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Dans l’Évangile, le bon usage des préjugés

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Martin Charcosset - publié le 13/11/21
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« Laissez-vous instruire, dit l’évangile de ce 33e dimanche ordinaire, par la comparaison du figuier… » (Mc 13, 24-32.) Le père Martin Charcosset, curé d’Écully, explique ce bon usage des préjugés conseillé par Jésus : l’expérience de la vie est utile mais pas suffisante si elle n’est pas reçue avec un cœur de pauvre.

Dimanche dernier, Jésus nous invitait à nous méfier des apparences : la belle allure des scribes, leur piété affectée, leur mise en scène, tout cela risque fort d’être le paravent de leur vacuité, et la preuve de leur orgueil (Mc 12, 38-44). Soyez prudents ! Ce dimanche, ce même Jésus nous invite à nous fier aux apparences : « Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche » (Mc 13, 28). Le grand livre de la nature et notre expérience de la vie nous permettent de tirer des leçons utiles pour notre existence de chaque jour. C’est ce que nous appelons des préjugés : des leçons toutes prêtes dans le cas où une situation déjà vécue se représenterait à nous. Les préjugés nous facilitent la vie, et pour ainsi dire, la vie serait impossible sans eux ! Si l’on ne mémorise jamais que le feu brûle, on se fait avoir chaque fois que l’on met la main dans la cheminée… quand on ne se souvient jamais que la pluie mouille, on attrape une pneumonie chaque fois que l’on sort sans parapluie sous l’orage.

Jésus, en somme, n’est pas incohérent. Il nous dit que les préjugés sont nécessaires à notre vie, mais pas suffisants.

Jésus, en somme, n’est pas incohérent. Il nous dit que les préjugés sont nécessaires à notre vie, mais pas suffisants. Savoir se fier aux signes qui nous sont donnés nous aide à exercer notre bon sens, notre logique, nos facultés de déduction. Demeurer méfiants nous incite à être subtil, à considérer la complexité du monde, à nous intéresser à l’histoire particulière de chaque personne. Le bon usage des préjugés permet de comprendre ce qu’il se passe autour de nous, et d’agir avec intelligence. 

Se laisser instruire

Peut-être est-ce la raison pour laquelle Jésus emploie cette expression : « Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier… » Il vient d’annoncer à ses disciples une bonne nouvelle à l’intérieur d’une mauvaise. La mauvaise, c’est que dans l’avenir, ce qu’il y a apparemment de plus solide s’écroulera : même le soleil, la lune et les étoiles menaceront ruine. Et cela provoquera une angoisse légitime. La bonne nouvelle, c’est que le Christ, lui, est plus solide que les astres du ciel. Une bonne nouvelle au cœur d’une mauvaise. Sur laquelle concentrerons-nous nos regards ? Sur ce que nous perdons ou sur Celui que nous gardons ? Sur la nostalgie ou sur l’espérance ? D’où, à nouveau, l’expression de Jésus : « Laissez-vous instruire… » C’est typiquement l’expression d’un maître, d’un rabbi. Il demande à ses disciples, ceux qui se mettent à son école, de calmer un instant leur nervosité, leur peur, leur révolte, pour expérimenter la docilité : se laisser instruire. Ce n’est pas simple de sembler abdiquer sa liberté devant un péril, devant une peine, et d’entrer dans le temps long de l’apprentissage. Mais, dit Jésus, c’est indispensable pour repérer les signes de sa présence.

Laissons-nous instruire par Lui du renouveau qu’Il veut donner à son Église. 

Au milieu de ce qui tombe, nous risquons de ne pas voir ce qui est stable. Les moines chartreux, à l’école de saint Bruno, ont choisi jadis pour devise Stat crux dum volvitur orbis : « Tandis que le monde tourne, la croix tient bon. » Elle ne tient bon pas seulement comme un monument immuable, immobile, mais comme l’Arbre de Vie en perpétuelle croissance. « Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier », lui dont les bourgeons au printemps sont encore petits, mais dont les feuilles en été peuvent devenir si vastes qu’il est bon de se tenir sous leur ramure. 

De l’urgence de devenir des pauvres

Les événements survenus dans l’Église en France ces dernières semaines rejoignent le début de l’évangile : le système d’une chrétienté qui structure la vie sociale et culturelle de notre pays, part en lambeaux. Il y a là quelque chose de douloureux, de violent, comme un échec qui peut nous affecter profondément. Alors, laissons-nous instruire. Demandons au Seigneur de ne pas chercher la solution à cette situation dans telle ou telle idéologie, dans tel ou tel slogan, dans tel ou tel règlement de comptes. Laissons-nous instruire par Lui du renouveau qu’Il veut donner à son Église. 

Méfions-nous donc d’être des « sachants ». Pour nous laisser instruire, acceptons de devenir un peu plus dociles, un peu plus pauvres. Précisément : ce dimanche, c’est aussi la Journée mondiale des pauvres. « Le ciel et la terre passeront, dit Jésus, mais mes paroles ne passeront pas » (Mc 13, 31). Et ailleurs, dans l’évangile, il dit : « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous » (Jn 12, 8). Nous ne savons pas exactement de quoi l’avenir sera fait, mais nous avons au moins ces deux promesses : Dieu fera en sorte que nous ne manquions jamais de ces deux choses qui lui sont si chères, c’est-à-dire de sa Parole et de ses pauvres. Le Trésor du Temple de Jérusalem était plein de pièces d’or et d’argent ; dans le Trésor de l’Église, il y a la Parole de Dieu et les pauvres. Écoutons-les. Ils ont une joie à nous communiquer, une espérance à nous donner. Grâce à eux, dans notre désarroi, nous saisissons cette bonne nouvelle : « Le Fils de l’Homme est tout proche, à votre porte » (Mc 13, 29).

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