« Comme toujours, chacun a ses propres intérêts, mais ce sont nous, les chrétiens, qui en subirons les conséquences ». C’est avec une profonde amertume que Mgr Jacques Behnan Hindo, archevêque émérite syro-catholique de Hassaké-Nisibis dans la région kurde de la Syrie, s’est exprimé sur la situation à la frontière entre la Turquie et la Syrie où deux chrétiens auraient été tués dans l’attaque qui a eu lieu jeudi à Qamishli.En mars dernier, Mgr Hindo avait rencontré les dirigeants du Parti de l’Union démocratique kurde syrienne (PYD). « Je les ai invités à renoncer à leurs projets, déclare-t-il, car ils estiment avoir droit à une région autonome, dans la mesure où il existe un Kurdistan irakien et un Kurdistan turc. Mais la population kurde de ces régions en Syrie ne représente que 10% de la population ». L’évêque est convaincu que les Kurdes perdront leur conflit avec la Turquie, notamment en raison du manque de soutien des États-Unis et des autres forces occidentales. « Ce n’était pas intelligent d’abandonner les Kurdes, il était clair que personne ne les aiderait. Maintenant, ils vont tout perdre, comme c’est arrivé à Afrin ».
C’est un plan pour détruire la Syrie…
C’est aux 5.000 familles de son diocèse que pense l’archevêque. « Ces derniers jours, beaucoup d’entre eux s’étaient déjà enfui des villes frontalières pour trouver refuge à Hassaké. Aujourd’hui, les combats se sont amplifiés et je crains que beaucoup ne quittent le pays. Depuis le début de la guerre en Syrie, 25% des catholiques de Qamishli et 50 % des fidèles de Hassaké ont quitté le pays, tout comme 50% des orthodoxes de ces villes. Je crains un exode similaire, sinon plus important encore ».
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Le nombre élevé de combattants liés à Daech dans la région suscite également de vives préoccupations. « J’ai appris que la prison de Chirkin, où sont détenus des djihadistes de l’État islamique, avait apparemment été touchée. Pourquoi cela ? Peut-être que la grande majorité des prisonniers est désormais libre. C’est un plan pour détruire la Syrie mais pas seulement la Syrie. Désormais, les terroristes vont aussi arriver en Europe, via la Turquie et avec le soutien de l’Arabie saoudite ».
Mgr Hindo a également appelé la communauté internationale à prendre leurs responsabilités. « Les États-Unis, l’Italie, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne devraient tous faire leur mea culpa. Ils ont agi en Syrie pour leurs propres intérêts, se cachant derrière les idéaux de liberté et de démocratie. Au lieu de cela, ils n’ont rien fait d’autre qu’affaiblir notre pays. Pourquoi ne se battent-ils pas pour la liberté et la démocratie en Arabie saoudite ? »
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