Alors que la théologie nous enseigne que les anges sont de purs esprits, et donc non dotés d’une enveloppe corporelle, les artistes ont largement contribué, au travers des siècles, à faire percevoir leur présence bien réelle dans la vie des hommes. Partons à la rencontre de leurs représentations, en commençant par l’une des plus connues, l’ange au sourire de Reims.La cathédrale de Reims compte des centaines de statues, des myriades y sourient. Et pourtant, tous les regards convergent vers celui que l’on n’appelle plus que « l’ange au sourire ». Un peu comme au Louvre, où la Joconde est le tableau « à voir » en priorité, il est incontournable pour qui visite la cathédrale du sacre des rois de France. Il tourne sa tête vers nous, en un mouvement gracieux. La posture est élégante, les plis du vêtement de pierre soulignent l’avancée de la jambe droite, esquissant un pas, avec un léger déhanchement. Il porte une longue tunique, recouverte d’un manteau que ferme une large boucle en losange.
La main levée ajoute à l’impression de vie qui se dégage du personnage, sans que l’on puisse savoir ce que ce geste signifie, d’autant que la main gauche n’a pas résisté aux affronts du temps. La peinture, soumise aux intempéries depuis des siècles, a disparu. Seule demeure la pierre à l’état brut, alors que toutes les statues de nos églises étaient peintes. Son voisin dans cet alignement de pierre étant Saint Nicaise, un évêque de Reims victime des Huns, il est possible que l’ange ait été porteur d’une palme, symbole du martyre.
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Ses ailes déployées, recouvertes de plumes stylisées, encadrent une figure fine, à la chevelure bouclée. Les yeux sont rieurs, un brin malicieux, ce qui est accentué par la position de la tête, légèrement penchée. Ce charmant sourire semble nous inviter à participer à la joie du ciel dont il est le messager.
Contemporain de Saint Louis et témoin de la Grande Guerre
Lors de la première guerre mondiale, Reims, a été pilonnée pendant des mois dès 1914. L’ange a été décapité par la chute d’une poutre en feu, et sa tête, cassée en une vingtaine de morceaux. Ils ont été, bien heureusement, soigneusement récupérés. L’image de ce désastre culturel a été largement diffusé : pour les Français, la vision de ce visage mutilé était le signe tangible que l’ennemi dévastait leur pays et son patrimoine.
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Huit ans après la fin du conflit, l’ange a pu récupérer sa tête, en particulier grâce au moulage conservé au Musée des Monuments Français. Ce trésor de l’art gothique, dont la réalisation est contemporaine du règne de Saint Louis, est maintenant symbole de la ville de Reims et de sa cathédrale, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité.