Jérusalem, an 34. Il fait si beau en ce triste jour. Le soleil illumine la sainte cité, il n’y a pas un nuage dans le ciel et une brise agréable circule dans les rues. Une paix similaire règne dans le cœur d'Étienne. Lui-même se surprend d’être aussi calme alors qu’on lui a tendu un piège devant chez lui et qu’on le traîne à présent comme un malpropre. Il sait très bien où on l’emmène ainsi. C’est devant le Sanhédrin, le tribunal suprême, qu’il va comparaître et devoir répondre de sa foi.
On le mène de force jusqu’au tribunal où l’attendent déjà les 71 experts en Loi Juive qui vont décider de son sort. À peine est-il entré qu’il sent les regards de haine et de colère le brûler de tous côtés. Un grand prêtre parmi eux se lève et pointe un doigt accusateur vers Étienne.
- Sais-tu pourquoi tu es ici ? demande-t-il d’une voix forte afin que tous puissent entendre.
- Je le sais, répond Étienne.
- On t'accuse de blasphème, continue le grand prêtre. Contre Dieu, contre Moïse, contre la Loi et contre le Temple de Jérusalem. Tu prêches les préceptes d’un criminel qui a lui-même blasphémé contre les lois de nos pères et payé de sa vie pour cet affront. Que réponds-tu à cela ?
Le cœur d’Étienne se serre dans sa poitrine, non pas d’angoisse mais de tristesse. Ces hommes aux visages si durs, et aux cœurs fermés sont si aveuglés par leur propre orgueil qu’ils ne peuvent voir l’accomplissement de la promesse de Dieu faite à Adam et Eve. Mais Étienne n’éprouve que de la pitié pour ces pauvres âmes et prie afin qu'elles s'ouvrent à la vérité. Il ferme les yeux un instant, suppliant le Père et le Fils de lui accorder les mots justes.
- Je répond ceci, dit-il alors en levant les yeux vers ses accusateurs, loué soit le Dieu créateur qui fait tout homme et toute créature ! Béni soit Moïse, élu de Dieu qui a fait sortir nos pères du désert, pour sa ferveur ! Bénie soit la Loi remise à ce dernier, car elle est parole du Très-Haut et pleinement juste ! Et loué soit le Temple de Jérusalem, maison terrestre et sacrée de Dieu, érigée par Salomon !
La colère sur les visages disparaît, laissant place à l’étonnement. Cet homme n’est-il pas censé être blasphémateur ? Est-ce là les propos impies qu’il propage autour de lui ? L’assemblée reste muette face à lui, mais Étienne ne laisse pas au grand prêtre le temps de l’interroger de nouveau.
- Oui, tout s’est accompli comme les prophètes l’ont annoncé. Et pourtant, aucun d’eux n’a échappé aux persécutions de vos pères. Tous ceux qui ont annoncé la venue du Juste ont péri par vos mains. Vous écoutez la Loi, mais vos cœurs sont fermés alors que l’accomplissement de la promesse s’est déroulé sous vos yeux aveugles. Et moi je vous le dis encore : je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.
Sacrilège ! Oser prétendre qu’un homme, un pécheur blasphématoire qui plus est, puisse se tenir aux côtés de Dieu ? C’en est trop pour cette assemblée. Avant même que le grand prêtre ne puisse prononcer un jugement, la foule déchaînée se jette sur le diacre et le traîne au dehors de la ville, par la porte de Damas. On lui ligote les mains et on le pousse contre les murs extérieurs de la sainte cité.
On crie, on l’injurie. Quelqu’un jette la première pierre. D’autres projectiles suivent rapidement. Bien vite, le sang d’Étienne tache ses vêtements. Mais lui murmure simplement :
- Seigneur, ne leur compte pas ce péché.
Car il n’y a pas de place pour la haine dans un cœur où règne l’amour de Dieu. Une autre pierre le frappe à la tempe. Étienne s’écroule alors sur le sol pour ne plus se relever.
Non loin de là, un jeune homme observe la scène. Comme Étienne, il est juif helléniste. Quel dommage qu’un de ses semblables à l’esprit si vif ne tombe ainsi dans le blasphème comme tant d'autres. Il jure au fond de lui d’éradiquer ce fléau qui empoisonne un à un ses frères juifs. Cet homme se nomme Saül de Tarse et il ignore que plus tard, c’est lui sous un autre nom qui répandra la foi du Christ comme Étienne avant lui.
Si on ne sait pas grand chose de la vie ou de la conversion de saint Étienne, l'Église le reconnaît comme son premier martyr. On le fête le 26 décembre en Occident et le 27 en Orient. Il est aussi vénéré dans les Églises luthériennes et anglicanes