Fouad Hassoun est miraculeusement rescapé d’un attentat qui a tué vingt personnes et blessé cent autres dans un quartier chrétien de Beyrouth, le 21 janvier 1986. Près de 34 ans après, il raconte dans un livre son incroyable cheminement : “Le pardon m’a guidé vers cette folie de l’amour”, témoigne-t-il à Aleteia.Il s’en souvient comme si c’était hier. “Je croyais que j’étais en train de mourir, et j’ai crié : “Ya Aadra ! Ya Aadra !”, ce qui veut dire : Oh, Sainte Vierge, je ne veux pas mourir !”. Nous sommes le 21 janvier 1986, à Beyrouth, la capitale du Liban. Fouad Hassoun a 17 ans et il termine son petit-déjeuner dans l’appartement de sa grand-mère, où il est installé pour ses études. Brillant étudiant en médecine, il se rêve ophtalmologue et s’apprête à partir pour l’université. Mais en ce beau matin hivernal, “en plein retentissement des klaxons, dans le joyeux désordre de notre rue, un bruit inhabituel se détache du brouhaha”, raconte-t-il dans son livre « J’ai pardonné », publié ce vendredi 23 octobre aux éditions Mame.
Quelques secondes plus tard, depuis sa fenêtre, Fouad Hassoun est heurté de plein fouet par une violente déflagration. Au milieu de la rue, un terroriste vient de faire exploser une voiture piégée. Vingt personnes sont tuées et cent autres blessées. Dans ses derniers souvenirs, Fouad se rappelle avoir invoqué la Sainte Vierge, qu’il avait l’habitude de prier régulièrement, comme ses parents – chrétiens maronites-, le lui avaient enseigné.
Pris pour mort, il est envoyé à la morgue
Totalement aveugle, ne pouvant plus bouger aucun membre, Fouad Hassoun est pris pour mort et envoyé à la morgue. Mais son cousin, qui vient de traverser tous les hôpitaux de Beyrouth pour le retrouver, détecte un mouvement et parvient à convaincre les médecins de l’opérer.
Lorsque je me suis réveillé sur mon lit d’hôpital, je ne voyais plus rien.
“Lorsque je me suis réveillé sur mon lit d’hôpital, je ne voyais plus rien. J’étais entouré de tous mes proches qui se lamentaient sur mon sort”, raconte-t-il à Aleteia. “Miraculé”, Fouad a encore l’espoir de recouvrer la vue. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’il comprend qu’il ne verra plus jamais. “Un énorme sentiment de colère et de haine est monté en moi. Une grosse bombe venait d’exploser à nouveau. Je voulais me venger et tuer celui qui avait posé la bombe”.
J’en t’en prie, libère-moi maintenant (…) C’est trop lourd. J’ai envie d’être heureux.
Catholique pratiquant, Fouad Hassoun s’installe en France où il rencontre Laëtitia, sa future femme et mère de ses quatre enfants. Il entame un long parcours de guérison intérieure. “Une fois de plus, c’est Marie qui a volé à mon secours et fait tomber les écailles de mes yeux”, raconte-t-il dans son livre. Un soir, alors qu’il apprend que l’homme qui avait posé la bombe au pied de son immeuble vient d’être arrêté, un passage de l’Évangile selon saint Jean lui revient en boucle : “M’aimes-tu ?”. “Oui Seigneur, oui je t’aime. J’en t’en prie, libère-moi maintenant (…) C’est trop lourd. J’ai envie d’être heureux”, répond Fouad.
Le déclic lors d’une retraite dans une abbaye
Il franchit un pas décisif en 1988, au cours d’une retraite à l’abbaye de Notre-Dame-des-Neiges, dans un village typique niché au cœur de l’Ardèche. “Au bout d’intenses supplications, j’ai senti monter en moi ce “oui, je veux pardonner”. Ce chemin-là s’est ouvert à moi, comme un énorme déclic. Jour après jour, j’ai vu ce pardon grandir en moi”, raconte Fouad. Il ajoute : “Le conflit ne faisait plus partie de ma vie, et je commençais à construire une vie paisible”.
Touché par la grâce, Fouad Hassoun témoigne que le pardon ne l’a plus jamais quitté. Mieux, il l’a guidé “vers cette folie de l’amour” : “Le seigneur m’a appelé à plus grand, aimer celui qui m’a fait le plus de mal et qui m’a crevé les yeux”.
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