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Rarement une assemblée plénière de l’épiscopat français aura été autant attendue. Le rapport de la Ciase remis il y a près d’un mois maintenant, a mis à jour des dérives « systémiques » comme les a qualifiés l’archevêque de Strasbourg, qui font de l’Église un lieu où certains loups se sont sentis autorisés à agir en toute impunité et parfois pendant longtemps. Ceux qui, depuis ces dernières années, ont eu à accueillir les victimes de ces crimes, étaient préparés aux conclusions de la Commission Sauvé : on ne peut pas, sans comprendre l’immensité du problème, recevoir des messieurs d’un âge certain qui viennent en pleurant déposer leurs souffrances devant vous, parfois pour la première fois, ou des jeunes hommes qui disent, hébétés, les emprises spirituelles et perverses dont ils sont l’objet. Le traumatisme restera profond chez ceux qui ne faisaient que deviner qu’il y avait quelque chose de pourri au royaume terrestre de l’Église catholique…
Des laïcs invités
Aussitôt des réactions, parfois épidermiques et peu constructives, mais aussi souvent pleines du désir de servir loyalement la mission de l’annonce de l’Évangile, ont montré que si l’Église en France n’est pas en bon état, il y a encore beaucoup de baptisés qui aspirent y être conduits par l’Esprit. Il a tout de même fallu quelques jours pour que le programme de l’Assemblée plénière de novembre soit élargi afin qu’on y traite des conséquences de tout cela un peu plus longtemps qu’une séance entre tierce et sexte. Une invitation fut même envoyée à un certain nombre de laïcs, engagés pour la plupart dans la réflexion sur le gouvernement de l’Église, et désireux d’apporter leur pierre pour baliser ce chemin de synodalité que la Providence ouvre désormais comme horizon à l’ensemble du Peuple de Dieu. Reste à espérer qu’on ne demandera pas à ceux-ci de participer symboliquement en collant des post-it sur de beaux tableaux blancs dont on ne saura que faire par la suite.
Il ne serait pas inutile que ce qui est demandé aux paroisses, à savoir la responsabilité partagée entre un curé et son « conseil pastoral » ou son « équipe d’animation pastorale » selon les diocèses, puisse être étudié aussi à l’échelle du diocèse. Et que ces équipes ou conseils ne soient pas des chambres d’enregistrement de décisions paternelles mais des lieux où la recherche de la communion l’emporte sur tout désir de puissance. Ce ne sont pas dans les grands projets que l’Évangile est annoncé aux plus petits, mais dans la charité reçue et transmise : c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde vous reconnaîtra pour mes disciples, et non aux châteaux que vous bâtirez en Espagne !
S’attaquer aux racines du mal
L’humanité progresse dans sa compréhension de l’organisation, dans ce que nous considérons comme acceptable ou non comme mode de gouvernance. On peut le regretter ou s’en réjouir, c’est un principe de réalité : nous portons plus d’attention au bien-être des individus et nous sommes sans doute collectivement plus soucieux des contre-pouvoirs. Les décisions solitaires et la concentration de l’autorité, même portées par une intelligence supérieure ou des charismes rares, ne sont plus validées par un consentement collectif. Les baptisés eux-mêmes, globalement plus instruits et bénéficiant de moyens de connaissance infiniment supérieurs à ceux de leurs aïeux, aspirent à apporter le meilleur d’eux-mêmes à la vie de leur Église. Il y a tout lieu de s’en réjouir. Mais il faut aussi en tirer les conséquences pratiques. Bien que certainement marqués par une bonne part d’immaturité, nous aspirons, chacun, à être considérés comme des adultes, et à ce titre à être traités en personnes responsables.
Mais l’Église n’est pas là pour suivre l’ère du temps : elle annonce le Royaume qui germe déjà ici-bas. Elle doit porter la promesse d’un avènement, pas simplement en prêches mais en actes.
On pouvait imaginer jusqu’au 5 octobre dernier que les réformes à engager pourraient être circonscrites à des questions de vigilance disciplinaires et à l’application pénale des sanctions décidées contre les auteurs de crimes et délits sexuels. C’est d’ailleurs ainsi que fonctionne notre société : surtout ne pas répondre à un problème en s’attaquant à ses racines, mais matraquer ceux qui en sont les auteurs immédiats, cela est bien plus simple et la nécessité d’une remise en question collective disparait devant la promesse de « châtiments exemplaires ». Mais l’Église n’est pas là pour suivre l’ère du temps : elle annonce le Royaume qui germe déjà ici-bas. Elle doit porter la promesse d’un avènement, pas simplement en prêches mais en actes.
Appelés à servir la communion
Il faut donc le reconnaître, la question dépasse largement la seule question des horreurs révélées. Celles-ci doivent évidemment donner lieu à des décisions et à la mise en place d’une politique de prévention. Mais s’arrêter à cela reviendrait à traiter une invasion de nuisibles en ne s’attaquant qu’à ceux qui sont visibles, sans chercher d’où ils viennent. Rendant ainsi possible leur retour par un autre biais dès que possible.
Ce que nous, clercs, n’avons pas réussi à empêcher, nous ne pourrons pas le guérir seuls. Appelés à servir la communion, et par-là même à permettre au Christ de la réaliser dans son Corps, n’ayons pas peur de nous reconnaître à part égale des autres membres de celui-ci et donc à nous associer à eux pour manifester ainsi la joie de l’Évangile. L’horizon qui s’ouvre à nous n’est pas une carte postale figée : il est sans cesse modifié, transformé, enrichi. C’est bien pour cela que l’Esprit ne cesse de parler à l’Église tout entière : afin qu’elle ne se lasse jamais de chercher à mieux être ce qu’elle doit être dans et pour le monde.