Nora entre en primaire, en classe de CP. Peu motivée par l’école, elle assiste bien vite, impuissante, au harcèlement que subi son grand frère, Abel. L’école et sa cour de récréation deviennent alors synonymes d’appréhension et de souffrance et la petite fille est bientôt prise entre son désir de s’intégrer et celui d’aider son frère.
Ce n’est pas la première fois que le cinéma s’empare du sujet du harcèlement scolaire, tant il fait de dégâts chaque année, de l'école primaire au lycée. 1:54 (2017) dénonçait déjà le quotidien d’un souffre-douleur au lycée. Marion, 13 ans pour toujours (2016), inspiré d’une histoire vraie, contait l’enfer d’une collégienne qui a fini par se suicider. Quant à Un Monde, il nous plonge dès l'école primaire pour montrer à quel point la cruauté des enfants peut commencer bien tôt.
L’enchaînement de la violence
Alors que le monde de l’enfance est communément associé au bonheur et à l’insouciance, au jeu et à la spontanéité, ici, rien de tel. Les visages du frère et de la sœur sont surprenants de fermeture. On n’y voit jamais trace de joie, sauf à de rares moments sur celui de Nora. Le travail de réalisation est remarquable en ce sens qu’il nous permet d’être en permanence avec Nora et de sentir ce qu’elle ressent. Une immersion réussie dans la tête d’une enfant, à la fois vulnérable et désireuse de se faire sa propre place.
Si les mots se font rares, les bruits ambiants de l’école, de la cantine et de la récréation, sont quasiment omniprésents. Pour le reste, tout passe essentiellement par les regards. Et les deux jeunes comédiens excellent dans leur capacité à y mettre autant de détresse et de désarroi que de force. À plusieurs reprises, Nora tente d’alerter les adultes, jusqu’à leur père. Ceux-là réagissent plus ou moins pour stopper la violence. Ils sont d’ailleurs souvent hors-champ.
Mais la honte d’avoir un frère qui ne sait pas se défendre, en plus d’avoir un père au chômage, entraîne Nora à se murer dans le silence. Son frère, qui était auparavant le protecteur devient alors un fardeau. Mais c’est au moment où la violence change de camp — elle a tant pénétré Abel à force d’humiliations subies — que la portée du film prend vraiment toute sa mesure. Victimes de la violence, Abel et Nora prennent un chemin inverse, s’éloignent, jusqu’à ce que l’affection reprenne enfin le dessus grâce à Nora.
Toute la question posée dans le film est la difficulté à laisser les enfants devenir autonomes, à apprendre, sans forcément les laisser livrés à eux-mêmes. Sans chercher à saisir l’origine de la violence, la réalisatrice s’attache plutôt à observer le conflit entre le désir d’appartenance et de responsabilité chez l’enfant. Dilemme que Nora traverse tout au long du film avec sa fragilité d’enfant mais surtout sa conscience de l’injustice. La cinéaste, très inspirée par les frères Dardenne, est en tout cas parvenue à mettre en scène un drame qui nous tient en haleine jusqu’au bout, sans jamais condamner aucun de ses personnages ni nous faire désespérer de l'école.
Pratique