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À Cana, Jésus avait repoussé Marie : « Mon heure n’est pas encore venue » (Jn 2, 4). Il avait accepté d’anticiper son ministère public en changeant l’eau en vin pour les invités de la noce. Mais l’heure des noces véritables n’avait pas encore sonné, où le vin est changé en sang du Christ. Aujourd’hui, alors que Jésus vient de ressusciter son ami Lazare et de faire une entrée triomphante dans Jérusalem, voici que l’heure est venue, enfin ! L’heure est venue pour Jésus d’être élevé de terre et glorifié. Mais cette élévation est celle de la Croix, et cette glorification par le Père des lumières se paie d’une humiliation inouïe aux yeux des hommes. Dans sa Passion victorieuse, Jésus subvertit l’échelle des valeurs humaines : à partir de cette heure, ce sont les pauvres, les petits, les humiliés qui peuvent prétendre à la gloire. Le monde pivote désormais autour de la Croix, et tout est renversé !
Tous sont invités
Est-ce la revanche des laissés-pour-compte de l’histoire ? Oui, en un sens. Mais Jésus ne rejoue pas la dialectique du maître et de l’esclave. Si l’esclave devient le maître, et réciproquement, la relation reste injuste. Si les pauvres et les petits accèdent à la gloire et humilient ceux dont ils ont pris la place, ni la justice ni l’amour n’ont triomphé. Aussi l’œuvre de Jésus ne consiste-t-elle pas à renverser symétriquement l’ordre établi. Sur la Croix, Jésus « attire à lui tous les hommes » (Jn 12, 32). Tous sont invités, juifs et païens, riches et pauvres, pécheurs et justes !
Sur la Croix, Jésus exerce une attraction universelle.
Sur la Croix, Jésus exerce une attraction universelle. Il avait d’abord restreint sa prédication à la terre d’Israël d’où devait naître le Sauveur : « le salut vient des Juifs » (Jn 4, 22). Mais son entrée triomphale à Jérusalem signale une extension du domaine du salut. Un détail ne trompe pas. C’est une intervention de Juifs hellénisés de la Diaspora qui réclament : « Nous voulons voir Jésus » (Jn 12, 21) qui provoque cette déclaration du Christ : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié » (Jn 12, 23). L’heure est venue où Jésus rassemble tous les hommes autour de la Croix. Dans le contexte du retour de l’Exil, Dieu avait dit : « Je t’ai aimée [Israël] d’un amour éternel ; aussi t’ai-je attirée dans ma miséricorde » (Jr 38, 3). Mais ce rassemblement des seuls enfants d’Israël n’est plus satisfaisant. Comme il arrive souvent, c’est un adversaire de Jésus qui l’avait prophétisé quelques jours plus tôt : « En qualité de grand prêtre, il [Caïphe] prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non seulement pour la nation, mais pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 51-52).
De quelle attraction s’agit-il ?
Ainsi donc, la glorification paradoxale de Jésus élevé en Croix doit attirer tous les hommes. De quelle attraction s’agit-il ? On peut comprendre l’attraction au sens fort de « tirer à soi », par mode de contrainte. L’attraction connote alors la force. En physique, l’attraction terrestre est une force qui s’exerce sur l’homme, entre autres, et l’homme est ainsi arrimé à la terre sans qu’il soit possible pour lui de s’y soustraire. Mais est-ce bien ainsi que Jésus en Croix attire à lui tous hommes ? Est-ce cohérent avec l’humiliation et la mort qu’il choisit d’affronter par amour pour nous ? L’attraction exercée par Jésus en Croix, qui est une attraction céleste, n’est pas de l’ordre de la force ni de la contrainte. Si Jésus choisit de vaincre le péché et la mort par l’amour, cela doit se refléter dans la manière dont sa Passion et sa Résurrection attire à lui tous les hommes. Les bras largement ouverts de Jésus en Croix veulent enlacer le monde entier dans une étreinte éternelle, et c’est cet amour infini qui attire.
Déjà pendant son ministère, Jésus n’attirait pas par la contrainte, extérieure ou intérieure. Et aujourd’hui encore, l’attrait divin s’exerce sur nous de bien d’autres manières : par une révélation adressée à l’intelligence ; par le charme et la douceur qui se dégage de Jésus, de sa Parole, ou des saints qu’il suscite dans son Église ; par la joie prodigieuse qu’il y a à vivre en sa présence. C’est tout cela qui avait attiré ces pèlerins de la Diaspora qui voulaient « voir Jésus ».
Un tri s’opère
Mais au milieu de tout cela, qui est très attirant en effet, il y a la Croix. Or la Croix, spontanément, nous effraie et nous repousse. C’est pourtant bien elle que Jésus a choisi pour nous attirer définitivement. Alors, un tri s’opère. Il y a ceux qui acceptent de mourir à eux-mêmes avec le Christ, d’être enfouis en terre pour porter du fruit. Ceux-là entrent dans la gloire éternelle de la Trinité. Et il y a ceux qui refusent cet abaissement. À ceux-là, la béatitude éternelle est refusée, parce qu’ils n’ont pas voulu suivre Jésus jusqu’au bout.
C’est au milieu de tous les chrétiens que le Christ élevé en Croix ressuscite et nous emporte dans sa gloire.
Ici, la voix intérieure de la protestation se fait entendre. Si Jésus a vécu tout cela pour nous, n’est-ce pas pour nous éviter d’avoir à en passer par là ? Non. Jésus avertit : « Le serviteur n’est pas plus grand que le maître » (Jn 13, 16), et il nous faut « suivre l’Agneau partout où il va » (Ap 14, 4). Du reste, jamais un grain de blé n’est jeté en terre de manière isolée. C’est au milieu d’autres grains de blés que le grain de blé jeté en terre meurt pour porter du fruit. C’est au milieu de tous les chrétiens que le Christ élevé en Croix ressuscite et nous emporte dans sa gloire.
Dans les bras ouverts de Jésus en Croix
Le destin du chrétien est de suivre Jésus jusque dans sa mort pour entrer dans la gloire. La Croix est plantée au milieu du chemin. À en rester là, il y aurait de quoi désespérer. Qui peut prétendre s’avancer paisiblement vers la Croix ? Qui peut prétendre suivre joyeusement Jésus jusque dans son abaissement ? Mais c’est l’attitude de Jésus lui-même qui doit nous éclairer. Comme plus tard à Gethsémani, Jésus s’exclame aujourd’hui : « Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? » (Jn 12, 27) Dans cette angoisse terrible de l’humanité de Jésus face à sa mort prochaine, nous lisons notre propre drame intime.
À l’heure de notre souffrance, à l’heure de l’épreuve et du doute, et jusqu’à l’heure de notre mort, à nous de savoir nous jeter dans les bras ouverts de Jésus en Croix et de dire avec lui : « Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! » (Jn 12, 27). Il sait combien il en coûte. Il l’a vécu avant nous et pour nous. Du haut de la Croix, Jésus attire tous les hommes, et emporte avec lui nos souffrances pour nous emmener dans sa gloire. Soyons à l’heure au rendez-vous de la Croix, car c’est un rendez-vous d’amour.