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États-Unis : un pays en miette

Des partisans du président américain Donald Trump manifestent devant la State Farm Arena alors que les bulletins de vote continuent d'être comptés à l'intérieur le 5 novembre 2020 à Atlanta, en Géorgie.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 06/11/20
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La victoire de Joe Biden devait être éclatante, mais c’est le scénario du pire qui est arrivé aux États-Unis. Un match très serré, des sondeurs et des médias qui se sont trompés et des contestations multiples qui vont porter l’élection devant les tribunaux. La crise n’est pas seulement politique, elle est morale et intellectuelle. Quel que soit le président finalement désigné, sa tâche sera redoutable.Depuis des mois, médias américains et européens proclamaient la victoire certaine de Joe Biden. Incapables d’apprendre de leur défaite de 2016, où ils annonçaient déjà la victoire d’Hillary Clinton, ils n’ont cessé non pas d’informer, mais de déformer la réalité. La prudence était pourtant de mise et la résistance de Donald Trump, à défaut de victoire, aurait dû être prise en compte. Loin d’une victoire éclatante, c’est un épais brouillard qui est tombé sur les États-Unis et sur le monde de l’information. Quelle confiance pourra-t-on accorder à l’avenir à des médias qui n’ont non pas informé, mais manipulé l’opinion ? Parce qu’ils voulaient la victoire de Joe Biden, ils ont annoncé que celui-ci allait gagner. 

Comment ensuite se plaindre des théories du complot et des mensonges prospérant ici et là quand ceux dont le métier est d’informer sont eux-mêmes des propagateurs de mensonge ? Or il ne peut y avoir de démocratie libérale saine sans presse forte, pluraliste et intelligente. La nouvelle défaite des médias est donc une nouvelle fois une très mauvaise nouvelle pour la démocratie ; ils sortiront abîmés de cette séquence au même titre que le président élu. Rappelons que Donald Trump avait gagné les élections intermédiaires de 2018, en conservant le Sénat, ce que beaucoup de présidents, pourtant réélus ensuite, n’avaient pas réussi à faire, dont Bill Clinton et Barack Obama. Certes il y eut eu le coronavirus entre temps, mais la base électorale de Donald Trump demeurait forte.  

Aveuglement sur l’Amérique

Comme prévu aussi, les commentateurs se sont focalisés sur Donald Trump sans voir que celui-ci est le symptôme d’une Amérique, non son « mal ». Même en perdant, le courant de pensée qu’il porte continuera d’exister, notamment à travers Mike Pence, l’actuel vice-président. Les républicains ont ainsi gagné les élections sénatoriales qui se tenaient en même temps que la présidentielle. Ils passeront probablement à 52 sénateurs contre 51 avant les élections, la majorité étant à 50. Pour avoir fait de l’anti-trumpisme primaire, un bon nombre de commentateurs n’a pas compris ce qui se passait en Amérique et pourquoi Donald Trump avait été élu en 2016 et pourquoi il pouvait encore l’emporter en 2020.



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Les commentateurs annonçaient que seuls les hommes blancs de plus de 50 ans votaient pour Donald Trump, mais que les « minorités » votaient démocrates. Ce que montrent les résultats obtenus, c’est que de plus en plus de femmes, de Latinos et de Noirs ont voté républicain. Sans ce vote, il n’aurait pu gagner en Floride et au Texas. Les démocrates sont en train de voir partir une partie de l’électorat latinos et noir, qu’ils pensaient acquis, comme est partie une fraction importante de l’électorat catholique, là aussi autrefois très largement démocrate. Ce ne sera peut-être pas assez en 2020 pour faire réélire Donald Trump, mais cela pourrait jouer fortement en 2024. La logique démographique n’est peut-être pas en faveur des démocrates comme ceux-ci le croyaient de façon trop certaine. On le voit notamment dans les États des Grands Lacs, déjà trumpistes en 2016 et où l’électorat s’est encore fortement mobilisé en faveur du candidat républicain.

Le soupçon vicieux de la fraude

Le plus grave pour l’essence de l’Amérique est ce qui se passe dans un certain nombre d’États clefs, notamment le Michigan et le Wisconsin, à savoir le soupçon de fraude avec le vote par correspondance. Sans le vote par correspondance, Donald Trump aurait été largement en tête dans ces États, lui assurant une victoire facile. C’est le vote par correspondance qui permet à Joe Biden de passer devant, avec parfois des écarts finaux si faibles que de nouveaux comptages seront nécessaires.

Même si Joe Biden était reconnu président, son mandat sera entaché et abîmé par cette question supposée ou réelle des fraudes. 

L’histoire américaine a déjà connu des fraudes avec le vote par correspondance, dont les bulletins sont mal gardés et mal surveillés. Que les bulletins par correspondance soient autant en faveur de Joe Biden soulève des questions de possibilité statistiques. La bataille sera désormais judiciaire pour reconsidérer les comptes et trancher la question des fraudes supposées. L’élection est aujourd’hui entre les mains de la Cour suprême qui va devoir trancher un dilemme grave et jamais vu encore dans l’histoire américaine. Même si Joe Biden était reconnu président, son mandat sera entaché et abîmé par cette question supposée ou réelle des fraudes. 

Une exemplarité dans le brouillard

D’où l’importance pour Donald Trump d’avoir nommé un nouveau juge à la Cour après le décès inopiné de Ruth Bader Ginsburg. Il se doutait que l’élection pourrait être portée sur le tapis vert et que la Cour serait le juge suprême de cette élection hors norme. Avec six juges sur neuf plutôt en faveur des républicains, Donald Trump dispose d’un avantage dans les décisions qui devront être tranchées. Mais c’est un coup très dur porté à la démocratie américaine qui se veut exemplaire et moralisatrice. Comment tancer la Chine et la Russie, comment présenter la démocratie comme modèle quand on est soit même incapable de la vivre, et que l’on présente un tel visage de brouillard électoral ? En touchant à la démocratie, à l’âme des États-Unis, c’est le pays qui est touché dans ses profondeurs. Si le gagnant ne sera sans doute connu avant plusieurs semaines, c’est une certaine idée de l’Amérique qui est train de mourir sur le bord des Grands Lacs. Il faudra plus de quatre ans pour relever ce pays fracturé et brisé.


Amy Coney Barrett
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