement un mail avec un formulaire (en anglais) pour que je signale ce qui me paraît contrevenir à mes droits avec cette vidéo. Autant dire que face à ces réseaux sociaux mondiaux, nous ne sommes, citoyens, absolument rien, écrasés par une machine qui peut s’apparenter à une dictature de l’image et du buzz. Ayant dûment rempli les formulaires en question, j’attends toujours aujourd’hui une quelconque réponse de leur part. La justice que nous allons saisir les fera peut-être réagir. 

Hors-sujet sur le fond de l’affaire

Le lundi suivant, entre deux enterrements célébrés dans l’église, le garçon se filme encore dans la chapelle du calvaire. Pour que vous compreniez bien, c’est une chapelle sur le côté, l’intérieur de laquelle n’étant pas visible depuis la nef et qui sert à la prière personnelle devant la croix du Seigneur. Il peut donc rapidement se filmer (ou être filmé par un complice), sans être vu. Il passe de nouveau dans l’émission de M. Hanouna le soir-même et, bien que tout le monde lui fasse comprendre que son attitude n’est pas juste, il se plaint de continuer à recevoir des menaces chez lui et chez ses parents.

Pour rendre le débat plus croustillant, l’animateur fait venir un catholique identitaire qui lui assène « que ton père devrait te mettre une tarte ». Donc le seul catholique de service que l’on trouve et que l’on sort pour débattre est un violent qui ne s’en cache pas. Évidemment tout cela accrédite le clivage entre d’un côté « les méchants intégristes qui se plaignent de blasphèmes » et de l’autre « la pauvre petite victime des méchants qui n’a fait que s’exprimer maladroitement sur ce qu’il aurait le droit de faire ». Nous sommes donc toujours dans l’erreur et hors-sujet sur le fond de l’affaire.

Une « prière de rue » politique

Le mardi matin je reçois le mail d’un homme me demandant si j’accepte que des jeunes viennent prier le chapelet le soir à 20 heures ou le jeudi suivant à 18 heures dans la chapelle en question. Je n’ai aucune raison de m’opposer à une prière catholique dans l’église : cependant je l’informe que ce soir-là, nous avons déjà un temps d’adoration et d’intercession pour les malades prévu à la même heure et je leur propose donc plutôt le jeudi soir 18 heures. En fait nous apprenons à midi, par un tract qui circule sur les réseaux sociaux, qu’une manifestation est déjà organisée sur les marches de l’église le soir à 20 heures afin de prier un chapelet « en réparation pour la profanation de l’église par le twerker fou » (sic !).

Cette initiative émane d’un abbé dont le nom est inscrit sur le tract et dont le slogan favori est « Bagarre, bagarre, prière ». Je vous laisse apprécier le slogan. Il est hors de question que j’encourage cette initiative de prière de rue non déclarée (ce que les mêmes ont beau jeu de dénoncer lorsqu’elle émane de musulmans) et organisée par des personnes qui se moquent, comme le twerker en crop-top, des consignes que je peux leur donner. Comme je n’ai aucune envie non plus que le parvis de mon église devienne un lieu d’affrontements entre la communauté LGBT (nous sommes en plein cœur du Marais) et les identitaires catholiques, nous prévenons la préfecture de police de Paris de cet événement afin que quelques forces de sécurité soient présentes pour veiller à la sécurité de tous. 

L’abondance d’images et d’informations oblige à une abondance de discernement et de réflexions.

Je suis en parallèle obligé de supprimer le temps de prière pour les malades qui était prévu ce soir-là et de fermer l’église avant que les manifestants n’arrivent afin que tout cela ne dégénère pas à l’intérieur. On pourrait me dire que j’aurais pu les accueillir à l’intérieur mais — comme ils le revendiquent le lendemain dans « Touche pas à mon poste » — ils voulaient que la réparation fût publique et dans la rue afin de lui donner une visibilité médiatique, ce qu’ils réussissent à faire. J’avais par ailleurs acquiescé à l’autre jour et horaire proposés mais ils n’ont même pas répondu. Ils se servent donc de la prière à des fins politiques comme ils en ont l’habitude. Enfin je ne vois pas pourquoi je devrais remplacer le temps de prière que nous avions prévu et dont je les ai prévenus plus tôt dans la journée parce qu’ils veulent tout d’un coup prier un chapelet. Je suis donc, une fois de plus, lésé dans l’usage légal de l’église Saint-Paul, non plus cette fois par un twerker en crop-top mais par des crânes rasés en Barbour. Évidemment certains se scandalisent ensuite dans certains médias catholiques que le clergé local n’ait pas participé à une si belle action... 

Un événement perverti

Le lendemain, donc le mercredi, je vais déposer deux mains courantes, la première pour les deux vidéos de Benjamin Ledig et la seconde pour la prière de rue devant l’église. Le même soir, de nouveau chez Hanouna, le débat porte sur la prière de rue avec comme seul représentant de l’Église un membre de Civitas qui a participé au chapelet, et comme autre invité un étudiant musulman qui exige lui aussi une réflexion sur l’interdiction du blasphème. Nous sommes donc toujours hors-sujet sur le fond de l’affaire, caricaturés par des personnes qui ne nous représentent pas et qui créent des problèmes là où le simple respect des lois n’apporte que des solutions.  Alors qu’une guerre fait rage en Ukraine, tout cela est bien anecdotique. Mais j’avais envie de vous raconter cet enchaînement des faits pour montrer comment, en l’absence d’une réflexion sur le fond avec les interlocuteurs qualifiés, tout événement médiatique peut être perverti, détourné, récupéré et même certains bons chrétiens de bonne foi s’émeuvent et se scandalisent sans rien savoir. L’abondance d’images et d’informations oblige à une abondance de discernement et de réflexions.

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