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La conversion écologique n’appelle pas à une sacralisation de la nature

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Guillaume de Prémare - publié le 15/05/21
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L’écologie contemporaine présente parfois les aspects d’une nouvelle religion. L’ampleur des enjeux n’appelle pas à sacraliser la nature, mais à mieux contempler et protéger la création comme œuvre de Dieu, y compris dans sa dimension économique et sociale.

La prise de conscience écologique constitue un fait majeur des deux dernières décennies. Certaines idées écologiques simples sont entrées dans le sens commun en raison des dégâts environnementaux causés par la société de production-consommation. Cependant, l’idée écologique connaît aujourd’hui une certaine usure. Peu à peu, se creuse une fracture entre ceux qui ont fait de l’écologie « la mère de toute les causes » et ceux qui désormais s’inquiètent des conséquences concrètes d’une « révolution verte », alors même que la crise économique et sociale nous place sous le nez les nécessités de court terme. Par ailleurs, les écologistes alimentent des angoisses de nature apocalyptique qui, à la longue, provoquent un certain rejet. Et pourtant, il y a bel et bien une urgence écologique et une aspiration à retrouver un rapport plus ajusté à la nature.

Dans son encyclique Laudato si’, le pape François nous avait en quelque sorte prévenus : « Il ne sera pas possible […] de s’engager dans de grandes choses seulement avec des doctrines, sans une mystique qui nous anime, sans “les mobiles intérieurs qui poussent, motivent, encouragent et donnent sens à l’action personnelle et communautaire” » (n. 216). C’est pourquoi François appelait à déployer la dimension spirituelle de la question écologique. Pour lui, « la crise écologique est un appel à une profonde conversion intérieure ». En ce sens, la « conversion écologique implique de laisser jaillir toutes les conséquences de [la] rencontre avec Jésus-Christ sur les relations avec le monde qui [nous] entoure ». Il s’agit de « vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu », laquelle « est une part essentielle d’une existence vertueuse » (n. 217). 

Pourquoi appréhender la question écologique dans sa dimension religieuse ? Il suffit d’interroger les notions de Salut et de sacré. D’une certaine manière, l’écologisme contemporain les intègre.

C’est ainsi que le pape propose « une relation saine avec la création comme dimension de la conversion intégrale de la personne » (n. 218). Il ne s’agit donc pas d’adhérer à une nouvelle religion écologique mais de vivre de manière intégrale la vocation chrétienne en attribuant une portée spirituelle et morale, non seulement à la contemplation de la création comme œuvre de Dieu, mais aussi à sa protection active, incluant la dimension économique et sociale de l’enjeu. Et pour le pape François, « la conversion écologique requise pour créer un dynamisme de changement durable est aussi une conversion communautaire » (n. 219).

Dès lors, pourquoi appréhender la question écologique dans sa dimension religieuse ? Il suffit d’interroger les notions de Salut et de sacré. D’une certaine manière, l’écologisme contemporain les intègre. Le Salut est très présent puisqu’en réponse à la perspective d’une apocalypse environnementale est proposée l’ambition de « sauver la planète ». Par ailleurs, la terre et les éléments naturels se voient réattribuer la dimension sacrée immanente que l’on retrouve dans les religions « naturelles ». Dans la révélation chrétienne, le Salut est autre chose que « sauver la planète », même si saint Paul enseigne aux Romains (8, 18-23) que l’ensemble de la création est associé au Salut. Cependant, il ne s’agit pas d’attribuer à l’univers créé et aux éléments naturels une valeur d’éternité à laquelle on pourrait attacher un caractère sacré.

Il existe une tendance à tenir pour sacrées les ressources et à les rendre ainsi en quelque sorte intouchables. Pour le christianisme, elles sont créées pour s’en servir.

Au contraire, le christianisme a en quelque sorte désacralisé la nature. Si l’on prend l’exemple des ressources naturelles, on comprend l’enjeu concret de ces considérations. Il existe une tendance, dans la militance écologiste, à tenir pour sacrées les ressources et à les rendre ainsi en quelque sorte intouchables. Pour le christianisme, elles sont créées pour s’en servir. Un chrétien peut affirmer qu’il est dans l’ordre des choses que l’homme fasse usage de la terre et de ses ressources. Il peut même accepter que cet usage provoque une certaine usure et que les ressources diminuent dans des proportions raisonnables. Il affirme dans le même temps que l’homme porte la grave responsabilité d’en faire une bonne gestion, de ne pas gâter ni dilapider les dons reçus de Dieu.

La militance écologiste, quant à elle, tout au moins dans ses formes dominantes, tend à absolutiser la terre et ses ressources. Elle promeut implicitement une forme de nouvelle spiritualité écologique, laquelle pourrait réunir tous les hommes autour d’une œuvre commune de salut de la planète. Ce salut porterait un absolu tel que les hommes pourraient y trouver le moteur intérieur pour vivre en harmonie avec la nature dans une fraternité universelle. Cette ambition porte en germe l’aspiration à une religion universelle écolo-humanitaire.

Dans ce contexte, le christianisme, qui peut être tenté de courir derrière cette mystique pour muer en segment chrétien de la religion universelle écolo-humanitaire, gagnerait au contraire à cultiver davantage encore la spécificité de son rapport traditionnel à la création et au Salut. C’est ce que lui propose Laudato si’ : approfondir encore son approche théologique et spirituelle de l’écologie pour proposer une réponse équilibrée et accessible, en termes anthropologiques et spirituels, à l’ampleur et à la complexité des défis écologiques contemporains.

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