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Dans l’épreuve, la joie du carême

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Jean-Thomas de Beauregard, op - publié le 16/02/21
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Le carême débute cette année dans une époque déjà semée de privations. Pourquoi ne pas progresser dans la joie en trouvant dans l’épreuve un lieu où Dieu se donne ?

Le Mercredi des Cendres est là, et la voix de Dieu retentit : « Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! » Et une petite voix se fait entendre en nos cœurs : « Et allez, comme si on n’avait pas déjà eu notre dose ces temps-ci ! » Si le carême est d’abord affaire de privations, Dieu a trouvé depuis un an deux alliés précieux : la Covid, et le gouvernement. Dans un grand élan général de pénitence, nous sommes privés de restaurant, de cinéma, de musées, de concerts, de liberté d’aller et de venir, de visites à nos familles… Si l’Église osait réclamer de telles privations à ses fidèles pour le temps du carême, en les assortissant du même arsenal répressif, le Vatican serait pris d’assaut et le pape pendu haut et court avec tous ses cardinaux !

Quelle perfection voulons-nous ?

Faut-il donc, pour nous autres chrétiens, en ce temps de carême qui commence, ajouter à ces privations subies des privations choisies ? En la matière, le maximalisme ascétique serait sans doute de mauvais conseil. Il est vrai que la tentation d’abolir toute notion d’effort dans ce qui deviendrait un « christianisme sans peine » guette sans doute notre génération en temps normal. La crainte de tomber dans un activisme pélagien ou un dolorisme à saveur janséniste pousse les prédicateurs à éviter soigneusement l’ombre de la Croix, et on tombe parfois dans l’écueil contraire d’une foi insipide et apathique faute d’un investissement réel de toute la personne, corps et âme.

Le vide que je crée dans ma vie en retranchant telle activité superflue ou tel comportement mauvais est-il rempli par une plus grande attention à Dieu ?

Mais les circonstances étant assez pénibles par elles-mêmes, peut-être vaut-il mieux opérer un discernement plus fin. Les privations et les efforts sont de l’ordre des moyens, ordonnés à la fin qui est de renouveler et d’approfondir notre amitié avec le Seigneur. Il ne s’agit donc pas de mépriser les moyens, mais d’interroger leur rapport à la fin poursuivie. Tel effort, telle privation, sont-ils vraiment un moyen pour me rapprocher de Dieu, ou ne sont-ils qu’une mesure d’hygiène morale visant en réalité ma propre perfection ? Le vide que je crée dans ma vie en retranchant telle activité superflue ou tel comportement mauvais est-il rempli par une plus grande attention à Dieu ?

Transformer toute épreuve en joie

Et dans un temps comme celui-ci où l’épreuve se présente spontanément sans qu’il y ait à la rechercher, où la Croix se dresse à tous les carrefours, peut-être convient-il tout simplement de consentir à ce qui arrive. Non pas à la manière des stoïciens antiques, qui enduraient la souffrance en tant qu’il n’était pas en leur pouvoir de la supprimer, mais à la manière de véritables chrétiens qui voient dans tout événement la présence aimante de Dieu. Un frère dominicain de mon couvent s’exclame souvent, non sans ironie, devant quelque contrariété : « J’accueille et je transforme en joie… ». S’il n’est pas toujours possible de rejoindre Léon Bloy qui déclarait : « Tout ce qui arrive est adorable », on peut au moins accueillir et transformer en joie les épreuves et les croix qui ne manqueront pas de se présenter.

Pour qui prend cette exigence au sérieux, ce n’est pas là une attitude générale, une option fondamentale un peu vague. Non, il s’agit, très concrètement, à chaque fois qu’une épreuve se présente, de l’accueillir, d’y consentir, d’y trouver un lieu où Dieu se donne, de l’offrir le cas échéant, le tout par un acte conscient. Le carême vécu ainsi ne sera pas moins exigeant, mais l’amitié renouvelée avec le Seigneur qui en est la fin sera plus certainement atteinte. 

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