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De la théologie de la libération à la théologie du peuple de Dieu

PAPE FRANCIS METRO

Sur cette photo qui n’est pas datée du journaliste Sergio Rubin, le cardinal Jorge Mario Bergoglio voyage dans le métro de Buenos Aires (Argentine).

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Frère Gilles Danroc - publié le 13/01/20
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Dégagée de la valeur révolutionnaire attribuée en Europe au prolétariat, le thème du peuple des pauvres, nouveau dans le Christ, a permis à la théologie de la libération d’approfondir son ecclésiologie. Y a-t-il donc une ou plusieurs théologies de la libération ? Cette question exige plusieurs réponses. La différence entre les deux instructions romaines de la Congrégation de la doctrine de la foi (1984 et 1986) montre que le regard européen changea. Là où l’on ne voyait qu’une théologie de la libération, les réactions au premier texte venues d’Amérique latine conduisit à reconnaître plusieurs courants et à demander un discernement en fonction de ces courants. Le cardinal Muller dans ses deux livres (Pauvre pour les pauvres, paru en 2014, et la même année, en collaboration avec Gustavo Gutiérrez : Aux côtés des pauvres. L’Église et la théologie de la libération) ainsi que dans son interview sur le site Aleteia (2014), a bien rendu compte de ce changement de regard.

Violence ou non-violence ?

Il me semble toutefois que le premier clivage aura été celui de la violence. Fallait-il, comme le voulait le père Camilo Torrès (1929-1966) mort au combat et militant révolutionnaire en Colombie, rompre le tabou de la soumission des chrétiens devant les dictatures ? Fallait-il donc embrasser les théories des foyers de libération du Che Gevara (1928-1967) après la révolution cubaine de 1959 ?


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La presse occidentale s’est focalisée sur cette minorité révolutionnaire et passa sous silence que, en particulier à Puebla, la réponse fondamentale de la théologie de la libération fut de proposer une révolution non violente. Les martyrs du Salvador et l’assassinat en pleine messe du bienheureux Mgr Romero le 24 mars 1980 sont les lettres de noblesse de l’Église d’Amérique Latine. Elles furent préparées par le long enseignement quotidien de Don Helder Camara à la radio du Nordeste brésilien, adressé à la majorité des analphabètes de sa région amazonienne.

Prolétariat théorique et pauvreté réelle

Le second clivage fut incontestablement la représentation de la pauvreté des plus pauvres. Après Medellin (1968), les théologiens de métier plus que les acteurs de terrain ont défini la pauvreté comme une catégorie théorique, en en faisant le « moteur de la libération ». Mais à Puebla, en 1979, la pauvreté ne fut plus envisagée comme le prolétariat « théorique » de la révolution marxiste.


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Il s’agissait désormais d’envoyer auprès des mille visages de la pauvreté (les Amérindiens, les Noirs, les femmes, les habitants des bidonvilles, les paysans sans terre, etc.) les nouveaux acteurs de terrain comme les Communautés ecclésiales de base (CEB), les Serviteurs de la Parole et tant de missionnaires laïques. Ce fut ce qu’on appelle là-bas, la opcion qu’il faut traduire par « le choix prioritaire des pauvres » et non — ce qui serait à option précisément — « l’option préférentielle des pauvres ».

La diversité des cultures

Enfin le troisième clivage vient de la diversité des cultures qui échappe à toutes les synthèses et tous les structuralismes comme à toute représentation sociologique réductrice ! Cette irréductible diversité rendit d’autant plus précieuse la conviction d’appartenir au peuple de Dieu, thème placé au centre de la théologie de la libération.

“L’Église se comprend dans le souffle même de la sainte Trinité : Peuple de Dieu le Père, Corps du Christ et Temple de l’Esprit.”

Dégagée de la valeur révolutionnaire attribuée en Europe au prolétariat, le thème du peuple des pauvres permit à la théologie de la libération d’approfondir son ecclésiologie et de donner un sens nouveau et profond à cette théologie du Peuple de Dieu que n’a cessé de défendre, surtout dans les tensions violentes en Argentine même, le pape François, alors provincial des Jésuites puis archevêque de Buenos Aires. À la suite de la constitution Lumen Gentium du concile Vatican II, l’Église se comprend dans le souffle même de la sainte Trinité : Peuple de Dieu le Père, Corps du Christ et Temple de l’Esprit. 


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Par là, la compréhension même du peuple change, ce n’est plus le peuple d’Israël descendant selon la chair des patriarches fondateurs mais un peuple nouveau acquis par le Christ en croix (Eph 2), rassemblant Israël et les païens, tiré du milieu des nations. Non pas un peuple uni par le pouvoir d’organisation (dèmos) mais un peuple (laos) de baptisés de tous les peuples et de toutes les cultures du monde sans exception. Ce qui fonde la théologie du Peuple de Dieu et légitime la piété populaire puisque l’Église se construit à partir de cette base où se croisent des urbains et des paysans, des Amérindiens et des Latinos, des intellectuels et des analphabètes.


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L’Église est le lieu où l’on partage les richesses de la charité en reconnaissant la Miséricorde de Dieu à l’œuvre. En 1985, entre les deux instructions romaines, le père Bergoglio organisait ainsi le fameux congrès sur l’évangélisation de la culture et l’inculturation de l’Évangile. Le biographe du pape François souligne à juste titre que la théologie du peuple venue d’Argentine est la vraie réponse à la présentation unilatérale de la presse européenne déclarant que la théologie de la libération est entièrement marxiste .

La théologie du peuple nouveau par le Christ

Nous pouvons conclure que cette dernière étape de la théologie de la libération manifeste sa vigueur autour du thème de la théologie du peuple de Dieu. Ce thème respecte la diversité des cultures dont l’Amazonie représente comme un extrême et surtout met au premier plan le travail de l’Évangile. La grâce du salut passe du Christ au peuple nouveau qu’il s’est acquis sur la croix et qu’il illumine de sa résurrection.


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L’Église est le canal de cette grâce salvifique quand elle va jusqu’aux limites du monde, entendez vers les plus éloignés de la culture d’un monde mondialisé qui prétend se sauver lui-même, quand elle réunit ceux qui vivent dans la pauvreté mais qui savent partager. Dans le souffle de l’Esprit saint un peuple bigarré s’avance vers le Royaume du Seigneur qui vient à sa rencontre !

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