Avec le temps, beaucoup de couples voient le silence s’installer dans leur relation. Alors que, jeunes amoureux, on passe tout notre temps ensemble à se parler ouvertement et à s’écouter, après le mariage, on considère trop souvent qu’un tel investissement en temps et en dialogue serait de la folie. Comment réapprendre à se dire les choses en toute vérité et charité ?
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ns Dans l’Évangile de saint Marc, il y a un mot qui m’a toujours interpellé : « L’esprit muet ». Au chapitre 9, 14-29, Marc relate un épisode ou Jésus guérit un enfant qui « est possédé par un esprit qui le rend muet » (Mc 9,17). Lorsque ma mission sacerdotale m’a appelé à me consacrer particulièrement au mariage, j’ai rapidement découvert qu’il y a un tel « esprit qui rend muet » dans les couples que cela m’a rempli d’effroi. Effectivement cet esprit de silence fait énormément de ravages. Celui qui s’installe notamment dans le domaine de l’intimité et de la relation avec Dieu. Un esprit dangereux qui empêche d’être en vérité l’un avec l’autre.
Comment un couple arrive-t-il à atteindre cette zone dangereuse de non-communication ? En principe, tout le monde sait que la communication dans un couple est décisive. Si je veux que mon conjoint (mon mari) puisse être réceptif à mes émotions, je dois lui dire ce que je ressens. Et si j’aimerais que l’autre (ma femme) s’intéresse à mon monde, je dois la laisser entrer dans ce monde. C’est comme si, parfois, l’homme et la femme provenaient de deux galaxies différentes.
«Ce mystère de l’intimité de chacun, il est celui de savoir laisser l’autre entrer dans ce qu’il y a de plus précieux en moi, en lui révélant ma vie la plus personnelle.»
Sans tomber dans les généralités, il faut quand-même reconnaître qu’il arrive que certains hommes ne voient pas trop le sens de parler avec leur femme au sujet de leurs propres sentiments. Certains — en fait peut-être la plupart — se limitent à engager la discussion à la seule condition qu’il y ait « un vrai sujet à résoudre ». De l’autre côté, une réserve pareille serait comparable à une femme qui ne considérait pas nécessaire d’avoir une relation charnelle avec son mari, sauf s’il s’agit d’avoir un enfant…
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Chacun a une vision différente de l’intimité, et des besoins tout aussi différents. Ce mystère de l’intimité de chacun, il est celui de savoir laisser l’autre entrer dans ce qu’il y a de plus précieux en moi, en lui révélant ma vie la plus personnelle. N’oublions jamais que pour devenir « un », le couple doit apprendre à s’unir dans ses trois dimensions : celle du corps, celle de l’esprit et celle de l’âme. Pour éclairer ces trois dimensions, j’aimerais vous parler de trois esprits assez communs.
L’esprit de la chair précoce
Le premier esprit, c’est l’esprit de la chair précoce. Il arrive au moment où le sentiment amoureux du jeune couple commence à être accompagné davantage par des gestes de tendresse que par des paroles, davantage par un dévoilement du corps que de l’esprit. Si la relation charnelle s’installe trop tôt, elle risque d’avorter toute communication verbale. L’union des corps est si puissante qu’elle peut empêcher la maîtrise de l’union des esprits. Celle qui, dans la durée, est sans doute l’élément le plus porteur dans une vie de couple.
L’esprit gentil
Le deuxième esprit, c’est l’esprit gentil. Il fomente un climat de silence inconfortable. Pour des raisons de bonne éducation et de respect de l’autre, on ne veut pas le déranger. On se dit qu’il est ridicule de se plaindre pour ceci ou pour cela, que tout ira bien… Pourtant, quand on a une petite pierre dans sa chaussure, on s’arrête tout de suite pour l’enlever. Sinon, une ampoule se forme bientôt, au point qu’on ne peut plus marcher du tout. Quand on commence à ne plus tout se dire, quand, par peur de la réaction de l’autre, on tait certaines choses, cela peut paralyser la confiance dans le couple.
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Si l’un des deux n’arrive plus à s’exprimer, il peut être tenté de se dire qu’il est plus facile de partir au lieu de vivre dans un mensonge. Si c’est mon cas, c’est aussi et surtout parce que cela fait longtemps que je n’arrive plus à m’avouer à moi-même mes propres espérances et mes frustrations, mes besoins et mes doutes… Pour le coup, et que ce soit par peur ou par orgueil, je n’ose plus en parler à l’autre. On pourrait éviter tout cela en levant de temps en temps notre chaussure et en disant la phrase suivante: « il y a une pierre dans la chaussure — il faut qu’on parle, maintenant ! ».
L’esprit boudeur
Le troisième esprit, c’est l’esprit boudeur. Celui qui agit sur le terrain de la mauvaise humeur sans « sous titres ». Pour certains, c’est à peine rentrés du voyage de noces. Pour d’autres, c’est après les deux ou trois premières années de mariage : lorsque l’un des époux, ou les deux, est confronté à la quotidienneté de la vie. Lorsque la fatigue réapparait trop vite, l’intensité du travail professionnel risque de menacer la paix intérieure. Dans ce cas, il suffit que l’un des deux rentre du travail, le regard frustré, avec un nuage noir sur sa tête. S’il ne prend plus la peine de s’expliquer, s’il ne répond plus au regard interrogateur de l’autre, un brouillard de malaise et de méfiance commence à s’installer. Les disputes apparaissent de plus en plus, même si souvent elles ne concernent pas l’autre… Dans ce genre de situation, l’un des deux devrait faire le premier pas. Mais les deux sont fatigués, ils se retirent.
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Le silence crée une distance : c’est le domaine préféré du diable. Depuis toujours, il est l’accusateur. Celui qui me suggère que l’autre ne m’aime plus, ou qu’il a fait ceci ou cela quand-même exprès… On passe de la petite méfiance à la rancœur. Moins on parle, moins on a envie de parler. Pourtant, on peut vaincre cet esprit tout simplement. Il suffit de dire: « chérie, ça n’a rien a voir avec toi, j’ai eu une journée difficile ». Mais c’est moins facile à faire qu’à dire !
Apprendre et réapprendre à communiquer
Que faut-il faire pour ne pas enrayer le cheminement du couple vers sa vraie plénitude ? Bien évidemment, il faut apprendre et réapprendre à communiquer. Ici, il ne suffit pas de dîner ensemble une fois par semaine pour avoir ce temps d’échange à deux. Il faut consacrer des moments particuliers, destinés à prendre la température de notre « nous-deux ». Où les questions dépassent l’ordinaire et le quotidien. À ce moment, au lieu de demander, « comment s’est passée ta journée », ou « comment te sens-tu ? », on demande plutôt « où en sommes-nous dans notre “nous-deux” ? Quel est notre chemin à deux ? Sommes-nous sur la bonne route ? De quoi pouvons-nous nous réjouir ? En quoi aimerons-nous grandir à deux ? ».
Prendre un rendez-vous sacré en couple
À mon avis, le fameux « devoir de s’assoir » des Équipes de Notre Dame (END) offre un chemin qui est à la portée de tous les couples. Cela implique de préserver un moment sacré, en prenant un rendez-vous en tête à tête que rien ne pourra empêcher ni perturber. Il faut le faire au moins une fois par mois, pour un temps prolongé de 2 à 3 heures ou plus. Après un moment de prière initiale et sans que cela n’ait rien à voir avec un règlement de compte, on « se dit ». On révèle à l’autre son intérieur. On dit les succès et les difficultés d’aimer. On rappelle l’idéal qui nous a uni le jour de notre mariage. On voit où on en est.
À ce propos, je vous suggère d’approfondir ce sujet en allant sur www.equipes-notre-dame.fr et en cherchant « le devoir de s’assoir ». Vous allez trouver des bonnes ressources qui répondront à votre situation. Courage, ça vaut la peine !