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Révélations sur Jean Vanier : « Jamais nous n’avons porté une telle croix »

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Agnès Pinard Legry - publié le 24/02/20
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Alors que les conclusions d’une enquête interne viennent de révéler que Jean Vanier, fondateur de L’Arche, est accusé d’avoir commis des abus sexuels sur plusieurs femmes, les réactions oscillent entre l’accablement, la tristesse et la colère. « Jamais nous n’avons porté une telle croix au cœur de nos communautés », explique à Aleteia le père Christian Mahéas, aumônier de L’Arche France. « Mais je sais qu’après la croix, il y a la Résurrection ».

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Cela fait presque un an qu’il porte cette question dans son cœur. Aumônier de L’Arche France, le père Christian Mahéas était dans l’équipe ayant diligenté l’enquête sur Jean Vanier. Deux jours à peine après la publication du contenu de cette enquête révélant que le fondateur de L’Arche est accusé d’avoir commis des abus sexuels sur six femmes sur la période allant de 1970 à 2005, il revient pour Aleteia sur ces révélations, l’accompagnement des bénévoles de l’association et des personnes handicapées accueillies mais aussi la nécessaire distinction entre l’œuvre qu’est L’Arche et les agissements de son fondateur.



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Aleteia : Comment avez-vous réagi en apprenant les accusations qui pèsent sur Jean Vanier ?
Père Christian Mahéas : Faisant partie de l’équipe qui était au courant de l’enquête, cela faisait presqu’un an que je portais cette annonce. Nous avons commencé à rencontrer des victimes en mars 2019 et l’enquête a démarré en juin. Il n’y a donc pas de surprise. Mais le choc n’en n’est pas moins grand maintenant que les choses sont dites et annoncées à tout le monde.

Révolte, colère, résignation… Quels sentiments vous habitent ?
Je suis passé par toutes les phases, toutes les étapes possibles et imaginables que l’on peut rencontrer lorsqu’on doit accueillir quelque chose d’aussi énorme. Aujourd’hui je suis surtout dans l’écoute des victimes et de celles et ceux que je dois accompagner au sein de L’Arche. Le sentiment qui m’habite est d’être dans la vérité dans ce chemin qui est le nôtre et de vouloir profondément que la vérité soit faite.

En tant qu’aumônier de L’Arche, quel message désirez-vous faire passer ?
Le message est toujours le même : la relation avec les plus pauvres nous révèle la simplicité, la relation vraie, l’écoute… La dimension spirituelle que portent ces personnes est au cœur de nos communautés et nous devons l’honorer. Ces événements ne changent rien au message. Dans mon quotidien je ne pratiquais pas le discours de Jean [Vanier], une personne que j’aimais beaucoup et que je connaissais depuis quarante ans, mais j’expérimentais ce que moi-même j’avais découvert. J’ai été treize ans à L’Arche avant d’entrer au séminaire, dont dix ans au Burkina Faso comme directeur. C’est tout ce que j’ai reçu et compris que j’essaye de transmettre en disant : « Soyez proches des plus petits, entrez en relation avec eux et vous verrez que quelque chose de beau se passera ». Je ne me pose pas la question de ce que je dois dire mais je continue en étant fidèle, semaine après semaine, à ma communauté, en accueillant les personnes, en célébrant la messe, en préparant des personnes handicapées et assistants aux sacrements. L’essentiel est de dire : « Vous êtes les biens aimés de Dieu et je vous le dis au nom de l’Eglise ».

Le message peut parfois malheureusement se confondre avec celui qui l’émet…
Nous sommes parfois tentés d’être polarisés sur des personnes qui nous paraissent absolument exceptionnelles, que l’on met sur un piédestal et dont on fait un mythe. Et on en oublie les plus petits dont on ne parle jamais. J’ai découvert que c’était eux qu’il fallait mettre en première ligne, toujours. Je ne serai pas le prêtre que je suis si ce n’était pas le cœur de mon message.


JEAN VANIER
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Comment allez-vous accompagner les responsables et bénévoles de L’Arche ?
Je vais prendre le temps de les écouter. Parce que cela fait un an que je chemine avec cette nouvelle, je vois les différentes étapes par lesquelles on peut passer. Je vais être attentif à ce qu’ils disent, à ce qu’ils vivent, à ce qu’ils ressentent… et donner du sens : ce mercredi nous entrons en Carême. À L’Arche, nous savons ce que nous allons vivre pendant ce Carême : nous allons confier ce que nous portons, nous allons confier notre tristesse, notre colère… Aujourd’hui nous sommes dans le vendredi saint, nous portons la croix, nous vivons la croix d’une manière inégalée. Jamais nous n’avons porté une telle croix au cœur de nos communautés. Mais je sais qu’après la croix il y a la Résurrection. Entrer ainsi dans le Carême nous prépare. Est-ce la fin de tout ce que nous vivons ? N’y a-t-il que la croix, la mort, la colère, le deuil ? Ou est-ce qu’il y a la vie qui est plus forte que tout ? L’accompagnement va passer par le témoignage de cette vie-là, en redisant que cette vie est belle, qu’elle est première et que nous devons en être témoin.

Et qu’allez-vous dire aux personnes handicapées accueillies à L’Arche ?
Nous en avons déjà parlé dans nos communautés ce week-end et encore aujourd’hui. On explique ce qu’il s’est passé mais aussi, et surtout, on écoute ce qu’elles nous disent. Elles ont toujours des réactions étonnantes, vraies. Elles aimaient Jean. Elles sauront le redire. Elles accueilleront le fait qu’il n’était pas parfait, qu’il y avait quelque chose de sombre dans sa vie. Cela va me demander beaucoup d’écoute, d’attention. Mais nous irons à leur rythme. Et puis il faudra nécessairement accompagner la tristesse des anciens, le sentiment de trahison.

“Je ne crois pas que la fragilité et la vulnérabilité soient une dualité. Elles sont inhérentes à nos vies.”

Qui était vraiment Jean Vanier ?
Son histoire n’était pas si simple, il y avait des fragilités, des blessures en lui. Jean Vanier n’a pas su être accompagné là-dedans, il s’est perdu. Je ne crois pas que la fragilité et la vulnérabilité soient une dualité. Elles sont inhérentes à nos vies. La question est de savoir comment on travaille, comment on chemine avec elles. Il y a un travail que Jean n’avait pas fait ou ne pouvait peut-être pas faire, n’avait pas su faire. Pourquoi ? Nous allons creuser ces questions car nous en avons besoin pour comprendre notre histoire.

Quelle est votre espérance aujourd’hui ?
J’étais en pèlerinage à Rome avec des jeunes la semaine dernière et je me disais : si c’est vraiment l’œuvre de Dieu, Dieu va nous garder dans l’humilité. Et bien là, il nous garde dans l’humilité pour que l’Arche continue à être l’œuvre de Dieu et non par l’œuvre de telle ou telle personne.


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