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Au carrefour principal des Cayes, ville d’Haïti située dans le sud du pays, un monument blanc doté d’un crucifix sur sa façade a résisté au désastre. Tout autour, les habitants se pressent et s’affairent, presque craintifs. Ils ont encore en tête les images du séisme qui a ravagé, le 14 août, leur pays et causé la mort de quelque 2.200 personnes. Un peu plus loin, dans la cour de ce qui reste de l’évêché, Mgr Jacques Antoine Coulanges, sourire stoïque, n’en revient pas. "On a tout perdu", se souvient le secrétaire général du diocèse. "Tout, si vite, en quelques instants", glisse-t-il dans un souffle. Regard lointain, ce sexagénaire peu bavard fouille dans ses souvenirs. "Un bruit d’avertissement et, 20 secondes plus tard, nous étions entourés d’une épaisse poussière", décrit le prélat. "Derrière nous, il ne restait plus rien du bâtiment". Partout dans le diocèse, des témoignages, aussi dramatiques qu’émouvants, se succèdent, entrelacés d’un espoir tourné vers la Vierge Marie dont le diocèse de Cayes, se préparait à fêter l’Assomption.
À 8h25, ce 14 août, dans la cour de l'évêché, le cardinal Langlois Chibly, regard évasif, le corps couvert de poussière, se trouve au milieu de quelques prêtres et fidèles. Natif de Jacmel (sud-est) il prend quelques minutes pour revenir à la réalité. À 62 ans, le premier haïtien, créé cardinal en 2014 par le pape François, vient de tout perdre. "Son portable, ses documents, ses livres, ses souvenirs, ses habits, il ne lui restait plus rien", insiste Mgr Coulanges qui, résidant à l’évêché, a lui aussi tout perdu. "Les habits que je porte m’ont été offerts après", ajoute le secrétaire général du diocèse qui continue, calme mais traumatisé, "sauf mes chaussures, je les ai récupérées dans les décombres".
Une partie de l’histoire a définitivement disparu.
En face de la cathédrale qui, à cause des secousses, devrait être démolie, un engin emporte les derniers morceaux de pierre de ce sanctuaire centenaire. "Même si on reconstruit, une partie de l’histoire a définitivement disparu" confie, attristé, Mgr Coulanges. L’ancien vicaire général était au petit-déjeuner avec le cardinal quand soudain, un bruit. "Un jeune prêtre qui connaît bien ce bruit pour avoir été au séminaire de Port-au-Prince lors des tremblements de 2010 se lève et se met à courir", décrit Mgr Coulanges. Tous le suivent.
"Le chaos !", répète le père Jean Marcel Louis installé au Foyer de la Miséricorde divine où il réside dans les hauteurs de la ville de Cayes. "À peine sorti de la douche, j’entends une succession rapide de bruits puis au bout de quelques secondes, des secousses. Je me suis accroché au pied de mon lit par terre", se souvient celui qui s’est retrouvé au sol avec toute sa bibliothèque renversée sur lui. Quelques secondes après, il profite d’une accalmie pour rejoindre un groupe rassemblé dans la cour. Dans l’air, une épaisse poussière, des débris de murs et quelques morceaux de pierres projetés. Il doit en partie sa survie à la solidité du bâtiment et, surtout, "à la toiture en tôles".
Tout près, la paroisse Saint-Michel n’a pas été épargnée, comme en témoignent des fissures béantes. Secouée pendant d'interminables secondes, "l’église devrait être démolie et reconstruite", constate le père Joseph Charles, le curé. Plus loin, l’église du Sacré-Cœur, en centre-ville, s’est presque entièrement effondrée et, sur la paroisse voisine, où il assiste à la messe sous une bâche, Audimy n’en revient pas. "J’étais à Marceline, un village voisin, et j’ai tout vu s’écrouler autour de moi", raconte le catéchiste d'une voix tremblante, plusieurs semaines après les faits. À Marceline, localité la plus touchée par le séisme, il ne reste plus rien de l’église alors remplie de fidèles venus pour un baptême prévu une demie heure plus tard.
"C’était la débandade", avoue Nirva Valaire, bénévole de la paroisse. À Maniche, une autre localité de la région, dans les débris de la vieille et magnifique église qui y trônait, on retrouve encore quelques documents et livrets de prière qui s'éparpillent au gré du vent. Et à cause des répliques persistantes, la petite campagne s'est vidée de ses habitants. En moins d’une minute, le diocèse des Cayes a perdu l’essentiel de ses infrastructures. L’évêché s’est écroulé "comme un château de sable", sanglote Audimy, témoin du drame.
"Jésus n’a pas abandonné ses apôtres dans la tempête", répète le père Joseph Charles. Comme lui, la plupart des prêtres sont restés auprès de leurs fidèles. "Le cardinal a insisté pour que chacun reste à son poste et vive la réalité avec les siens". Le prêtre préfère évoquer les nombreux petits "miracles" qui se sont produits lors de cette catastrophe, "signe que Dieu est avec nous dans les épreuves", ajoute Mgr Coulanges. Sur les édifices religieux, des hangars de bâches érigés rapidement prouvent que les "fidèles ne baissent pas les bras", constate le père Louis, rassuré par la résilience des Haïtiens. D’ailleurs, il n’a pas de doute, "les épreuves fortifient la foi". Celui qui, dans une commission ad hoc, travaille à la reconstruction, compte "sur la générosité des églises sœurs". En effet, si 89 églises se sont effondrées "132 ont été diversement endommagées" selon le porte-parole du diocèse. Celui-ci compte "au moins 73 écoles catholiques totalement détruites, 51 endommagées ainsi que quatre dispensaires du diocèse effondrés". Et il n’y a pas que les églises, au moins 14 presbytères seront démolis alors qu’une dizaine a été emportée par le séisme. "Il nous faudra des décennies pour reconstruire ce qu’on peut", avance le père Louis qui appelle "à prier pour Haïti" tout en répétant à la suite du pape François que "l’aide d’urgence est vitale".