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“Soigner de manière chrétienne c’est voir le Christ dans son patient”

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Agnès Pinard Legry - publié le 17/10/20
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Chirurgien à Nantes et membre fondateur des “fraternités de médecins” de la communauté de l’Emmanuel, le docteur Étienne Gaisne revient pour Aleteia à l’occasion de la saint Luc, patron du personnel soignant, ce 18 octobre, sur son quotidien de médecin catholique au temps du Covid-19.Alors que de nouvelles mesures et restrictions sanitaires entrent régulièrement en vigueur pour enrayer la deuxième vague de Covid-19 en France, les médecins ainsi que l’ensemble du personnel soignant se retrouvent, plus ou moins directement, contraints de s’adapter. “Le Covid-19 nous oblige à une vigilance constante”, explique à Aleteia le docteur Étienne Gaisne, chirurgien spécialiste en orthopédie et traumatologie à l’Institut de la Main de Nantes et membre fondateur des “fraternités de médecins” de la communauté de l’Emmanuel.

Aleteia : Comment appréhendez-vous cette deuxième vague ?
Docteur Étienne Gaisne : Je l’appréhende avec un peu de lassitude. Au printemps on nous avait dit que ça irait jusqu’à l’été. Là on nous dit que ce sera jusqu’à l’été prochain. On se sent démuni et très humble dans notre science médicale. Si on interroge deux médecins il y a de fortes chances pour qu’ils ne tombent pas d’accord et c’est bien normal car il y a tellement d’informations différentes qui circulent, de nouvelles études, des témoignages… Mais dans cette lassitude et parfois cette incompréhension, il n’y a pas de désespérance. Il y a bien sûr une plus forte pression mais nous sommes debout. La lassitude est là, certes, tout comme l’est notre vigilance et notre combativité. Nous ne baissons pas la garde.

En quoi la période sanitaire actuelle complique-t-elle votre métier ?
La situation actuelle complique les choses car nous ne travaillons plus à visage découvert. Dans la relation professionnelle entre mon patient et moi-même, le chirurgien qui va ou a opéré sa main, l’échange et le climat de confiance peuvent être plus difficile à instaurer du fait du visage masqué. Pour atténuer cela j’ai mis sur mon bureau une photo de moi afin de montrer mon visage sans masque. Imaginez-vous : je pouvais opérer des gens sans qu’ils aient vu ma tête et les retrouver le lendemain sans les reconnaître ! Autre chose propre à ma spécialité : j’opère les mains. Or avec les gestes barrières les gens ne sont plus habitués à ce qu’on les touche et certains hésitent au début de la consultation quand je leur demande de me tendre la main. C’est un exercice de patience et de bienveillance. Plus globalement, et cela est propre à tous les médecins, la période actuelle demande une vigilance constante : masque obligatoire, gel hydroalcoolique, nettoyage des bureaux et fauteuils entre chaque patient…



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Donne-t-elle une autre dimension à votre métier ?
La pandémie de Covid-19 a donné une autre approche à mon métier pendant le confinement car nous n’avions pas le droit de faire des chirurgies programmées mais seulement des urgences. Et il y en avait beaucoup ! On sentait qu’il y avait un vrai besoin et, en tout cas en ce qui me concerne, j’ai redécouvert le sens du service de son prochain. Rendez-vous compte, nous avons réalisé là où j’exerce jusqu’à 45 opérations en urgence par jour ! Le dimanche de Pâques, j’ai opéré 25 patients. Cela allait du verre cassé dans l’évier à la découpe malheureuse d’un avocat, l’ouverture d’huîtres, le doigt d’un enfant dans la porte, la scie-sauteuse et une tentative de suicide d’une femme ayant perdu son conjoint du Covid quelques jours plus tôt et qui, ne s’en remettant pas, a décidé de se tailler les veines de désespoir. Tous ces cas, qu’ils soient dû à de la nervosité, du désespoir ou autre, sont autant de réalités humaines qui permettent de réinvestir la dimension de service de notre métier.

La peur d’aller voir son médecin ne doit pas se doubler de la peur d’attraper le Covid-19.

Et puis au moment du déconfinement, fin mai-début juin, nous avons constaté que les patients dont les opérations étaient moins urgentes, je pense notamment à l’arthrose, n’osaient pas se montrer, ils craignaient de revenir. Petit à petit ils sont revenus et constatent par eux-mêmes que toutes les mesures sont prises pour garantir leur sécurité. La peur d’aller voir son médecin ne doit pas se doubler de la peur d’attraper le Covid-19.

L’Église catholique fête saint Luc le 18 octobre. Cette date est-elle importante pour le corps médical ?
Saint Luc est le saint patron des médecins mais aussi de l’ensemble du personnel soignant. Comme pour chaque profession, nous sommes heureux de nous réunir. C’est un temps privilégié qui nous est donné pour se reconnaître différents dans les soins que nous apportons et s’enrichir de cette différence, s’en réjouir. Ce week-end nous allons nous réunir avec notre nouvel évêque, Mgr Percerou et assister à la messe ensemble.

Y a-t-il une manière chrétienne de soigner ?
Je pense que la manière chrétienne de soigner est celle qui consiste à voir le Christ dans son patient. Le chrétien cherchera à donner le meilleur de lui-même en se disant que celui qu’il accueille, qu’il soigne, c’est le Christ. Mais ceux qui ne sont pas chrétiens ou croyants le feront en respectant la dignité humaine et c’est bien cela le plus important.


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