Le nom de Luther est indissociable de la Réforme et d’une nouvelle approche des textes bibliques. Le célèbre théologien allemand dissident de la foi officielle sera à l’origine d’une nouvelle traduction de la Bible. Cette traduction accessible connaîtra un rayonnement considérable puisqu’elle deviendra la Bible de l’Église protestante d’Allemagne.La Bible de Martin Luther ne peut se comprendre sans entrer dans le contexte de la Réforme dans laquelle elle s’inscrit. En 1517, Martin Luther, de son vrai nom Luder, affiche sur les portes de l’église de Wittenberg pas moins de 95 thèses critiquant l’Église romaine. Du débat religieux, le niveau des discussions passera rapidement au stade politique et international, pour aboutir aux terribles guerres de Religion qui marqueront tout le XVIe siècle et conduiront à la séparation définitive entre catholiques et protestants.
Lire aussi :
De la Bible aux Bibles : les Bibles protestantes
Pourtant, rien ne destinait ce jeune lettré à entrer en lutte avec son Église. Ce fils de mineur, né le 10 novembre 1483 en Saxe, avait échappé à sa condition grâce au souhait de son père qui lui avait offert des études de droit. Mais, Luther préfère entrer chez les Augustins d’Erfurt affrontant la colère de son père. Bien lui en prit car le jeune étudiant est vite remarqué de ses supérieurs, il est brillant, apprend vite même si son caractère n’est pas des plus dociles. On l’encourage alors à faire des études supérieures et devient professeur de théologie à Wittenberg. Un parcours qui n’a rien de celui d’un révolutionnaire, jusqu’à ce fameux jour du 31 octobre 1517…
Une proposition de réforme dans un siècle en crise
C’est, en effet, en ce jour du 31 octobre 1517 que le jeune et brillant professeur de théologie décide de placarder lui-même des feuillets contestataires sur la porte de l’église du château de Wittenberg. Cette contestation est née d’un constat critique sur l’Église romaine de son temps et nourrira la future Bible qui portera son nom.
À cette époque, le pape Jules II, puis son successeur Léon X, entreprennent de reconstruire la nouvelle basilique Saint-Pierre-de-Rome. Mais pour cet immense chantier, il faut de l’argent. Les conseillers du pape ont vite fait d’augmenter une pratique qui existait auparavant, les indulgences. De quoi s’agit-il ? En échange du versement d’une somme d’argent par les fidèles, ces derniers se voient lavés de toutes leurs fautes et obtiennent l’assurance terrestre d’échapper au purgatoire. Luther s’oppose violemment à ce système, il est appuyé par le prince électeur de Saxe, Frédéric le Sage, qui pour sa part voit cette intrusion de l’Église sur son pouvoir d’un mauvais œil. Mais Luther entend aller plus loin encore. Il ne se limite pas à cette seule critique des activités lucratives de l’Église, il soutient également qu’un croyant ayant commis un péché n’est pas pardonné et racheté en raison de ses bonnes œuvres – c’est-à-dire par tout ce qu’il pourrait faire pour obtenir le pardon – mais seulement par le don de Dieu directement, une grâce née de la foi seule. On comprend que la rupture avec Rome fut alors inévitable.
Lire aussi :
Martin Luther, l’initiateur de la Réforme
Un conflit qui s’internationalise
Le pape réagit, il lui faut ramener ce dissident à la raison. Mais, rien n’y fait. Le virulent théologien est appelé à comparaître à Rome, Luther sait qu’il y risque sa vie, l’hérésie conduit à la mort à cette époque. Le prince électeur de Saxe obtient cependant qu’il soit jugé en Allemagne. Luther ne veut rien entendre et contrairement à ce que lui demande le pape, il continue à soutenir que seule la Bible a une autorité dans le christianisme. Tout retour en arrière apparaît impossible, et commencent alors critiques et caricatures opposant catholiques et partisans de l’Église réformée que l’on nommera dès lors les « protestants » du côté catholique. La bataille fait rage, et de nombreuses gravures présentent le pape comme un cannibale enrichi par les sommes versées par ses fidèles, à l’opposé les catholiques s’en donnent à cœur joie et représentent les protestants mangeant de la viande le Vendredi saint. À l’évidence, l’empereur Charles Quint, les princes protestants et le pape sont entrés dans un conflit qui ne peut dès lors que se durcir et s’embraser. Ce seront les terribles guerres de Religion du XVIe siècle.
Une Bible née de la Réforme
Cependant, de ce conflit, naîtra la fameuse Bible de Luther. Ainsi, ce que l’on nomme la Bible de Luther s’avère être le fruit de cette critique et de cette volonté de rapprocher le peuple des fidèles des Écritures. Pour ce faire, Luther choisit de traduire en allemand la Bible avec tout d’abord le Nouveau Testament en 1522, puis le texte entier en 1534. Cette Bible traduit ce souhait de réforme suite à sa condamnation par l’Église, et de ce fait, elle connaîtra un immense succès avec un nombre impressionnant d’éditions, dont pas moins de onze du vivant de Luther. L’influence et le rayonnement du travail mené par le théologien allemand sera considérable dans la mesure où cette traduction aura non seulement une grande importance sur la langue allemande, mais également de manière plus générale sur la culture de son pays, ainsi que Luther aimait à le souligner lui-même : « C’est à partir de mon art de traduire et de mon allemand qu’ils apprennent à parler et à écrire allemand ». Luther a mené cet immense chantier à partir d’originaux en hébreu et en grec, livrant une traduction claire et accessible comme l’avait fait avant lui saint Jérôme pour la Vulgate. Sa traduction est enrichie par son immense culture théologique et par ses positions réformatrices, ce qui le mènera à refuser le mot à mot ou traduction littérale pour une version offrant un parallélisme moderne avec le texte d’origine tout en intégrant des prises de position contestées par le catholicisme traditionnel. La Bible de Luther se trouve, en effet, être accessible au fidèle en conférant une lecture christologique à l’Ancien Testament.
Cette Bible aura une destinée fameuse puisqu’elle deviendra la Bible même de l’Église protestante d’Allemagne et anticipera un grand nombre de traductions modernes jusqu’à nos jours.
Lire aussi :
De la Bible aux Bibles : Calvin et la Bible de Genève