« En prenant soin de l’exclu, du pauvre, du fragile, se révèle à nous quelque chose du visage du Christ », confie à Aleteia Mgr Benoist de Sinety, vicaire général du diocèse de Paris en charge de la solidarité, à l’occasion de la 105e Journée mondiale du migrant et du réfugié ce dimanche 29 septembre. « Il est le tabernacle du Christ ». Alors que l’Église catholique célèbre ce dimanche 29 septembre 2019 la 105e Journée mondiale du migrant et du réfugié, son action auprès des plus fragiles, des exclus, prend sa source dans l’enseignement du Christ, rappelle à Aleteia Mgr Benoist de Sinety, vicaire général du diocèse de Paris en charge de la solidarité et auteur du livre Il faut que des voix s’élèvent.
Aleteia : L’Église est-elle en première ligne dans l’accueil des migrants et des réfugiés ?
Mgr Benoist de Sinety : si cela fait un peu plus d’un siècle que la Journée mondiale du migrant et du réfugié existe, il y a toujours eu, dans la prière de l’Église, une place toute particulière pour ceux qui voyagent, qui deviennent étranger sur une autre terre que la leur. Il suffit de reprendre l’Ancien testament. Nous l’observons avec une acuité plus forte aujourd’hui bien entendu mais à la source il y a toujours cette intuition qu’il faut prier et accompagner ces personnes, à la suite du Christ. Avec les messages qu’il envoie régulièrement, le pape François ne fait que s’inscrire dans la lignée de ses prédécesseurs. L’Église n’est pas là pour établir des lois que les États doivent voter. Mais elle doit dire qu’il y a une ligne rouge infranchissable qui est celle du respect de la dignité humaine.
“Avant de s’interroger sur la présence des migrants et des réfugiés sur un quelconque territoire, nous avons d’abord le devoir d’en prendre soin.”
Avant de s’interroger sur la présence des migrants et des réfugiés sur un quelconque territoire, nous avons d’abord le devoir d’en prendre soin. En prenant soin de l’exclu, du pauvre, du fragile, se révèle à nous quelque chose du visage du Christ. Le pauvre est comme le tabernacle du Christ. Avant de juger le bien-fondé de sa présence il est crucial de respecter son humanité, sa dignité. S’il est devant moi, c’est qu’il m’est donné par le Seigneur pour être mon prochain, il m’est confié pour que j’en prenne soin.
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Depuis la crise migratoire 2015, les choses ont-elles changées ?
Je le pense. Plusieurs milliers de migrants sont accompagnés par des paroissiens, des associations, des églises… La seule manière d’avancer, quand on parle de lutte contre la pauvreté, est l’investissement personnel, le rapport d’une personne à une personne. La maison Bakhita, qui ouvre ses portes ce samedi, est un autre exemple. Ce projet a été voulu par le cardinal André Vingt-Trois puis par Mgr Michel Aupetit afin d’avoir un lieu dédié à la promotion et à l’intégration des personnes migrantes. L’idée est de pouvoir mettre en réseau une quarantaine d’associations qui s’occupent des migrants mais aussi de proposer des formations et un accompagnement supplémentaire. Après il faut distinguer ce que les gens font à titre personnel, au sein d’une communauté… et ce que fait la société dans son ensemble. Je vois chaque jour tellement d’initiatives remarquables ! Mais ce que je constate aussi globalement, c’est que notre société est marquée par des peurs profondes, liées à la question de l’argent, de la richesse. La grande question que se pose beaucoup de parents est la suivante : est-ce que mes enfants vivront mieux ou moins bien que moi ? C’est une questions légitime qui interroge son rapport à la richesse. Mais quand on est dans une société qui est en crise de valeurs, de repères et d’identité, cette question peut provoquer un repli sur soi, un sentiment de peur. Le pauvre, quel qu’il soit, effraie car il renvoie l’image de celui que je redoute de devenir.
“De la conception à la mort, l’Église est celle qui rappelle à temps et à contretemps le caractère inviolable de la dignité humaine.”
L’Église a une position très formelle et assurée sur les questions de bioéthique et un peu moins sur la question des migrants…
Les deux sujets sont aussi importants pour l’Église catholique car il s’agit de la défense de la vie et de la dignité humaine. De la conception à la mort, l’Église est celle qui rappelle à temps et à contretemps le caractère inviolable de la dignité humaine. L’embryon étant par nature sans défense, il est peut-être plus évident de le percevoir quand il s’agit du début de la vie. Mais il en va de même à tous les stades de l’existence. L’étranger doit être respecté : attention, il ne s’agit pas de savoir s’ils peuvent ou non rester mais peu importe la réponse apportée à sa demande, il doit être traité avec dignité.
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« Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité », peut-on lire dans la lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens. Sans charité point de salut ?
La charité est un mot qui se réfère directement à l’amour. Je distingue ainsi la charité de la solidarité ou de l’humanitaire. Dans le second cas vous faites quelque chose pour faire du bien à l’autre, à celui ou à celle qui est dans le besoin. La charité c’est essayer d’aimer l’autre en recevant de l’autre l’amour que je lui donne. Je te reçois et je me donne à toi. La foi, l’espérance sont des manières dont l’homme arrive à poser son regard sur Dieu. La charité c’est la communion avec Dieu.
“Le cœur de l’homme est fait par Dieu et se laisse toucher par la souffrance.”
Que diriez-vous à un chrétien qui ne sait pas comment réagir face à un migrant ?
Je le prendrais par la main, je le présenterais à un migrant et je lui dirais : « Maintenant occupe-toi de ton frère ». Peu importe ses peurs, ses convictions politiques je sais qu’il s’en occuperait car le cœur de l’homme est ainsi fait. Le cœur de l’homme est fait par Dieu et se laisse toucher par la souffrance.
Il faut que des voix s’élèvent, par Benoist de Sinety, Flammarion, avril 2018, 12 euros.