Alors que certaines mesures sanitaires s’installent dans le temps long, les demandes persistantes en faveur de la liberté du culte montrent que c’est l’ensemble des libertés publiques qui est en jeu. Dimanche 15 novembre, l’Agence France Presse mettait à la Une l’information suivante : « Les restrictions pour faire face à la pandémie de Covid-19 pourraient durer plusieurs mois dans les pays européens. De l’Allemagne à la France, les gouvernements se préparent à des mesures sur le long terme malgré des mouvements de contestation. » Certes, le texte est au conditionnel, mais chacun perçoit que cette crise ne constitue plus une simple parenthèse. Elle pourrait inaugurer en quelque sorte un « nouvel état du monde » pour une assez longue période. Si tel est le cas, les gouvernements ont raison de préparer des mesures de long terme.
Menaces de restrictions durables
Cependant, ces mesures ne pourront raisonnablement constituer une simple continuité, en quelque sorte renforcée, des mesures actuelles, ou la poursuite d’un cycle un peu erratique de resserrage et de desserrage de vis. En effet, les restrictions sanitaires mettent en jeu des libertés publiques fondamentales. S’il est acceptable de mettre entre parenthèse quelques libertés fondamentales sur un temps court, cela ne peut se concevoir sur une longue durée. Ainsi, entre les mois de mars et mai, les différentes mesures restrictives n’avaient pas été exemptes de critiques mais elles avaient été globalement admises, au motif même qu’il s’agissait de dispositions provisoires et de courte durée.
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C’est ainsi, notamment, que la suspension du culte public le 17 mars dernier n’avait pas entraîné de manifestations. Pendant trois mois, cette privation a donc été supportée comme un effort coûteux mais inévitable, jusqu’au recours devant le Conseil d’État au mois de mai, lors du déconfinement partiel. Cette fois, la crainte s’installe de vivre dans un pays où le culte public pourrait être atteint durablement. Il est toutefois important de préciser qu’il ne s’agit pas uniquement de la liberté de culte : celle-ci est l’une des libertés publiques essentielles, dont le Conseil d’État avait rappelé en mai le caractère constitutionnel, mais elle n’est pas la seule.
L’ensemble des libertés publiques
C’est donc probablement une défense plus large des libertés publiques qui est nécessaire. Cependant, en demandant la messe, les catholiques montrent d’une certaine manière un bon exemple à la société tout entière. Le chemin à suivre est de demander au gouvernement que les mesures de long terme qui se profilent soient compatibles avec les libertés publiques dans leur ensemble. À défaut, nous pourrions vivre un point de bascule historique qui fragiliserait l’état de droit.
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Ce n’est donc pas un caprice de demander le rétablissement de la messe dans des conditions permettant d’assurer un certain niveau de sécurité sanitaire, mais c’est un premier pas pour mettre sur le tapis la question des libertés publiques dans leur ensemble. Cette demande n’est pas non plus une revendication purement catégorielle des catholiques : si le culte est rétabli — ce qui est envisagé pour le début du mois de décembre — ce sera pour toutes les confessions religieuses. L’Église de France ne demande pas une exception catholique.
Au nom du bien commun
Il y a parfois une mauvaise compréhension des manifestations pour la messe. Par exemple, Gilles Clavreul, membre du Printemps républicain, y voit « une instrumentalisation identitaire de la religion » qui participe « d’une remise en cause du commun ». C’est une erreur de perspective : défendre une liberté publique essentielle, comme la liberté de culte, ne constitue pas une remise en cause du commun, mais au contraire protège le commun, c’est-à-dire cet état de droit qui demeure l’un des rares « communs » à faire encore consensus dans la société.
Chronique publiée en partenariat avec Radio Espérance, 18 novembre 2020.
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