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En Indonésie, les Youtubeurs chrétiens dans la ligne de mire du gouvernement

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Muhammad Kacé.

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Sylvain Dorient - publié le 11/09/21
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Muhammad Kacé, star de Youtube en Indonésie, a été arrêté pour "blasphème" le 23 août 2021. Il demeure en détention, en dehors de toute légalité.

Son couvre-chef traditionnel, le songkok noir, tranche sur la scène dorée, un peu kitch, de Nativité, qui sert d’arrière-fond à sa vidéo. Muhammad Kacé, prédicateur indonésien, fait des vidéos qui totalisent des centaines de milliers de vues sur Youtube. Ses sujets ? L’Évangile et la relation des chrétiens avec la majorité musulmane. La question le touche de près, car il est lui-même un ancien musulman converti. Il se montre critique à l’égard de son ancienne religion. Dans l’une de ses dernières productions, il a critiqué les violences enseignées dans le "Kitab Kuning", le petit livre jaune, utilisé comme livre de référence dans toutes les écoles coraniques en Indonésie. Dans ces conditions, on comprend que les quelque 400 vidéos réalisées par ce prédicateur aient froissé les musulmans, largement majoritaires. Ils seraient 87% des 270 millions d’Indonésiens. Muhammad Kacé a été arrêté pour "blasphème" le 23 août 2021, et demeure depuis en détention en dehors de toute légalité. 

Le ton frontal et provocateur d’un prédicateur chrétien en terre islamisée peut apparaître pour le moins téméraire. Mais l’un de ses compagnons de lutte prend sa défense : "Nous sommes perpétuellement insultés, mis en accusation devant un public qui nous connaît mal. Nous ne pouvons pas rester sans nous expliquer !", assure le pasteur Heri Kristian, fondateur de la chaîne Youtube IKIM ("Les Chrétiens d'Indonésie vous répondent"). Certains prédicateurs musulmans comme Muhammad Yahya Waloni assurent que les chrétiens sont "pour Satan". Un autre, Ustad Abdul Somad affirme sans sourciller que "la Croix est démoniaque" et que les musulmans qui meurent dans des hôpitaux chrétiens portant ce signe "vont directement en enfer". 

Ces prêcheurs haineux sévissent depuis des années sans avoir de souci avec les autorités, alors que Muhammad Kacé a été arrêté, au mépris de la loi. Il n’a pas pu rencontrer l’équipe d’avocats qui le défend. Parmi eux, Me Sandi E Situngkir et Me Martin Lukas Simanjuntak énumèrent les manquements à la loi indonésienne : "Mon client a été arrêté sans convocation, sur une initiative de la police, qui a obéi à une recommandation du Conseil des Oulémas. Or ce conseil est officiellement une simple ONG, qui n’a aucune autorité en la matière." 

L’affaire fait les gros titres de la presse indonésienne, dont une partie n’a pas manqué de dénoncer l’arrestation arbitraire du prédicateur chrétien. Le 31 août, une semaine après l’arrestation de Muhammad Kacé , le gouvernement a répondu à sa façon. Non pas en libérant Muhammad Kacé, mais en arrêtant Muhammad Yahya Waloni, le prédicateur musulman aux dérapages verbaux bien connus. "Ne vous laissez pas prendre. C’est du cinéma…", averti "Léo", un autre compagnon de route des youtubeurs chrétiens, fédérés au sein de l’ASKRI (Association des youtubeurs chrétiens indonésiens). "Waloni a été amené aussitôt à l’hôpital officiellement pour une crise cardiaque. On ne sait pas s’il est retourné chez lui ou s’il est retenu par la police. Muhammad Kacé, quant à lui, a de grave problème de santé, car il est diabétique. Il n’a pourtant pas été autorisé à recevoir de soins médicaux."

Le gouvernement agit en pompier. Il peut, par exemple, dissoudre une association armée. Mais il se montre impuissant face à l’arabisation rampante de l’islam indonésien.

Aux yeux de "Léo", l’affaire Muhammad Kacé illustre la fragilité du gouvernement indonésien, en prise avec des idéologues wahabites, inspirées par la péninsule arabique. "Le gouvernement agit en pompier. Il peut, par exemple, dissoudre une association armée comme le FPI (Front de défense de l’islam). Mais il se montre impuissant face à l’arabisation rampante de l’islam indonésien". En effet, alors que l’islam indonésien avait jusqu’à la fin du XXe siècle une forte coloration locale, il change rapidement. La majorité des musulmanes indonésiennes portent désormais le voile, qui était pratiquement absent dans l’archipel. La polygamie, qui était interdite aux fonctionnaires indonésiens, est désormais non seulement autorisée mais encouragée. Des "banques islamiques" poussent dans le pays, comme des champignons. Des pressions sont exercées sur des restaurants pour qu’ils cessent leurs activités pendant le mois du Ramadan. Autant de signes d’une évolution de l’archipel que les minorités religieuses observent avec inquiétude. 

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