“Trouver et chercher à comprendre les lois enfouies dans l’univers doit nous émerveiller plutôt que nous jeter dans l’angoisse et la peur”, assure à Aleteia le père Jean-Baptiste Kikwaya, jésuite et astronome à l’Observatoire du Vatican.
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S’il a la tête dans les étoiles, le père Jean-Baptiste Kikwaya, prêtre jésuite congolais, n’en n’a pas moins les pieds sur terre, plus précisément à l’Observatoire du Vatican. Depuis 2009 il y étudie les astéroïdes. Une collaboration avec la Nasa lui a même valu de donner son nom à un météore. “Contempler le Ciel comme un lieu immense, ouvert presqu’à l’infini, nous arrache à notre petitesse”, confie-t-il à Aleteia.
Aleteia : Quelles sont selon vous les dernières découvertes marquantes dans le domaine de l’astronomie ?
Jean-Baptiste Kikwaya : Au lieu de parler de découvertes, parlons plutôt de pistes de recherche. Il y en a beaucoup et dans plusieurs domaines de l’astronomie. Nous pouvons en évoquer quelques-unes. La première, pour moi, serait la découverte des planètes extraterrestres, les fameuses exoplanètes. Ce sont des planètes qui graviteraient autour d’autres étoiles que le soleil (notre propre étoile). Cette recherche est motivée par la grande question de la vie “extraterrestre” : y a-t-il la vie en dehors de la Terre ? Le télescope spatial Kepler en a déjà repéré près de 4.000, et certaines se situeraient dans la “zone habitable”, c’est-à-dire cette zone ou, du point de la température, la vie qui se développerait pourrait être maintenue. La deuxième piste de recherche est l’attention accordée aux trous noirs. L’évidence de l’existence des trous noirs n’est qu’indirecte. Mais le travail accompli dernièrement par une équipe de chercheurs astronomes dans une collaboration internationale a permis de cerner un peu plus cette réalité en reconstituant une image qui a fait le tour du monde et qui encourage la recherche. La troisième piste est celle des avancées dans le domaine cosmologique. Nous savions depuis Einstein, Hubble, Lemaitre que l’univers était en expansion, mais dernièrement, nous nous sommes rendu compte que non seulement il est en expansion, mais aussi il accélère (il va de plus en plus vite). D’où l’existence de l’énergie noire (dark energy) qui justifierait le fait de l’expansion et de l’accélération de l’univers.
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Qu’est-ce que l’astronomie a encore à nous apprendre ?
S’il est vrai que l’on découvre de plus en plus en astronomie, nous reconnaissons aussi humblement que nous avons encore du chemin à parcourir et peut-être que nous n’arriverons jamais au bout de ce chemin. L’astronomie doit continuer ses différentes recherches pour nous offrir de manière univoque la réponse à la question de savoir si oui ou non la vie telle que nous la connaissons existerait également ailleurs que sur la Terre. Il en va ainsi de l’énergie noire sur quoi repose en cosmologie la justification du fait que l’univers est en expansion mais surtout qu’il accélère. C’est encore un terrain totalement inconnu : nous ne savons pas en quoi consiste cette énergie noire. L’astronomie devra nous éclaircir là-dessus. La troisième chose que je peux évoquer est le fait que ce que nous connaissons surtout en astronomie observationnelle repose sur la lumière que nous recueillons des astres, et aussi sur d’autres ondes de haute fréquence (ondes gamma) et de faible fréquence (ondes radio), mais nous savons maintenant de plus en plus que le son (infrasound) est aussi source d’information que l’astronomie peut exploiter pour nous apprendre un peu plus des phénomènes célestes. Quand une galaxie percute une autre dans le processus de fusion, cela ne se fait probablement pas en silence, mais dans un environnement chaotique. Serons-nous capables de capter les différents sons pour déterminer a quelle étape se trouverait le processus de fusion ?
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La conquête spatiale et les découvertes astronomiques nous ont totalement fait changer d’échelle au point d’être parfois vertigineux pour l’homme. Comment l’envisager avec espérance et non avec angoisse ?
Il est vrai que les recherches astronomiques repoussent les limites de la connaissance. Je dirais que l’univers est là pour que l’homme apprenne à le connaître. Trouver et ensuite chercher à comprendre les lois enfouies dans l’univers doit nous émerveiller plutôt que nous jeter dans l’angoisse et la peur.
“Quand un jésuite cherche à connaître Dieu par exemple, il ne s’agit pas de l’étudier de l’extérieur, mais de chercher à entrer dans la relation qui existe avec Lui et de la vivre et de l’exprimer.”
Comment vous est venue votre passion pour l’astronomie ?
Ma passion pour l’astronomie est venue des questions que je me posais quand, tout petit, je regardais le ciel. Il est des objets célestes qui ne nécessitent nullement des instruments perfectionnés pour les observer. Le premier instrument que naturellement nous possédons tous sont les yeux. Un phénomène que j’aimais bien observer est celui que nous appelons communément « étoile filante » et météore en terme scientifique. Qu’est-ce qu’une étoile filante ? D’où vient-elle ? Et pourquoi disparait-elle dans l’atmosphère ? Ce sont là des questions que je me posais. Le deuxième objet qui m’a aussi toujours fasciné est la Lune. Qu’est-ce que la Lune, d’où vient-elle, qu’est-ce qui la maintient toujours suspendue au-dessus de nous, de quoi est-elle faite ? Toutes ces questions ont de manière consciente et inconsciente suscitées mon intérêt pour l’astronomie, lequel est devenu par la suite une véritable passion.
Les jésuites ont toujours été très présents dans le domaine de l’astronomie… Comment l’expliquez-vous ?
Je dirais que les jésuites sont présents en astronomie, mais aussi dans beaucoup d’autres domaines de la connaissance. Personnellement, je pourrais l’expliquer par l’accent qui est mis dans la formation d’un jésuite sur le fait de connaître. Mais seulement connaître ici n’est pas directement dans le sens d’étudier, de disséquer, acquérir des connaissances pour des connaissances, ce qui serait trop extérieur. Connaître dans la formation d’un jésuite signifie d’abord et avant tout “vivre avec”, “être compagnon”, “être avec”, “sentir avec”. Quand un jésuite cherche à connaître Dieu par exemple, il ne s’agit pas de l’étudier de l’extérieur, mais de chercher à entrer dans la relation qui existe avec Lui et de la vivre et de l’exprimer. Il en va de même de tout, allant de l’homme a l’univers (n’importe quelle réalité).
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Contempler le Ciel nous rapproche-t-il de Dieu ?
Contempler le Ciel nous rapproche de Dieu seulement quand le bon décor est mis en place. La première chose à signaler doit être ce qu’est ce Dieu. Notre Dieu n’est pas celui-là à qui la science fait perdre du terrain et qui recule devant les avancées de la science. Il n’est donc pas ce Dieu “bouche-trou” qui vient combler les vides que la science laisse derrière elle parce qu’il y a des questions auxquelles elle n’a pas “encore” donné des réponses. Notre Dieu est celui-là qui, dans sa relation avec l’homme et aussi le monde, ouvre tout azimut, et s’assure que la vie est toujours assurée et est en abondance. Maintenant quand on contemple le Ciel, ce lieu immense, ouvert presqu’à l’infini, cela nous arrache à notre petitesse, fait sauter nos limites, relativise nos blocages et nous lance, je l’espère, dans la marche de la vie non seulement pour nous, astronomes, mais aussi les autres. Ainsi, nous rejoignons Dieu et collaborons avec Dieu dans sa mission de déblayer le terrain pour que la vie soit toujours possible.