Adoptée définitivement par le Sénat ce 2 juillet 2019, la loi interdisant les violences éducatives ordinaires vise à faire évoluer les mentalités vers un plus grand respect de l’enfant.Désormais, lors des mariages civils, le Maire fera lecture aux jeunes mariés d’un nouvel article du Code civil, spécifiant que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. » Si le code pénal interdit déjà toute forme de violence physique envers les enfants, une jurisprudence datant de 1804 admettait un « droit de correction ». La loi adoptée définitivement par le Parlement ce 2 juillet 2019 interdit désormais les « violences éducatives ordinaires ». En d’autres termes, les fessées, gifles, pincements, coups, morsures, gestes brusques, hurlements, injures ou encore moqueries envers l’enfant. Quels sont les enjeux d’une telle loi ? Décryptage avec Marie-Jeanne Trouchaud, thérapeute, auteur de « Donnez confiance à votre enfant » (Plon) et directrice pédagogique de l’association SEVE.
Aleteia : Pensez-vous qu’il soit possible d’éduquer sans fessée ?
Marie-Jeanne Trouchaud : Bien sûr ! Pour moi, on ne devrait jamais punir un enfant. Grâce à l’avancée des neurosciences, nous savons aujourd’hui que le cerveau de l’enfant est immature. Il ne sait pas dire l’injustice ou l’humiliation autrement que par la colère. Le punir signifierait que son émotion est mauvaise. Or la colère est normale, légitime. La colère protège contre l’injustice, les humiliations, les abus de pouvoir. Si on lui interdit de manifester sa colère, il culpabilise, à l’idée de ressentir une émotion « mauvaise » et peut devenir violent envers lui-même, ou bien il se sent incompris et peut devenir violent envers les autres. Faire preuve de violence en voulant corriger un enfant est donc source de futurs comportements violents.
Quelles sont les réponses éducatives qu’un parent peut apporter ?
La solution, c’est de donner confiance à son enfant. Quelqu’un qui a confiance en lui n’est pas violent. Cela suppose de lui donner la possibilité de dire sa colère, au lieu de la nier ou de la brimer. On peut expliquer à l’enfant : « Ce que tu fais là est interdit. La prochaine fois, tu viens me dire que tu n’es pas content, et ensemble, on trouve une solution ». Il s’agit de donner à l’enfant un moyen d’expression socialement acceptable de ce qu’il éprouve. On demande à des enfants d’être de bons petits citoyens sans leur apprendre à le devenir ! Tout l’enjeu consiste à lui apprendre à discuter, à collaborer, à co-construire, à s’exprimer et à écouter.
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Il y a une différence entre la sanction et la punition. La sanction est acceptable dans la mesure où on connaît les règles et on sait lorsqu’on les a outrepassées. La punition, elle, dépend souvent de l’humeur du parent, de sa fatigue, de la situation, et bien souvent, l’enfant ne comprend pas le sens d’une fessée survenue soudainement.
Quels sont les enjeux d’une telle loi ?
La loi limitera les violences éducatives ordinaires. Nous avons l’exemple de la Suède, où elles sont interdites depuis 1979. Les parents ont appris à faire autrement, et le nombre d’enfants victimes de violences éducatives a fortement diminué. Cette loi vise aussi à faire prendre conscience aux parents que lorsqu’un enfant est agressif envers son père ou sa mère, ou un membre de sa famille, c’est un appel. Il est mal et cherche par tous les moyens à se faire entendre, il cherche le lien, la relation. Et si le parent ne répond pas, alors il brise le lien et là, c’est l’escalade de la violence.
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Bannir les violences éducatives ne nuit-il pas à l’autorité parentale ?
Non. Il ne faut pas confondre pouvoir et autorité. Le pouvoir, c’est soumettre l’autre. L’autorité, elle, est basée sur la confiance. Elle suppose d’être fiable, d’être un exemple, d’être dans la compréhension, dans la recherche de solutions. Il s’agit de traiter un enfant comme nous souhaiterions être traités par un supérieur hiérarchique : on respecte bien son autorité, sans pour autant subir de violence. On attend de lui de l’aide, de la compréhension, et on sait ce qu’il attend de nous, il y a des règles. Bien sûr les règles sont nécessaires, et ce qui est judicieux, c’est de permettre à l’enfant de comprendre la nécessité des règles et de le faire participer à leur l’élaboration.