C’est un drame qui vient à nouveau rappeler la situation extrêmement précaire des migrants à Calais. Au moins 27 migrants sont décédés mercredi 24 novembre dans le naufrage d’une embarcation dans la Manche, selon le dernier bilan. "La France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière", a affirmé ce jeudi Emmanuel Macron, en demandant le renforcement immédiat des moyens de l’agence Frontex aux frontières extérieures de l’Union européenne. Il réclame également "une réunion d’urgence des ministres européens concernés par le défi migratoire" et assure que "tout sera mis en œuvre pour retrouver et condamner les responsables" de ce drame.
Un peu plus tôt, le Premier ministre Jean Castex a déploré une "tragédie". "Mes pensées vont aux nombreux disparus et blessés", a-t-il écrit sur Twitter. Une réunion gouvernementale autour de lui et de huit ministres s’est tenue dans la matinée. "Les premiers responsables de cette ignoble situation sont les passeurs", a insisté pour sa part Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui s’est rendu à Calais mercredi soir. Il a rappelé que 1.500 passeurs "ont été interpellés depuis le 1er janvier et quatre [mercredi], soupçonnés d’être en lien directement avec ce passage sur cette embarcation de fortune."
Interrogé sur Europe 1 le cardinal Robert Sarah a également dénoncé ce drame. "Ma réaction est une révolte", a-t-il commencé. "Il y a une triple trahison. On retire des jeunes d’Afrique, des forces vives qui pouvaient développer leur pays. On les a arrachés de leur pays. La deuxième trahison est qu’on présente à ces jeunes l’Europe comme l’eldorado ce qui est faux. La troisième trahison est que l’on n’agit pas vigoureusement contre ces passeurs qui profitent de la naïveté des jeunes et qui les font succomber en pleine mer. Il faut lutter contre ce mal à la racine."
Par ailleurs, les églises des diocèses de Lille, d'Arras et de Cambrai ont sonné le glas ce jeudi à 18h30. "Qu’avons-nous fait de nos frères ?" avaient un peu plus tôt interpellé les évêques de ces trois diocèses dans un communiqué. "Une fois encore des enfants, des femmes et des hommes, qui ont tout quitté à la recherche d’un monde meilleur, ont été broyés par la mer". "Comment ne pas les pleurer ? Comment ne pas en avoir le cœur brisé ? Comment ne pas nous révolter contre l’ignominie de ceux qui profitent de leur fragilité et de leur espérance en une vie meilleure pour leur famille et eux-mêmes, pour les détrousser avant de les envoyer dans de fragiles embarcations vers une mort certaine ? Comment penser que la fermeture des frontières et le renforcement de la sécurité puissent résoudre de façon durable cette crise migratoire ?", se sont-ils interrogés. "L’Europe a les instruments pour mettre la dignité humaine au centre du débat et donner les moyens de cette solidarité internationale. Elle ne veut pas laisser la Méditerranée ni la Manche devenir un cimetière pour toutes ces personnes en exil."
Les conditions auxquelles sont confrontés ceux qui cherchent à traverser clandestinement les frontières ne sont pas sans rappeler celles du trafic d’êtres humains, comme l’a connu sainte Joséphine Bakhita, esclave soudanaise arrachée à son village natal, devenue finalement religieuse en Italie. Le pape François, à l’occasion de la Journée mondiale de réflexion contre la traite des personnes, le 12 février 2018, a adressé une prière à sainte Joséphine Bakhita, pour les victimes de trafic, d’une triste actualité. Il l’avait également suppliée de prier et d’intercéder pour nous, "afin que nous ne tombions pas dans l’indifférence".