La guérison miraculeuse est un acte de Dieu. Et comme Dieu est d’abord le médecin des âmes, il guérit à tous niveaux, et tout spécialement en restaurant la communion avec lui. La spécificité de cette guérison, c’est que le malade la vit spécialement. Il sait et sent qu’il guérit : il y a pour lui un « avant » et un « après ».
Dieu est Dieu, il n’agit pas prioritairement dans les intestins ou les poumons d’un malade, il est le médecin des âmes, il agit dans le cœur des hommes. Parfois son action divine peut se déployer aussi dans le corps, provoquant alors une guérison physique, visible : c’est là qu’on pourra éventuellement parler de miracle. La guérison miraculeuse est donc une guérison du corps qui prend son origine au plus profond de la personne, accompagnée d’une guérison intérieure, spirituelle. Le malade sent sa guérison. Il reconnaît le moment exact de sa guérison par des signes psychosomatiques (« sensation de chaleur », frémissement ou tremblement intérieur, souffle chaud, etc.) ou spirituels (paix, joie, force intérieure, etc.) ; il a une conscience claire et sûre de sa guérison et, ultimement, il y a pour lui un avant et un après : il en sort différent, transformé. Il s’agit bien d’une guérison de toute la personne.
Cette intervention de Dieu à tous les niveaux de l’être, physique, psychique, spirituel, à un moment donné, est donc bien une guérison selon un mode proprement divin, différent d’une guérison médicale ou simplement psychosomatique. Elle restaure avant tout la communion avec Dieu. De ce fait, la réconciliation avec soi-même et avec sa propre histoire est très importante et elle prend dimension d’histoire sainte.
« Lorsque Jésus sauve, écrivait le père Étienne Garin sj, ancien aumônier de l’École polytechnique, il remet l’homme debout dans toutes les dimensions de son être : il lui redonne sa vraie dignité d’enfant bien-aimé du Père quel que soit son état actuel. […] Le malade qui se reconnaît traité en ami par le Christ découvre en lui une force qui l’étonne lui-même et lui permet de vivre sereinement tout état de son corps, si douloureux soit-il. Comment s’étonner que cette attitude puisse se déployer en guérison physique ? De plus, le croyant peut s’abandonner filialement au Père alors même qu’effectivement et rationnellement ceux qui l’entourent le rejettent ou l’accusent. Comment s’étonner que cette sérénité se traduise par des guérisons psychiques, une capacité retrouvée de s’adapter à la dure réalité dans les relations humaines ? »
Il n’y a pas d’opposition entre la science et la foi : les miracles ne sont pas des tours de passe-passe, mais des faits réels qu’on peut constater, sans que la science puisse présentement les expliquer. Le rôle de la médecine est d’assurer la réalité de la guérison. Il faut qu’il y ait « passage d’un état pathologique avéré à un état de santé évident ». C’est le travail du corps médical de constater cette guérison alléguée, de prendre en compte le contexte de cette guérison, puis de la garantir par tous les moyens mis à disposition (documents avant et après la guérison), de la certifier enfin avec des experts. Par exemple, à Lourdes, il s’agit du Comité médical international de Lourdes (CMIL) pour les guérisons dues à l’intercession de Notre-Dame ; à Rome, c’est la Consulta Medica pour les guérisons dues à l’intercession d’une servante ou d’un serviteur de Dieu en vue d’une béatification ou d’une canonisation.
Pour conclure en faveur d’une guérison « certaine, définitive et médicalement inexpliquée », l’étude menée doit réunir plusieurs conditions de base : il faut que soient établis préalablement de façon correcte le diagnostic et la réalité de la maladie ; que le pronostic en soit fixé ou fatal, à brève échéance ; que la guérison soit surprenante par son caractère subit ; que le traitement prescrit ne puisse pas être jugé comme étant à l’origine de cette guérison ou même l’ayant favorisée.
Un miracle, ce n’est pas l’impossible qui se réalise, ni qu’un rond devienne carré, c’est un événement surprenant qui a un sens spirituel. C’est à l’Église d’interpréter la guérison et, pour ce qui est des miracles de guérison, elle le fait en fonction de sept critères précis très restrictifs, appelés « critères de Lambertini » pour avoir été établis entre 1734 et 1737 par le cardinal Prospero Lambertini, futur Benoît XIV. Les sept critères sont les suivants : le premier critère, c’est que la maladie soit grave, de pronostic défavorable ; deuxièmement, il faut que la maladie soit connue, qu’elle soit répertoriée par la médecine ; troisièmement, il faut que cette maladie soit organique, lésionnelle, c’est-à-dire qu’il y ait des critères objectifs, biologiques, radiologiques ; quatrièmement, il ne faut pas qu’il y ait de traitement qui vienne interférer dans la guérison ; enfin, le cinquième critère est très important, qui est le moment de la guérison lui-même : la guérison doit être subite, soudaine, instantanée ; on pourrait dire : immédiate, sans convalescence.
Après la guérison, il y a encore deux critères : il faut que ce ne soit pas simplement une régression des symptômes mais bien un retour de toutes les fonctions vitales, et enfin, que ce ne soit pas simplement une rémission mais bien une guérison, ce qui veut dire quelque chose de durable et de définitif.
Il n’en reste pas moins que le contexte de foi est primordial à prendre en considération. « De nombreuses guérisons constituent une réalité qui n’a son explication que dans l’ordre de la foi, que l’examen scientifique ne peut nier a priori et qu’il doit donc respecter, précisément dans son ordre », a pu dire saint Jean Paul II aux membres du Comité médical international de Lourdes, le 18 novembre 1988. Il est donc fondamental d’écouter la personne guérie : c’est elle qui dira si elle estime avoir été guérie par l’intercession par exemple de Notre Dame de Lourdes pour ce qui est des guérisons de Lourdes ou par l’intercession de tel ou tel vénérable pour une béatification ou une canonisation. On prendra en compte son vécu, son cheminement, le travail de la grâce en lui.
Les phénomènes extraordinaires (manifestations mystiques, apparitions, miracles, etc.) qui ont lieu dans l’Église, manifestations de l’Invisible, nécessitent le discernement du Magistère : s’agissant des guérisons, celui-ci, pour émettre un jugement éclairé dans ce domaine très particulier et de plus en plus spécialisé, a besoin des hommes de l’art que sont les médecins. Ils doivent en particulier faire la différence avec ce que l’on appelle les « rémissions spontanées », de plus en plus connues aujourd’hui : elles sont tout aussi inexpliquées par la médecine, mais sont, en revanche, exclusivement physiques et le bénéficiaire n’en est absolument pas conscient : ce sont des faits sans signification, donc « insignifiants », alors que les guérisons miraculeuses sont très « signifiantes » dans la mesure justement où les miracles sont des signes que Dieu dans son amour réalise gratuitement pour nous interpeller.
À Lourdes, on ne compte que 70 miracles reconnus à Lourdes, alors que le bureau médical a constaté plus de 3000 guérisons objectivement inexplicables.
On ne peut donc s’en tenir à déclarer une guérison « inexpliquée » pour parler de miracle : c’est ainsi qu’à Lourdes, on ne compte que 70 miracles reconnus à Lourdes, alors que le bureau médical a constaté plus de 3000 guérisons objectivement inexplicables. « Toute guérison inexpliquée n’est pas forcément miraculeuse pour la foi chrétienne, précise Mgr André Duplex, professeur à l’Institut catholique de Toulouse, et une guérison, même expliquée médicalement peut relever du miracle. »
Dès la déclaration d’une guérison, les deux questions auxquelles il faut répondre en priorité pour envisager d’aller plus loin sont donc bien : premièrement, cette guérison échappe-t-elle aux lois habituelles de l’évolution des maladies et de la médecine ? Elle frappe, en effet, d’emblée, parce qu’elle apparaît tout à fait contraire aux prévisions du pronostic, soit qu’elle s’effectue selon des modalités extraordinaires et imprévisibles, en particulier par leur instantanéité, soit que la reprise des fonctions ne correspond pas aux lésions anatomiques. Deuxièmement, cette guérison amène-t-elle le bénéficiaire et les témoins à rechercher ou reconnaître une signification spirituelle à l’évènement ; plus précisément, les invite-t-elle à croire en l’intervention spéciale de Dieu ?