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Dans l’est de la RDC, “la misère est absolue”

Un enfant et sa mère dans un camp à Bunia (RDC), en 2019.

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Mario Oliver - AED - publié le 21/05/21
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Évêque de Butembo-Beni, dans l’est de la RDC, Mgr Melchisédech Sikuli Paluku, lance un cri d’alerte sur la situation de son pays. "Des groupes armés détruisent les établissements scolaires et les hôpitaux", dénonce-t-il. "On tue des enseignants et des élèves. On tue même des malades sur leur lit d’hôpital."

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Mgr Melchisédech Sikuli Paluku ne mâche pas ses mots. Évêque de Butembo-Beni, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), il déplore la terreur qui règne et les violations quotidiennes des droits de l’homme perpétrées par des miliciens dans son diocèse. Au cours d’une visioconférence avec l’AED, il a décrit ce qui se passait sur place, "en particulier dans le nord de notre évêché". "Il y a de nombreux incidents. Des groupes armés détruisent les établissements scolaires et les hôpitaux. On tue des enseignants et des élèves. On tue même des malades sur leur lit d’hôpital. Pas une journée ne se passe sans que des gens soient tués."

Selon Mgr Sikuli Paluku, il en résulte une augmentation du nombre de troubles psychiques. "Nous avons besoin de centres proposant des thérapies. Beaucoup de gens sont traumatisés. Certains d’entre eux ont vu leurs parents se faire tuer. Il y a énormément d’orphelins et de veuves. Des villages ont été complètement brûlés. C’est la misère absolue".

Les provinces orientales du Congo subissent le terrorisme des milices depuis de longues années. Les conflits ethniques, les déplacements de population et l’accès aux matières premières constituent des composantes de cette terreur. Ces dernières années, une autre forte composante à caractère islamique radicale est venue s’y ajouter. 

L’évêque affirme qu’il y a eu plus de 6.000 morts à Beni depuis 2013, et plus de 2.000 à Bunia pour la seule année 2020. "De plus, on compte au moins trois millions de déplacés et environ 7.500 personnes kidnappées. Il existe un projet de grande envergure pour islamiser ou chasser les populations autochtones." Les attaques ont ainsi entraîné une fuite massive de la population vers des zones plus sûres.

La crainte de la terreur diffusée par les milices et les protestations contre l'échec de l'État ont paralysé la vie publique. "Il y a des troubles, des marches de protestation, des grèves, des mouvements pour les droits civiques. La vie normale est paralysée. La population exige plus de sécurité."

Mais l’État congolais est aux abonnés absents. "L’État en tant que tel est inexistant. Il n’atteint pas l’Est du pays, que ce soit par faiblesse ou par complicité." En l’absence de l’État, l’évêque insiste sur le rôle particulier qui revient à l’Église. "Ici, nous sommes à 2.500 kilomètres de la capitale. Comme l’État est absent, nous devons nous débrouiller tout seuls. Nous ne recevons aucune aide." Malgré cela, l’Église a construit des établissements scolaires dans la région.

Ce qui est décisif, c’est de donner espoir à la population. "Notre présence donne de l’espoir aux gens, pour surmonter les actuelles adversités et attendre des jours meilleurs", assure encore Mgr Sikuli Paluku. La foi joue ainsi un rôle essentiel. "Les gens pleurent parce qu’ils ont des raisons de pleurer. Mais ils portent aussi un espoir en eux”, raconte le prélat. “Ils ont une résilience naturelle encore renforcée par l’évangélisation". L’évêque ajoute que la foi chrétienne a été apportée dans cette région il y a à peine 120 ans. "L’évangélisation porte ses fruits. Nous avons beaucoup de vocations dans l’évêché." 

Selon Mgr Sikuli Paluku, la région est certes majoritairement chrétienne, mais aujourd’hui, elle est exposée à l’islamisation. C’est pourquoi le plus grand défi consiste à "renforcer la foi des catholiques". "L’islam nous est imposé. Des mosquées sont construites partout, alors que personne n’en a besoin. De plus, elles ne ressemblent pas aux mosquées traditionnelles que nous connaissons." "Tous ceux qui ont été kidnappés par ces groupes terroristes et qui s’en sont sortis vivants rapportent la même histoire", reprend l’évêque. "Ils ont eu le choix entre la mort et la conversion à l’islam."

Questionné sur le mode de financement de ces groupements, Mgr Sikuli Paluku renvoie d’abord aux bailleurs de fonds étrangers. En son temps, Mouammar Kadhafi par exemple, l’ancien chef d’État libyen, s’est montré très généreux pour bâtir ces mosquées. À présent, ce sont d’autres sources de financement qui permettent la construction de ces lieux de culte.

Les groupes armés terroristes ont des activités fort lucratives. On voit bien que l’islamisation n’est pas leur seule motivation !

"Les groupes armés terroristes ont des activités fort lucratives. On voit bien que l’islamisation n’est pas leur seule motivation !", assure l’évêque. Dans ce contexte, il renvoie à l’exploitation des ressources minières. "Cette région regorge de ressources naturelles, et elles sont exploitées en toute illégalité. Comment expliquer autrement ces raffineries de coltan qui fonctionnent au Rwanda, alors que ce pays ne possède pas cette ressource ? Ce minerai rare est extrait chez nous et envoyé en toute illégalité de l’autre côté la frontière... Et je ne vois pas le gouvernement congolais réagir."

Cependant, l’évêque se demande comment l’Église doit se comporter avec cet islam imposé. "Quelle relation devons-nous entretenir avec cet islam qui est non seulement une religion, mais aussi une politique et rattaché au terrorisme ?" 

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