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Quand le cri de la vie épouse le cri des pauvres

FRANCE MIGRANTS Saint Denis
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Benoist de Sinety - publié le 06/09/20
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Que devient-elle, cette civilisation qui tremble devant quelques gueux livrés à la violence de l’exil ? Une soirée du 31 août sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris. Le ciel gris et la température qui se rafraîchit : autant de signes d’un été qui s’estompe. Les quelques vélos qui descendent et remontent la rue de Rivoli, au milieu desquels slaloment les piétons, rappellent que désormais le mot d’ordre est à l’écologie. Les rares familles qui habitent encore alentour semblent rentrer doucement après parfois des mois de retrait à la campagne. Chacun porte son masque, silencieux et docile : le cœur de ville, en un mot, recommence à battre. Masqué mais bien vivant.

Renvoyées de lieu en lieu

Quand soudain, jaillit de bouches de métro, une, puis deux, puis dix, puis trente, puis des dizaines de personnes, en quelques gestes, sortent de leurs sacs des tentes aussitôt dressées sur les dalles de pierres. Ils viennent de différents pays d’Afrique pour la majorité d’entre eux. Ce ne sont pas des jeunes gens mais des femmes, jeunes, enceintes, accompagnées de bébés ou d’enfants. Depuis des semaines, elles sont, ces femmes, renvoyées de lieu en lieu, empêchées de se poser, nuit et jour. On leur recommande de partir en banlieue pour faire baisser les statistiques parisiennes. Bien sûr, elles ne sont pas là par hasard, menées par des associations dont certains jugeront qu’elles les instrumentalisent. Bien sûr, le risque est grand qu’en cédant à ces actions, l’État donne à croire que c’est celui qui criera le plus fort qui obtiendra le plus. On peut ergoter sur le péril mortel que ces familles font courir à une civilisation, pourtant plus fragile aux virus qu’aux migrants. Et d’ailleurs que devient-elle, cette civilisation qui tremble ainsi devant quelques gueux ?


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Mais, pour l’heure, il convient de s’arrêter à cette scène de rue de personnes silencieuses, rejetées, qui dressent leurs tentes devant une mairie et demandent sans bruit particulier le droit de vivre. Et regarder aussi la foule qui poursuit autour d’elles la marche de leurs vies. À peine un regard, comme si rien ne pouvait plus surprendre. Hier c’étaient des Biélorusses qui sortaient leurs bannières, aujourd’hui des migrants, et demain un cracheur de feu peut-être. 

Le plus étrange

Il y a des jours où un arrêt sur image s’impose, où l’on s’en veut de ne plus trouver cette épaisseur au temps comme ce fut parfois le cas durant le confinement. Car le plus étrange dans cette scène urbaine de misère quotidienne, oui, le plus étrange, c’est que la plupart d’entre nous s’en moque. Comment pourrait-il en être autrement tant la machine à dénigrer et à faire preuve est efficace ? Pourtant, malgré les rumeurs virtuelles, ils sont bien moins que nous porteurs de cette maladie qui nous rend collectivement fous, pas plus qu’ils ne viennent armés ou habités de projets assassins. Ils n’ont pas de projet de conquête ni de désir missionnaire particulier : peut-être sont-ils plutôt surpris de nous voir si peu enclins à pratiquer envers eux les commandements de l’Évangile qui pourraient toucher leurs cœurs et les tourner vers le Christ…

Où sont les sages qui doivent proposer à notre société des perspectives de vie et non pas d’abord des angoisses de mort ?

En regardant ces gens se faire pousser de force hors des tentes de fortune et chercher refuge, dans les pleurs et les cris, dans les salles municipales, en voyant ces bébés dans les bras de leurs mères et ces femmes anxieuses de ne perdre aucun des enfants conçus au long des violences de l’exil, je me disais simplement : “Que devenons-nous ?” Où sont les politiques qui ont d’abord pour mission de réfléchir au long terme et pas simplement de réagir aux soubresauts des sondages ? Où sont les sages qui doivent proposer à notre société des perspectives de vie et non pas d’abord des angoisses de mort ? Où sont les religieux qui doivent être prophètes du Royaume ouvert à tous, plutôt que de guetter dans le regard de leurs ouailles une reconnaissance un peu narcissique ? Où sont-ils ceux qui pensent qu’un autre monde doit être pensé et forgé ?

Le cri des pauvres

Il s’est produit en mars dernier un événement impensable qui doit nous ouvrir les yeux : il nous faut désormais vouloir bâtir l’impensable plutôt que nous cantonner au seul raisonnable. Le chrétien est un fou aux yeux du monde, en tout cas c’est ce que Paul annonce et proclame. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Il importe enfin de rappeler à ceux qui s’offusquent à juste titre du projet mortifère porté par certains de nos parlementaires qui souhaitent autoriser pour des raisons de détresse psychosociale l’avortement jusqu’à neuf mois, qu’une femme enceinte de huit mois et deux semaines qui se fait bousculer par des policiers n’est pas loin de représenter l’image de ce pour quoi ils se battent. Sur le parvis de l’Hôtel de Ville, il y a ce matin les passants habituels, quelques vélos aussi qui passent, rue de Rivoli, et qui rappellent que désormais le mot d’ordre est à l’écologie. À condition toutefois de ne pas oublier que le cri de la terre épouse le cri des pauvres.


portrait de Mgr Benoist de SINETY
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