Tous les chemins mènent au Mont-Saint-Michel ! "Le réseau qui y mène est plus ancien que celui de Saint-Jacques-de-Compostelle", assure l’historien Vincent Juhel, "bien que ce dernier ait eu une attractivité plus forte, sans doute due à la présence du corps de l’apôtre. Le premier pèlerin connu est un moine franc, nommé Bernard, qui au retour d’un voyage au Monte Gargano, à Jérusalem et à Rome, se rendit au Mont en 867-868". Aux alentours de l’an 1000, la fréquentation est à son comble. Adultes et enfants de France mais aussi de pays germaniques, d’Écosse ou d’Irlande, prennent leur bâton de pèlerin pour se rendre au Mont, qu’ils dénomment « Saint-Michel-au-Péril de la mer ». C’est que la marée et les sables mouvants rendent la traversée de la baie particulièrement risquée.
Les chemins d’aujourd’hui
Aujourd’hui, huit chemins ont été retracés par l’association des Chemins du Mont-Saint-Michel, animée par Vincent Juhel et par des bénévoles. Chaque année, ils arpentent les chemins, y disposent un balisage spécifique, rencontrent les autorités locales pour développer l’accueil miquelot. Car sans gîte, pas de pèlerinage. Des guides ont été rédigés, décrivant l’itinéraire et les points historiques et culturels remarquables qui le jalonnent.
En suivant les macarons ornés de la silhouette bleue du Mont, d’un bâton de pèlerin et d’une coquille, le pèlerin peut se mettre en route depuis Cherbourg, Barfleur, Rouen, Paris, Chartres, Caen, Tours, Angers et Winchester. En 2018, un nouvel itinéraire a été tracé en partenariat avec l’association des Chemins de Compostelle. Il permet de relier Amiens à Rouen et de filer ensuite vers le Mont ou bien vers Compostelle. L’extension de cette voie vers le Nord est en cours de réalisation par une dynamique association d’Arras. Objectif : relier Bruxelles, dont l’archange est le patron au Mont-Saint-Michel.
Un partenariat avec l’association bretonne des amis de Saint-Jacques-de-Compostelle a permis de baliser un chemin depuis Clisson. Enfin des liens étroits ont été noués avec les deux autres sanctuaires européens dédiés à l’archange : le Monte Gargano, dans les Pouilles, et la Sacra di San Michele dans le Piémont. L’accord de jumelage, signé en mai 2019, prévoit notamment la création d’un chemin reliant les trois sanctuaires.
Comment retrouver les antiques chemins ?
La plupart des chemins empruntés par les pèlerins sont devenus des routes. "À la veille de la Révolution, des travaux de création des routes royales ont été lancés", explique Vincent Juhel. "L’idée est de désenclaver les provinces pour faciliter le commerce. À partir de 1750, le nouveau corps des Ponts-et-Chaussées s’emploie à améliorer les chemins défoncés et à tracer de nouvelles voies, quitte à exproprier des propriétaires. Cette œuvre ne s’est terminée que sous Charles X. Après la Révolution, les routes royales sont devenues nationales."
Mais certaines nationales se sont métamorphosées en autoroutes : aujourd’hui, si l’on voulait aller à pied de Caen au Mont-Saint-Michel en suivant l’ancien chemin, il faudrait emprunter l’A84 ! Dans ces conditions, comment se rendre aujourd’hui au Mont ? L’association s’est efforcée de "restituer des chemins au croisement d’itinéraires soit connus, soit avec un fort degré de probabilité historique." Le nouveau chemin de Caen, par exemple, passe par une ancienne voie romaine qui, selon les sources historiques, reliait Vieux-la-Romaine à Avranches.
Une fois les chemins retracés, reste à les faire connaître localement, aux autorités, aux habitants et aux personnes de passage. Car un chemin ne vit que s’il est arpenté. En ces temps bousculés pour le monde et pour l’Église, saint Michel a encore des choses à nous dire. Gardien du Ciel, il est aussi le défenseur de l’Église et de la France. Le combattant du démon mentionné dans l’Apocalypse est un allié puissant dans notre lutte contre le mal. Heureux les humbles qui, aujourd’hui sur ses chemins, invoquent sa protection !