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Un concile peut-il déterminer que Jésus est Dieu ?

Concile de Nicée

Cesare Nebbia, "Concile de Nicée" (1560). La scène représente l'ouverture du concile par l'Empereur Constantin Ier le Grand.

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Père Philippe de Forges - publié le 29/09/19
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Faut-il un concile pour déterminer que Jésus est Dieu ? Telle fut la question qui s’est posée au début du IVe siècle. Était-elle nouvelle ? Oui, au vu de la manière dont elle se posait. Les premières interrogations dans l’Église sur l’identité de Jésus n’ont pas concerné sa divinité comme nous pourrions spontanément l’imaginer. Dans le Nouveau Testament, nous avons ainsi la trace de « chrétiens » remettant en cause la véritable humanité de Jésus. Par exemple, on lit dans la première lettre de St Jean une invitation à se garder des faux-prophètes, en particulier de ceux qui parlent sous l’inspiration d’un esprit qui ne proclame pas que Jésus est venu dans la chair (cf. 1 Jn 4, 1-2). On remarque inversement une multitude de témoignages de la divinité de Jésus. Citons parmi d’autres références possibles la confession de foi fondamentale selon laquelle « Jésus est Seigneur » (cf. 1 Co 12, 3). Cette confession néotestamentaire de la divinité du Christ mérite certes des explications — sinon un concile n’aurait pas été nécessaire ! — mais elle est incontournable. Alors comment l’Église a-t-elle pu avoir besoin d’un concile pour affermir les fidèles dans cette vérité ?

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Dans l’Église antique, les crispations les plus fortes sur l’identité de Jésus sont apparues à la suite des affirmations d’un prêtre d’Alexandrie, Arius, au début du IVe siècle. Réfléchissant à la nature du Verbe de Dieu — dont St Jean nous dit dans son Prologue qu’il était auprès de Dieu et qu’il s’est fait chair —, Arius conclut que ce Verbe engendré de Dieu ne peut pas être de la même nature que Dieu. Son raisonnement peut être résumé de la sorte : la nature divine n’a pas de commencement, elle est inengendrée ; or, le Verbe de Dieu est l’Unique engendré (cf. Jn 1, 14) ce qui signifie qu’il a un commencement et n’est pas de nature divine. On le constate : la logique est imparable !


Concile de Nicée
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Pour Arius, le Verbe de Dieu qui s’est fait chair est donc une créature, certes exceptionnelle et faite avant le temps, mais bien une créature. Selon lui, cette approche respecte la nature divine, notamment son immutabilité et sa transcendance. En conséquence, dans son système, celui qui s’approche des hommes en prenant leur condition n’est pas le vrai Dieu mais un médiateur créé. Qui plus est Arius trouve dans les Écritures des appuis à sa doctrine. Il remarque par exemple que Jésus affirme : « Le Père est plus grand que moi » (Jn 14, 28) ou encore : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17, 3). Il constate aussi que, dans l’Ancien Testament, la Sagesse, figure qu’il identifie au Verbe, dit avoir été créée depuis toujours par Dieu comme prémices de ses œuvres (cf. Pr 8, 22). Convaincu par sa lecture des saintes Écritures, Arius n’entraîne pas dans son sillage son évêque, Alexandre mais d’autres évêques et un très grand nombre de chrétiens se rallient rapidement à lui. L’arianisme était né ! Comment l’Église allait-elle pouvoir vérifier la validité de cette séduisante doctrine ?

Un concile pour rejeter l’arianisme

La conversion de l’empereur Constantin au christianisme à la suite de la bataille du Pont Milvius a constitué un tournant dans l’histoire du christianisme. Elle conduit en particulier l’empereur à s’intéresser aux conflits internes à l’Église, mu par des préoccupations théologiques et politiques. Une Église déchirée est en effet néfaste pour l’unité de l’Empire. C’est donc Constantin qui décide de convoquer le premier concile œcuménique de l’histoire de l’Église. Quel en était le principe ? Réunir tous évêques de l’oikouménè, c’est-à-dire de l’ensemble du monde habité, pour se pencher sur les affirmations d’Arius.



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C’est une première mais où se situe la nouveauté de cette assemblée ? Dans le fait de réunir des évêques pour trancher une question doctrinale et/ou disciplinaire ? Non, des conciles locaux l’avaient déjà fait. Dans le fait qu’il s’agissait de prendre des décisions valables pour toute l’Église ? Non, car les conciles locaux savaient déjà que leurs décisions pouvaient concerner l’ensemble de l’Église. Le premier concile œcuménique ne signifie donc aucunement que l’Église prend conscience de son caractère universel ! Dès son origine, elle s’est en effet comprise comme un corps unique, celui de Jésus-Christ. Alors qu’y-a-t-il de nouveau dans ce concile œcuménique de Nicée réuni en 325 ? La découverte qu’un ou plusieurs conciles locaux ne suffisaient pas à résoudre un grave conflit théologique et qu’il pouvait parfois être nécessaire de convoquer tous les évêques de l’Église. Bien entendu, lors de ce concile, comme lors de ceux qui suivront, tous les évêques de l’Église ne seront pas présents ! Il n’y aura par exemple quasiment pas un seul évêque d’Occident bien que des représentants de l’évêque de Rome seront bien présents et actifs. Il n’empêche que le concile a une dimension œcuménique dans sa convocation et dans sa réception.

Que va décider le concile de Nicée ?

Une fois tous ces évêques réunis, que va-t-il se passer ? Négativement, l’arianisme est rejeté. Positivement, une juste interprétation des Écritures est affirmée. Pour demeurer fidèle au témoignage des Apôtres sur Jésus et sur son œuvre de salut, les pères soutiennent que le Verbe de Dieu, Lui qui est venu dans la chair, doit être dit consubstantiel à Dieu le Père. Qu’est-ce à dire ? Qu’il forme une seule substance avec lui ou encore qu’il est un seul Dieu avec lui. Le concile indique ainsi que le témoignage des Apôtres et de l’Église primitive est formel : celui qui a vécu parmi les hommes, s’est offert sur la Croix et est ressuscité d’entre les morts est Dieu lui-même. Toute interprétation de l’Évangile modifiant cette incroyable révélation réduirait à néant le salut obtenu en Jésus-Christ. Dans le déroulement de l’histoire, il se trouve que l’arianisme ne disparaîtra pas immédiatement après le concile de Nicée. Néanmoins, les 318 pères de Nicée ont alors rappelé la vérité de la foi contre une vision rationaliste de la révélation biblique. Leur enseignement s’offre à nous encore aujourd’hui. Comme nous y invite le Commonitorium de Vincent de Lérins au Ve siècle, saurons-nous reconnaître que nous sommes des fils invités à ne pas oublier les enseignements de nos pères (cf. Pr 3, 1) ?

Pour en savoir plus :

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