C’est le pape François qui a convaincu le diacre Didier Rance que le fondateur de l’ordre des frères mineurs était « l’homme dont les diacres doivent s’inspirer ». L’auteur de “Saint François d’Assise, diacre” (Lethielleux) raconte comment l’humble Poverello, par sa vie et par ses écrits, est le prophète du diaconat d’aujourd’hui.Aleteia : Comment êtes-vous devenu diacre ?
Didier Rance : En 1983, j’étais depuis trois ans permanent à l’Aide à l’Église en détresse (AED), dont la mission ecclésiale est éminemment diaconale, le service de la charité envers les Églises les plus souffrantes et nécessiteuses — j’avais d’ailleurs des collègues diacres. La question ne pouvait pas ne pas se poser mais le déclic est venu lors d’un pèlerinage à Assise. Comme toute vocation chrétienne est à la fois appel (ou interpellation) personnel et vérification par l’Église, je m’en suis ouvert à mon évêque, qui a accueilli positivement ma démarche. J’ai été ordonné en 1985, un des plus jeunes diacres alors, et aujourd’hui je suis un des plus vieux dans le diaconat : c’est la vie, et je me réjouis des près de 2000 ordonnés en France depuis. Trois ans après mon ordination, il m’a été demandé de devenir aussi diacre de rite byzantin, il n’y en avait pas alors en France. C’était dans la ligne et mes engagements et j’ai dit oui et depuis je le suis, par indult de Rome.
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À quoi servent les diacres ?
L’agir suit l’être, dit saint Thomas d’Aquin, il faut donc commencer par ceci : le diacre est un ministre ordonné. Par ailleurs tout ce que le diacre peut faire (durant la messe, les baptêmes, les mariages…), le prêtre peut aussi le faire, et tout ce que le diacre doit faire, le service de la charité, tous les baptisés doivent le faire. Dans un monde où l’homme est souvent qualifié par les fonctions qui lui sont propres, le diacre n’en a pas ! Selon cette logique du monde, il serait donc inutile, mais en réalité, comme me l’a dit mon évêque en m’ordonnant : « Vous devez devenir signe sacramentel du Christ serviteur de ses frères. L’important n’est pas ce que ferez, mais ce que Dieu vous appelle à signifier. »
En France, le diacre a souvent été qualifié de « ministre du seuil ». Qu’en pensez-vous ?
L’expression est du père Congar, et signifierait que le diacre, marié et actif professionnellement, serait plus dans le monde, ad extra, que le prêtre. Cette différence peut exister, mais l’inverse aussi et, de plus, bien des diacres ont un ministère ad intra. L’essentiel est ailleurs, dans un certain style, celui du service — que tel ou tel diacre soit plus tourné ad intra ou ad extra, vers l’Église ou vers le monde, ou vers les deux. La richesse du diaconat français n’est-elle pas dans la diversité des missions ?
Vous est-il arrivé de poser la question : « Et si vous deveniez diacre » ?
Oui, bien sûr, et plusieurs le sont devenus. Mais je ne l’ai jamais demandé simplement parce que la personne était bien engagée dans l’Église, l’idée du diaconat comme promotion ou médaille pour laïcs méritants m’est étrangère. C’est une vocation propre autant que des engagements concrets, même si ceux-ci doivent l’incarner — c’est le sujet de mon récent livre Spiritualité du diaconat, la grâce de servir (Salvator), à qui je renvoie ceux qui se posent la question. L’avis de l’épouse compte aussi beaucoup.
Vous publiez un Saint François d’Assise, diacre (Lethielleux). Le Poverello d’Assise était-il vraiment diacre ?
J’ai été ordonné diacre et je suis entré avec mon épouse dans une fraternité franciscaine séculière dans la même année — c’est dire combien les deux comptent pour moi et combien ils s’enrichissent réciproquement. Mais durant plus de trente ans, je n’ai pas fait le lien entre saint François et le diaconat, croyant comme beaucoup qu’il n’était pas sûr qu’il fût diacre, et que de toute façon cela n’avait pas beaucoup d’importance vu le diaconat en son temps.
Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
Le pape François. Il écrit dans la préface d’un livre consacré l’an dernier à ses interventions sur le diaconat : « En lien avec les pauvres, j’ai pensé à François d’Assise. C’est ainsi que m’est venu dans le cœur le nom, François d’Assise, dont la tradition nous dit qu’il avait été diacre. Il est pour moi l’homme de la pauvreté, l’homme de la paix, l’homme qui aime et prend soin de la création. Il est l’homme dont les diacres doivent s’inspirer.» Il y a là une invitation adressée à tous les diacres, de spiritualité franciscaine ou non. J’ai décidé d’y répondre. Mais je n’ai pas trouvé grand-chose sur le sujet, sinon deux articles en italien et le livret d’un diacre belge. Or plus j’y ai pensé plus il m’a paru que les diacres d’aujourd’hui ont à recevoir d’un saint François, diacre. Ne pouvant lire un ouvrage de référence sur la question, j’ai dû l’écrire pour pouvoir le lire. La première partie du livre se lit comme la résolution d’une énigme policière : « À la recherche du diaconat méconnu de François d’Assise », et met en valeur cette dimension assurée du plus populaire des saints. La seconde partie confronte la façon dont il vécut son diaconat avec le développement de celui-ci depuis Vatican II : une extraordinaire convergence entre les deux : saint François a été, par sa vie et par ses écrits, le prophète du diaconat d’aujourd’hui, 750 années avant sa restauration. Cela vaut la peine d’y regarder de plus près. Tous, diacres ou non, nous avons à gagner à mieux connaître le diacre saint François.
Saint François d’Assise, diacre, Didier Rance, Artège, 2019, 152 pages, 11 euros.