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Salaire, propriété, aumône… le rapport à l’argent de Jésus et ses premiers disciples

la vocation de st mathieu caravage

La vocation de saint Matthieu, Caravage.

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Christophe Dickès - publié le 11/12/20 - mis à jour le 20/05/22
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Les disciples de Jésus mettaient tous leurs biens en commun. Mais que sait-on de plus sur l’organisation économique de Jésus et de ses apôtres ? L’historien Jonathan Cornillon a exploré leurs livres de comptes.

Dans les Actes des apôtres, saint Luc nous dit que la première communauté chrétienne mettait "tout en commun" (Ac 4, 32). Que signifie cette expression et comment vivaient ces premières communautés ? Dans Tout en commun ? La vie économique de Jésus et les premières communautés chrétiennes (éd. Cerf), l’universitaire Jonathan Cornillon explore la vie économique de Jésus et des premières générations chrétiennes. Il s’est prêté au jeu de huit questions simples pour les lecteurs d’Aleteia.

Que sait-on-des biens de Jésus ?

Jésus possédait certainement à Capharnaüm une maison qu’il a peut-être mise à la disposition de son petit groupe de prédicateurs. Lors de sa prédication, pour lui comme pour les apôtres, il n’y a plus vraiment de biens personnels : ils sont soit possédés en commun, soit abandonnés à leur famille.

Les apôtres étaient-ils pauvres ?

Une majorité d’entre eux devaient vivre autour du niveau de la subsistance, même si certains étaient plus fortunés, comme Matthieu (Lévi), le collecteur d’impôts. Pour ceux d’entre eux qui étaient pêcheurs, par exemple, ils n’étaient pas pauvres au sens d’être totalement démunis, mais ne devaient pas vivre bien au-delà du niveau de la subsistance, comme une grande majorité de la population de l’Empire romain.

Quel rôle jouaient les femmes dans le quotidien de Jésus ?

Des femmes accompagnaient Jésus et ses disciples (Lc 8, 3) et participaient notamment au financement de son activité. L’étendue de leur rôle concret est difficile à établir, mais ce rôle économique au moins était central dans la prédication de Jésus : elles étaient un élément essentiel de sa petite communauté.

Comment s’organisaient financièrement les premières communautés ?

Elles pratiquaient vraisemblablement une mise à disposition des biens (voir notamment les Actes des Apôtres, 2, 44-45 et 4, 32-37) : tous les biens dont disposaient les fidèles étaient prioritairement destinés à servir la communauté, et notamment à en nourrir les pauvres. Il n’y avait donc pas d’expropriation a priori mais la propriété privée était tout de même remise en cause.

Que représentaient les fameuses collectes de saint Paul et comment saint Paul vivait-il lui-même ?

Paul vivait, pour ses besoins courants, de son propre travail manuel (Ac 18, 3), mais il logeait aussi chez les fidèles et il finançait ses voyages grâce aux dons des communautés qu’il évangélisait (il était impossible de les financer seul). La collecte qu’il a organisée dans les communautés de Grèce (voir notamment 1 Cor 16, 1-4 ; 2 Cor 8-9) a probablement permis de donner à des communautés, dans lesquelles les fidèles venant du polythéisme étaient nombreux, les fondements d’un système de solidarité matérielle auquel ils n’étaient guère habitués : cela donnait aux apôtres de Jérusalem la preuve de l’efficacité de la prédication de Paul, notamment sur la question de l’aumône (Gal 2, 10).

Des riches faisaient-ils partie des premières communautés chrétiennes ?

C’est très vraisemblable, puisqu’il y en avait déjà dans l’entourage de Jésus et que les épîtres pauliniennes ainsi que les Actes des Apôtres évoquent d’autres personnages, comme Éraste, Gaius (pour ces deux personnages : Rm 16, 23) ou Phoebé (Rm 16, 1-2) qui disposaient probablement de moyens financiers plutôt importants, sans qu’il soit possible d’évaluer l’étendue de leur fortune. Cela les situe donc dans un éventail très large, entre une vie aisée et une véritable richesse. Il est en tout cas assez clair que les premières communautés chrétiennes étaient marquées par une certaine hétérogénéité sociale.

Existait-il des malversations dans la gestion financière des communautés ?

Oui, comme c’est souvent le cas dans une communauté. Jean accuse Judas de voler dans la caisse (Jn 12, 6), de même que l’Épître aux Philippiens de Polycarpe de Smyrne (chapitre 11), dans la première moitié du IIe siècle, évoque le cas d’un presbytre, Valens, qui a probablement détourné l’argent de la caisse commune. La réglementation imposée à l’entretien des prédicateurs itinérants, par exemple dans la Didachè, aux chapitres 11 à 13, au tournant du IIe siècle, montre que c’était un enjeu majeur pour les communautés.

Quand les ministres du culte commencent-ils à être rémunérés ?

Il est difficile de répondre précisément à cette question, d’autant plus que la diversité institutionnelle durant les deux premiers siècles est très grande. Il paraît vraisemblable que des formes de rémunération pour dédommager les ministres du culte soient apparues dès la fin du Ier siècle (par exemple 1 Tim 5 ,17, même si le texte est difficile à interpréter), mais les traces sont peu nombreuses. La rémunération des ministres du culte est très bien attestée à partir du IIIe siècle.

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© Le Cerf
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