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“Effata !”, bien plus qu’une parole de guérison

Effata

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Martin Charcosset - publié le 04/09/21
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Dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus ne se contente pas de guérir les oreilles et la langue du sourd-muet, il ouvre cet homme dans sa globalité. Par extension, c’est toute la foule des païens qui s’ouvre à l’Esprit de louange et d’émerveillement.

En 1796, un critique musical allemand commentait bien sévèrement le succès d’un jeune compositeur : « Il saisit nos oreilles, mais pas nos cœurs, écrivait-il ; c’est pourquoi il ne sera jamais à la hauteur de Mozart. » Ce jeune compositeur se nommait Ludwig van Beethoven et l’avenir lui souriait, en dépit des musicologues grincheux. Hélas, cette même année, un mal étrange commença à le frapper : des acouphènes, de plus en plus pénibles et douloureux. Beethoven continuait de composer, mais ses oreilles le trahissaient ; à cinquante ans, il se retrouvait sourd, et terriblement triste de ce grand malheur. Pourtant il écrira de la musique jusqu’à sa mort, en 1827. Paradoxe vivant, il est devenu pour la postérité cet homme capable de composer une musique géniale, mais privé du bonheur de l’entendre.

Il n’est pas dit que l’homme que Jésus rencontre ce dimanche dans le territoire de la Décapole était un virtuose de la musique classique, mais il a au moins un point commun avec Beethoven : le son le plus puissant de sa vie lui est donné alors même que ses oreilles ne peuvent l’entendre (Mc 7, 31-33). Car c’est quand même étonnant : le mot que tout le monde retient dans cet évangile — ce petit mot araméen, Effata, « Sois ouvert » — ce petit mot n’est pas très logique, pour deux raisons. La première, c’est que Jésus parle araméen, le patois de son pays, dans une région où tout le monde parle grec : voilà un bon moyen de ne pas se faire comprendre. Et la seconde, c’est que Jésus parle à un homme qui est encore sourd ! Pour ces deux raisons, la thérapie de Jésus semble parfaitement absurde.

Le handicap de cet homme — pour parler en termes plus modernes — n’étant pas une maladie, mais une forme d’enfermement en lui-même, Jésus ne cherche pas tant sa guérison que sa métamorphose.

Absurde, mais efficace : « Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement. » Comment une méthode logiquement irrecevable a-t-elle produit un tel miracle ? Revenons un instant à la critique du musicologue allemand contre le jeune Beethoven : « Il saisit nos oreilles, mais pas nos cœurs… » Jésus, lui, fait le contraire : ce n’est pas aux oreilles de cet homme qu’il parle, pas plus qu’à sa langue, mais à son cœur, c’est-à-dire à toute sa personne. Effata ne nous est pas présenté comme une parole de guérison, car elle ne l’est pas ; et nulle part l’homme ne nous est présenté comme un malade. Jésus ne voit pas la personne humaine subdivisée en petits morceaux que l’on pourrait restaurer séparément, mais il la voit dans le projet originel de Dieu : la personne aimée, unifiée, à l’image de son Créateur. Le handicap de cet homme — pour parler en termes plus modernes — n’étant pas une maladie, mais une forme d’enfermement en lui-même, Jésus ne cherche pas tant sa guérison que sa métamorphose ; alors, il parle à lui tout entier, lui donnant cet ordre de s’ouvrir, Effata, et, parce qu’elle s’adresse au cœur et non pas seulement aux oreilles encore bouchées, cette parole fait son effet. 

Cette petite histoire, au début de l’évangile selon saint Marc, a déjà une saveur de Pentecôte. La Décapole était un petit melting-pot des peuples et des religiosités de tout le Moyen-Orient, et l’accueil fait à Jésus montre qu’il y avait chez ces gens une hospitalité et une ouverture : mais l’ouverture à l’autre ne suffit pas, s’il n’y a pas d’ouverture à Dieu. C’est le sens de l’Effata, « Sois ouvert ». Dans ce lieu de passage, de business et de rencontres, Jésus ouvre une porte qui était demeurée fermée, la porte du Ciel vers lequel ses yeux se tournent, la porte d’une réalité invisible, capable de transformer la vie de ces hommes. Jésus touche la langue du sourd-muet, lui parle dans sa langue araméenne, et c’est comme si des langues de feu venaient donner à la foule un langage nouveau pour proclamer les merveilles de Dieu, celui qui a bien fait toute chose.

Voilà donc deux aspects marquants de cet Évangile : Jésus ne se contente pas de guérir des oreilles et une langue, mais il ouvre cet homme dans sa globalité ; et par extension, c’est toute cette foule de païens qui s’ouvre à un Esprit de louange et d’émerveillement. Dans son encyclique sur le développement des peuples intitulée Populorum progressio, le pape saint Paul VI déclarait en 1967 que « le développement authentique doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme » (n° 14). Ouvrir, développer et sauver tout homme et tout l’homme : voici l’objectif de cet Effata

L’Effata que le Christ a prononcé il y a deux mille ans dans la Décapole, demandons-lui de le prononcer à nouveau sur nos assemblées paroissiales, en ces jours de rentrée. À nous dont les oreilles sont souvent un peu bouchées, qu’il donne un cœur qui écoute. À nous qui nous sentons souvent la langue lourde et la bouche maladroite quand il s’agit de parler de notre foi, qu’il délie le langage et mette des paroles simples et justes sur nos lèvres. Qu’il nous ouvre à son Esprit sans lequel nous ne pouvons rien faire, même avec la meilleure volonté du monde. Laissons-le nous envoyer au service de tout homme, au service de tout l’homme.

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