Pour la deuxième année consécutive, le Saint-Suaire doit être exposé ce samedi 3 avril, au lendemain de la passion du Christ, à la cathédrale de Turin. Retransmise à la télévision, cette ostension est d’autant plus exceptionnelle qu’elle n’a d’ordinaire lieu qu’une fois tous les cinq ans. Avant celle de 2020, la dernière exposition publique du linceul remontait à 2015. Entre deux et trois millions de pèlerins et visiteurs étaient venues se recueillir devant la précieuse relique.
Si le Vatican ne s’est jamais officiellement prononcé sur l’authenticité de cette toile de lin, le pape François, comme nombre de ses prédécesseurs avant lui, était venu en personne la vénérer. Il l’avait alors qualifiée d’« icône », c’est-à-dire de représentation permettant aux croyants d’entrer en contact avec le mystère de la mort du Christ crucifié sur la Croix. "Dans le Suaire, l’Église catholique ne vénère pas un objet" rappelle régulièrement Mgr Nosiglia, archevêque de Turin.
Pour retracer l’histoire de cette relique extraordinaire, il faut remonter au XIVè siècle, lorsque Jeanne de Vergy, veuve de Geoffroy Ier de Charny, organisa l’ostension d’un linceul dans la collégiale de Lirey, en Champagne. C’est la première apparition historique de cette toile. Elle appartenait alors à la Maison royale de Savoie. Certaines thèses affirment qu’elle avait été ramenée en France par les croisés en 1204, suite au sac de Constantinople. Mais cela n’a jamais été prouvé historiquement.
Dans la nuit du 3 au 4 décembre 1532, alors que le Saint-Suaire était conservé dans la chapelle du château de Chambéry, il faillit disparaître une première fois, dans un violent incendie. Protégé par une grille et conservé dans un coffre d’argent, il fut troué par le métal brûlé. Ces brûlures symétriques permettent de savoir que le linceul était plié en 32 épaisseurs dans le reliquaire.
Réparé par les religieuses Clarisses de Chambéry, qui cousirent 22 pièces de tissu à l’emplacement des brûlures, le Saint-Suaire fût déplacé à plusieurs reprises, notamment à Nice pendant deux ans, avant de finalement atterrir à Turin, en 1578. Il devait y être vénéré par l’archevêque de Milan, saint Charles Borromée. Après avoir connu plusieurs installations provisoires, le linceul fut déposé dans la cathédrale et offert par la Maison de Savoie au Vatican, en 1983.
Pour un catholique, découvrir que le Suaire est un faux ne change rien.
Quelques années plus tard, une équipe de chercheurs établit à partir de datations au carbone 14 que le Saint-Suaire datait en réalité du Moyen-Âge, entre 1260 et 1390. C’était sans compter sur une autre étude, parue en 2013 et combinant de nouvelles méthodes chimiques et mécaniques, affirmant que le tissu date de 300 avant J-C, avec une imprécision de plus ou moins 400 ans. Il pourrait donc être contemporain de l’époque du Christ. Quels que soient les résultats des différentes études, l’Eglise se garde bien de confirmer ou infirmer l'authenticité du tissu. En revanche elle considère le Saint-Suaire comme un moyen pour les croyants de se rapprocher du mystère de la passion du Christ. "Pour un catholique, découvrir que le Suaire est un faux ne change rien", résumait Mgr Giacomo Biffi, archevêque de Bologne entre 1984 et 2003.