Aleteia a pu pénétrer dans la cathédrale Notre-Dame pour découvrir les résultats d’un chantier-test effectué sur deux chapelles. Un travail de restauration exemplaire qui permet d’imaginer à quoi ressemblera la cathédrale en 2024. Parvis de Notre-Dame de Paris, 10 février, 11h. Au pied de la cathédrale, le froid glacial n’enlève rien à l’excitation qui monte progressivement. Dans quelques minutes, c’est dans l’intérieur de l’édifice tourmenté que les yeux des quelques personnes présentes vont se poser et découvrir les premiers résultats d’un chantier-test réalisé depuis septembre dernier dans deux chapelles de la cathédrale.
Mais accéder à Notre-Dame est une chose difficile. Envahie de poussières de plomb suite à l’incendie, la cathédrale est encore toxique. Après avoir appliqué un protocole sanitaire obligatoire, il est 12h quand il est enfin possible de pénétrer dans la cathédrale par le portail nord. Véritable forêt de métal, l’édifice est envahi d’échafaudages qui grimpent du sol au plafond. Entre ces monstres métalliques, des bâches et des filets recouvrent les murs. Un dédale à peine reconnaissable dans lequel il faut se frayer un chemin pour rejoindre la chapelle Saint-Ferdinand.
Comme dans une bulle, totalement coupée du reste du monde, la chapelle est entourée d’une immense bâche protectrice. À l’intérieur, le bruit constant d’une soufflerie contraste avec le silence religieux de la cathédrale. C’est dans ce lieu secret que huit restauratrices s’affairent depuis septembre dernier à la restauration complète de la chapelle. L’objectif ? Définir un protocole de nettoyage et de restauration qui sera appliqué ensuite à l’ensemble des 24 chapelles. Construites de 1225 à 1320, elles ont été restaurées par Viollet-le-Duc au XIXe siècle qui les a enrichies de peintures murales et de vitraux s’inspirant de motifs médiévaux.
Des peintures comme neuves
Et les résultats sont saisissants. Si la cathédrale est noire et encrassée, cette chapelle est une explosion de couleurs, véritable point de lumière au cœur de la nuit. Quelques mois auparavant, celle-ci était totalement encrassée, résultat des poussières de l’incendie mais aussi de plusieurs décennies de cierges allumés et de pollution. « Aucune des 24 chapelles bordant la nef et le chœur n’a été touchée par l’incendie du 15 avril 2019″, précise Jonathan Truillet, directeur adjoint des opérations de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale. “Mais déjà bien empoussiérées, c’est sur cette couche de saleté qu’est venue s’accrocher la poussière de plomb. Leur nettoyage était donc indispensable”, ajoute-t-il. Aujourd’hui, les peintures de Viollet-le-Duc sont resplendissantes.
Marie Parant, l’une des restauratrices qui accompagne la visite, témoigne de cette redécouverte incroyable : “Sous la couche de crasse, les peintures de Viollet-le-Duc étaient dans un très bon état de conservation. Les couleurs que l’on voit sont les vraies couleurs d’origine. Nous avons simplement nettoyé, consolidé et complété des zones lacunaires mais ces couleurs vives que nous voyons sont bien celles de Viollet-le-Duc”.
Avec ces bleus, jaunes et rouges d’un vif incroyable, on a peine à imaginer que ces décors ont plus d’un siècle tant leur préservation est extraordinaire. “C’est un décor de grande qualité”, ajoute la restauratrice. “Les peintures du XIXe siècle sont exceptionnelles. Les pigments utilisés et les techniques mises en place étaient parfaitement maîtrisées”, conclue-t-elle, admirative. “Les seules réelles dégradations sont liées à l’humidité des voûtes et du sol. Après l’incendie la cathédrale s’est retrouvée avec trois centimètres d’eau”, complète Pascal Prunet, architecte en chef des monuments historiques. “Ce qui est impressionnant dans cette chapelle, c’est qu’on a l’impression qu’elle vient d’être peinte”, ajoute-t-il.
Dans cette chapelle, sculpture et vitraux ont également fait l’objet d’une restauration complète. Pour les vitraux, deux protocoles sont à l’étude : une restauration en atelier, comme c’est le cas pour la chapelle Saint-Ferdinand — comprenant une restauration des remplages extérieurs et des dispositifs d’évacuation des eaux pluviales — et une restauration sur place comme c’est le cas pour la seconde chapelle. “Ce qu’on a aimé sur ce chantier, c’est que tout a été restauré en même temps. Cela permet d’avoir une visibilité complète”, confie Marie Parant.
La visite se poursuit dans les étages supérieurs de la chapelle Saint-Ferdinand. En escaladant les échafaudages, on se retrouve nez à nez avec de grands chapiteaux. Différents tests de nettoyage ont été effectués sur eux. Car l’incendie de Notre-Dame est l’occasion d’étudier, plus en profondeur, la restauration des pierres et leur nettoyage complet avec des techniques adaptées pour ne pas les altérer.
Après en avoir pris plein les yeux, direction la chapelle Notre-Dame de Guadalupe qui recèle des trésors encore plus émouvants à découvrir. Ici, pas de grand programme décoratif de Viollet-le-Duc mais un véritable saut dans le temps. En s’approchant des voûtes, on touche du doigt le travail des artistes du Moyen Âge. Dans les bas-côtés, les restaurateurs ont en effet constaté de nombreuses traces de polychromie antérieures à Viollet-le-Duc. “Ces vestiges sont ténus et on ne sait pas encore les dater”, précise l’architecte. Ici, la plus belle découverte demeure sans conteste les fleurs de lys dorées qui décorent les nervures de la voûte. À peine visibles, il faut se rapprocher pour les distinguer. De quand datent-elles ? Mystère… une étude approfondie permettra sans doute d’apporter une réponse plus précise dans quelques mois.
Très différentes, ces deux chapelles n’ont pas été choisies au hasard. Si Saint-Ferdinand est l’occasion d’élaborer les meilleures techniques de restauration pour dévoiler les peintures de Viollet-le-Duc, celle de Guadalupe est l’occasion d’en connaître un peu plus sur l’histoire médiévale de la cathédrale mais aussi de réaliser de nombreux tests de restauration pour rendre à la pierre une teinte lumineuse et homogène. Grâce à ces deux chapelles-tests, on peut aujourd’hui mieux imaginer à quoi ressemblera la cathédrale en 2024.
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