À l'approche des vacances d'été, certaines sont tentés de faire l’école buissonnière... Il est amusant de constater l’évolution de cette expression au fil des siècles car si elle signifie aujourd’hui sécher les cours, se promener au lieu d’aller en classe, son sens originel était totalement différent. Il faut remonter au Moyen Âge pour en trouver l’explication. À l’époque, l’éducation est assurée par l’Église et destinée essentiellement au recrutement des clercs et des moines. On enseigne aux jeunes élèves, essentiellement issus de familles aisées, « la lecture, le chant des psaumes, la science des comptes et la grammaire. Telle était l’étendue de l’enseignement qui, d’après un concile de 789, devait se donner dans chaque monastère et dans chaque école épiscopale » précise Pierre Philibert Pompée dans son Rapport historique sur les écoles primaires de la ville de Paris.
La capacité de ces écoles se révèle vite insuffisante : « Les écoles étaient encore si rares et l’ignorance si grande que le concile de Tulle, tenu en 859, reconnaissait que le défaut d’écoles avait presque fait perdre l’intelligence des saintes Écritures » indique encore l’auteur. On crée alors dans chaque paroisse, dans chaque quartier, de nouvelles écoles et c’est en cette fin de IXe siècle que s’ouvre à Paris une première école publique, en dehors de la cathédrale et des monastères, accueillant des enfants qui ne se consacreront pas forcément à la vie sacerdotale. Le nombre de ces écoles ne cesse ensuite d’augmenter, on les appelle petites écoles, un nom qu’elles conserveront jusqu’à la Révolution Française où elles deviendront les écoles primaires ou élémentaires.
Un pouvoir absolu
À Paris, une grande partie des petites écoles est sous la responsabilité du chantre de Notre-Dame de Paris. Ce chanoine, haut dignitaire du chapitre désigné le plus souvent par l’évêque, préside au chant dans les églises cathédrales et dans les collégiales. Il est aussi chargé de la direction des écoles épiscopales, abbatiales et des petites écoles : il fixe le nombre d’écoles, le nombre d’élèves, nomme les enseignants, s’assure que les règles de vie et le contenu de l’enseignement sont respectés... Dans son Rapport historique, Pierre Philibert Pompée n’hésite pas à parler de « pouvoir absolu » ou « souverain » exercé par le chantre sur les petites écoles. Il est notamment imposé aux maîtres et maîtresses un impôt correspondant au cinquantième de leur revenu.
Pour contourner cette taxe, certains d’entre eux se mettent à enseigner en cachette, dans des lieux secrets ou écartés, dans les champs, les forêts ou… les buissons, et l’on commence à parler d’écoles buissonnières.
Se cacher pour enseigner et pouvoir étudier
Au XVIe siècle, l’apparition et le développement du protestantisme bouleversent l’Europe. En France, des dispositions sont adoptées pour essayer de contrôler son expansion, elles sont « de nature à maintenir le clergé dans sa prérogative scolaire et à empêcher les nouveaux religionnaires de propager leurs doctrines au moyen des écoles qu’ils s’efforçaient d’ouvrir » explique Pierre Philibert Pompée. Elles obligent notamment les familles protestantes à envoyer leurs enfants au catéchisme catholique jusqu’à l’âge de 14 ans. Menacés « de mort, de galère, de confiscation, de prison et d’amende », les disciples de Luther sont contraints de se cacher pour prêcher, enseigner et pratiquer la nouvelle religion. Comme les maîtres des petites écoles voulant échapper à la redevance ecclésiastique, ils créent alors des écoles clandestines cachées dans la nature que l’on appelle des buissonnières. Se cacher pour enseigner et pouvoir étudier… l’école buissonnière a bien changé depuis le XVIe siècle !